La loi sur les droits des patients a 20 ans. Happy Birthday ? (Tom Goffin)

A l’occasion des 20 ans d’existence de la loi sur les droits des patients, Tom Goffin, qui enseigne le Droit de la Santé à l’UGent et préside la Commission Fédérale « Droits du Patient », fait le point sur cette loi. Il en souligne les points forts et les points faibles. Il s’interroge sur son adéquation à l’actualité et sur l’éventuelle nécessité d’une mise à jour.  

« Voilà 20 ans que le Parlement fédéral a voté cette loi. Ce fut un jalon important dans le renforcement de la position du patient. Au travers de sept droits, le patient recevait ainsi les moyens de son autonomie et le droit de gérer sa propre émancipation en matière de santé. »

« Les sept droits en question sont : le droit à une prestation de qualité ; le droit au libre choix du prestataire de soins et la possibilité de faire connaître ce choix ; le droit à l’information sur son état de santé et son évolution probable ; le droit au consentement éclairé préalable à chaque prestation ; le droit à un dossier soigneusement tenu et conservé en toute sécurité, y compris le droit de regard et celui de disposer d’une copie ; le droit à l’intimité et à la protection de la vie privée ; enfin le droit de déposer plainte auprès d’un  médiateur »

« La loi prévoit également, dans un système bien encadré, d’être représenté lorsqu’en tant que patient, si on n’est plus à même d’exercer ses droits par soi-même et qu’on est en état d’incapacité. Il y a aussi un système évolutif destiné à garantir les droits des patients mineurs. »

« Ces règles juridiques sont applicables dans la relation entre le patient individuel et son prestataire lors de la dispensation des soins. Les hôpitaux ont l’obligation de veiller à ce que les soignants qui oeuvrent en leur sein respectent ces droits. »

« Une attention particulière est également accordée à la dimension humaine dans la relation de soins, de sorte qu’au fil du temps un passage net se fasse depuis l’autonomie du patient vers la décision partagée. »  

Evolution

« Au cours de ces 20 années, les soins de santé en Belgique ont largement évolué, à différents niveaux. Les progrès scientifiques ont modifié ce domaine en rendant possibles des soins orientés plus directement sur la personne. L’évolution s’est faite vers des soins conçus dans une vision multidisciplinaire et intégrée. Les exigences de garantie d’un haut niveau de qualité des soins sont devenues essentielles. Et les données concernant le patient, les fameux « big data », sont devenues son nouveau trésor. »

« La position du patient a changé elle aussi. Il n’est plus considéré isolément mais fait partie d’un environnement qui inclut les membres de sa famille, ses proches, … lesquels se sentent concernés. Le patient s’inscrit aussi dans un cadre de vie, avec ses objectifs et ses attentes, et prend ses décisions de commun accord avec les prestataires, dans un modèle de type « pilote et co-pilote ».

« En plus de cela, la distinction entre soins de santé, d’une part, santé et bien-être d’autre part, peut souvent s’avérer très difficile à opérer. Bien que cela soit non applicable d’un point de vue strictement juridique, les droits du patient sont respectés et sanctionnés également en tant que principes de droit dans le contexte de santé et bien-être. »

Le point pivot des droits du patient semble s’être modifié lui aussi. Il y a vingt ans, on était centré sur la reconnaissance de l’autonomie du patient grâce à son droit au consentement pour toute intervention. Aujourd’hui le point d’intérêt est fixé sur l’information, que ce soit à propos de l’état de santé du patient, du prestataire, du coût des traitements et des données qui sont conservées à son sujet. C’est ce qui ressort d’un examen global des types de plaintes qui ont été déposées ces dernières années auprès du service fédéral de médiation « Droits du patient ».

Une mise à jour ?

« Malgré cette évolution, la loi « Droits du Patient » n’a pas ou peu été modifiée. Est-elle toujours actuelle au point qu’une adaptation en profondeur ne soit pas nécessaire ? La réponse est : oui et non. »

« Oui, la loi Droits du Patient a besoin d’un rajeunissement. En raison de l’évolution des soins de santé, un certain nombre d’imprécisions sont apparues sur la manière dont la loi doit être appliquée. Pensons, par exemple, aux applications mobiles qui permettent aujourd’hui au patient de consulter son dossier ou du moins certaines d’entre ses données de santé mais qui ne correspondent pas à ce que prévoit la loi. Ou encore aux volontés qu’un patient a déposées chez un notaire pour indiquer le nom d’un représentant mais pour lesquelles il n’existe pas encore de système généralisé qui permette au soignant, conformément à la loi, d’en connaître l’existence. Il y a bien sûr aussi la manière selon laquelle nous recevons des soins en tant que patients, avec nos proches, nos aidants, … et la manière dont les soignants proposent le plus souvent ces soins - en pratique de groupe, en équipes multidisciplinaires, … Ces formes « élargies » de prestations de soins ne trouvent pas d’écho dans la Loi sur les Droits du Patient. »

« Mais dans le même temps, la réponse à la question de savoir s’il faut une mise à jour en profondeur est négative également. En effet, depuis longtemps, la garantie des droits du patient ne se joue plus seulement dans le cadre de cette loi. Notre système de soins de santé se base sur un cadre plus large de droits des patients. Celui-ci, à côté de la Loi sur les Droits des Patients, est encore constitué par d’autres réglementations. Il y a, par exemple, la récente loi sur la Qualité des Soins, qui établit les normes de qualité minimales pour tout prestataire, quel que soit le lieu de sa pratique. Il y a aussi les différentes normes auxquelles les institutions de soins, tels que les hôpitaux et les maisons de repos et de soins, doivent se conformer. Il faut encore citer le Règlement Général sur la Protection des Données (le RGPD), qui veille à ce que la vie privée du patient soit protégée de manière satisfaisante et qu’il ait accès aux données de santé qui sont conservées à son sujet. Il y a même les codes de déontologie que les différents groupes de prestataires et les organismes concernés ont mis au point en vue de garantir aux patients leur droit à bénéficier des bonnes pratiques. Chaque autorité et instance de santé contribue en Belgique à ce cadre élargi des droits du patient. »

Une évidence

Y a-t-il donc de bonnes raisons de fêter les 20 ans de la loi sur les Droits du Patient ? Des améliorations sont certainement possibles. Cette loi doit être adaptée sur un certain nombre de points et son application dans la pratique quotidienne peut être meilleure. Mais ma conclusion est que là où la Loi sur les Droits des Patients était un jalon majeur il y a 20 ans, elle est aujourd’hui devenue une évidence. Et nous pouvons en être fiers.

> Le 20 octobre, le Service Fédéral Santé publique et la Commission Fédérale Droits du Patient organisera un symposium et une fête en l’honneur des 20 ans des droits du patient

Pour s’inscrire :

Colloque 20 ans de la loi droits du patient | SPF Santé publique (belgium.be)

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