Covid long : évaluation en centres spécialisés, traitement en 1ère ligne (KCE)

Six mois après une infection au SARS-Cov-2, 1 personne sur 7 au moins en garde encore l’un ou l’autre symptôme, de gravité variable, indique le KCE. A la clef, des dégradations de la qualité de vie ou des difficultés à reprendre le boulot. L’impact psychologique est lourd. Certains patients estiment avoir eu affaire à des professionnels peu coordonnés, ou ne les prenant pas toujours au sérieux. Piste d’action prônée : instaurer un bilan fonctionnel mobilisant les spécialités les plus concernées, puis dispenser la prise en charge autant que possible en 1ère ligne.

L’enquête du Centre fédéral d’expertise sur le covid long, menée en février auprès de 1.320 malades et couplée à un screening de la littérature scientifique mondiale, s’est déroulée sur suggestion de la Ligue des usagers des services de santé. La Luss a toujours bataillé pour qu’on reconnaisse les (besoins des) personnes traînant durant des mois une fatigue excessive, un essoufflement anormal ou évoluant dans un ‘brouillard cérébral’ fait de problèmes de concentration et de mémoire.  

Toutes les tranches d’âge sont susceptibles de développer un covid long (y compris les enfants), qu’elles aient présenté des formes lourdes ou légères - voire asymptomatiques - de l’infection, mais avec une fréquence accrue chez les 35-69 ans, indique le KCE. Autres constats : les chiffres sont nettement plus hauts d’une part chez les gens qui ont dû être hospitalisés en phase aiguë et de l’autre pendant les 3 premiers mois post-contamination, « ce qui montre qu'au moins une partie d’entre eux se rétablissent ». 

Informer, et pas que le public

Que faire pour ces patients qui ne souffrent pas que physiquement de la situation ? Leurs interviews trahissent en effet une anxiété sourde, non seulement à cause de la persistance des symptômes mais aussi de réactions d’incrédulité dans l’environnement social ou professionnel. En outre, si la majorité des répondants étaient globalement satisfaits de leurs contacts avec le monde médical (voir ci-dessous), un tiers rapportent des besoins non rencontrés, e.a. un besoin d'information (52 %), de personnel compétent (24 %) et d'accès aux soins (23 %). « Les patients ont beaucoup souffert du manque d’information – et de connaissances scientifiques – sur cette nouvelle affection. Ils ne se sont pas toujours sentis pris au sérieux », développe le KCE. En cause ? L’impossibilité, parfois, d’objectiver leurs plaintes par des examens médicaux ou de l’imagerie.  Le Centre conseille dès lors aux autorités de créer des supports d’information sur ce qu’on sait (et ce qu’on ne sait pas encore) sur le covid long et des campagnes de sensibilisation des soignants et des employeurs. 

Le patient comme un tout

Autre faiblesse décriée par les répondants : l’absence d’approche holistique. Chaque symptôme a été examiné sous l’angle d’une seule spécialité, dixit le KCE, d’où une longue errance diagnostique pour certains et un fréquent sentiment d’avoir été ballotés dans un système de soins peuplé de professionnels insuffisamment coordonnés. 

Pas étonnant, dès lors, que la principale recommandation du KCE soit de la jouer collectif et interlignes. Il suggère la mise en place, en centres spécialisés (hospitaliers), d’une évaluation fonctionnelle multidisciplinaire. Prescrite par le médecin traitant (MG ou MS), elle impliquerait les disciplines les plus souvent concernées - pneumologie, neurologie, médecine physique et réadaptation…- mais aussi des kinés, des psychologues et des travailleurs sociaux, le tout en concertation avec le généraliste. « Les traitements prescrits devraient ensuite être dispensés autant que possible en 1ère ligne », ajoute-t-il. La participation aux concertations multidisciplinaires « devra être rémunérée : via un forfait pour les prestataires du centre, via un tarif de nomenclature à développer pour les MG ».

Le KCE estime encore que les possibilités de remboursement de certaines prestations potentiellement utiles face au covid long sont encore mal connues des médecins. Il faudra donc mieux informer ceux-ci, e.a. en matière de prescription de revalidation.

Le manque d'empathie des soignants

Quels ont été les professionnels de santé les plus souvent consultés par les répondants à l’enquête du KCE ? Les MG (91%), suivis des spécialistes (dont 51% sont des pneumologues ou des cardiologues) et des kinés (30%). 

Les répondants qui avaient été hospitalisés ont vu plus fréquemment que les non-hospitalisés un spécialiste (78% versus 47), un service d’urgences (60% vs 16) et un service de revalidation (27% vs 4,6). 

La plupart des participants étaient ‘satisfaits’ ou ‘très satisfaits’ de ces contacts (de 75% en moyenne pour les contacts avec un généraliste à 85% avec un psychologue). Ce pourcentage était plus faible pour les urgences (66%). Il s’effrite au fil du temps: chez ceux dont les symptômes sont là depuis plus de 6 mois, la satisfaction à l'égard du MG n’est plus que de 68% (contre 87% chez ceux dont les symptômes ont duré de 1 à 3 mois). 

Beaucoup de participants ne cachent pas un ressenti plus négatif : celui de s’être heurtés à un manque d'empathie, d’avoir vu la gravité de leurs symptômes minimisée, d’avoir été étiquetés de ‘cas psychosomatiques’, d’avoir dû répéter sans fin l’explication de leurs symptômes et, même s’ils savent qu’il reste beaucoup à découvrir sur la maladie, d’être finalement mieux informés que les soignants. En l’absence de diagnostic clair et vu les connaissances en construction, l'approche thérapeutique n’est ni coordonnée, ni standardisée. Certains rapportent avoir eux-mêmes réclamé tel ou tel examen diagnostique ou programme de réadaptation spécifique.

> Lire la synthèse du rapport

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