Comment motiver un enfant à apprendre? L’une des recettes les plus simples et évidentes consiste à rendre la chose attirante, voire ludique. En 2018, ce n’est sans doute pas avec des jeux de cube ou des mots croisés qu’on pourra facilement emballer des enfants adeptes du petit écran – plus de la télé, mais bien du smartphone ou d’une tablette. Les Mutualités Socialistes du Brabant viennent ainsi de lancer un jeu vidéo à télécharger gratuitement, dans le but d’apprendre les bons choix alimentaires et ainsi de tenter de donner un bon coup de frein à la croissance du nombre de jeunes en surpoids. Let’s Yum Runner. Le jeu s'inscrit dans la campagne Goûtez-moi ça !, par laquelle la mutualité souhaite démontrer que cuisiner et manger sainement n'est pas nécessairement difficile.
Il s’agit donc d’un serious game ou, pour le traduire plus adéquatement dans la langue de Jean-Baptiste Poquelin, d’un jeu éducatif. En soi, son pitch est on ne peut plus classique: l’enfant choisit un personnage, qu’il peut enrichir de divers accessoires sympas qu’il peut "acheter" au moyen de points obtenus tout au long d’un parcours réclamant de courir, de sauter et d’éviter des obstacles – entendez: des aliments peu favorables à la santé. On l’aura deviné, les points s’acquièrent en capturant des fruits, des légumes, des céréales complètes, etc.
Une formation reconnue
Le concept de Yum Runner trouve sa source dans le projet triennal TETRA Evidence-Based Game Design qui est soutenu par l’Agence pour l’innovation par la science et la technologie. Le projet est né en terres flamandes, au sein de Howest (Hogeschool West-Vlaanderen). Il vise à apporter «une réponse aux questions fréquentes quant à l’utilisation des jeux vidéos au sein du secteur des soins et de la prévention». On est en tout cas bien loin de l’idée d’un bricolage sympathique par quelques gamers amateurs, car la Howest fait autorité au niveau international dans le domaine du jeu vidéo, y compris dans des applications de soins (préventifs). Un baccalauréat en Digital Arts & Entertainment, unique en Europe, a été mis sur rails. Il prépare les étudiants au profil d’artiste technique ou de technicien artistique, en fonction de l’aspect qu’ils privilégient personnellement.
D’après Barbara Plovie, coordinatrice de recherche de la formation Sciences appliquées de la santé de la Howest, ce genre de jeu renforce la capacité de concentration et la coordination œil-main, tout en améliorant le temps de réaction (et donc les réflexes alimentaires sains?) ainsi que la gestion des défis, des échecs et des succès. Dit encore autrement, il s’agit d’une forme numérisée de learning-by-doing.
Les yeux, les doigts et tout le corps
Yum Runner a d’abord été lancé en Flandre, où il rencontre un certain succès. On peut espérer qu’il en ira de même du côté francophone, où sa mise à disposition ne date que de quelques semaines. Les premiers échos seraient en tout cas positifs, d’après les réactions lors de son utilisation inaugurale à l’école Les Carrefours d’Etterbeek, auprès d’un public d’enfants dyslexiques. Le message serait d’autant mieux passé qu’ils étaient invités à faire bien plus que remuer les boutons de commande de la tablette qui leur était présentée: toutes les 10 à 15 minutes, les enfants (un peu intimidés au début) ont réalisé les exercices physiques qui leur étaient demandés, comme imiter un kangourou, un singe ou un flamant rose, toutes postures animales qui étaient en fait des exercices de gymnastique en bonne et due forme.
Quid de l’evidence-based?
Ludique, oui. Mais vraiment efficace à terme? La littérature concernant ce domaine éducatif se développe progressivement. Au stade actuel, ce sont principalement l’acquisition de connaissances et les aptitudes de compréhension des sujets évoqués qui ont été démontrées, et des éléments indiquent qu’il y aurait bien un effet favorable au développement du comportement souhaité. Mais des confirmations sont encore nécessaires pour cet univers numérique relativement récent et en évolution constante.
Un portail belge pour les serious games
Les jeux éducatifs ne manquent pas sur le site www.ebgd.be, accompagnés d’études d’efficacité dans ce domaine.
Citons Monster Manor pour le diabète de type 1, InsuOnline pour les diabètes insulino-dépendants, Ben De Bever pour l’apprentissage à l’hygiène orale, Relive pour la gestion des arrêts cardiaques, ou encore Portal 2 pour les fonctions cognitives. Les serious games présentés ne sont donc pas tous destinés aux enfants. Le site présente également la méthodologie du projet TETRA et énumère une dizaine de recommandations générales pour la conception des jeux.
Un autre site, www.seriousgame.be propose quand à lui sur son blog des jeux classés par âges , de 3 à 18 ans.