En affichant un taux de dialyse à domicile à seulement 9%, la Belgique a encore une belle marge de progression. Le Dr Desmet, président du Groupement des néphrologues francophones de Belgique, estime toutefois qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. «Pour mener une véritable réforme, il faut d’abord investir.»
Lors d’un récent colloque organisé par l’asbl Shared Patient Experience (SPX), plusieurs médecins, infirmières spécialisées et patients ont mis en avant les avantages de la dialyse à domicile : autonomie, confort, poursuite des activités professionnelles…
« Actuellement, seulement 9 patients sur 100 sont dialysés à domicile, contre 25 chez nos voisins! », a rappelé Stéphane Le Grand, administrateur de SPX. « Pour faire progresser la situation en Belgique, il faudra peut-être augmenter le pourcentage de formes de thérapies alternatives... Mais si nous voulons changer les choses nous devons le faire en mettant l'accent sur les traitements à domicile avec des objectifs ambitieux : atteindre 15% de traitements à domicile d'ici 2 ans, 20% d'ici 5 ans et 25% d'ici 2030. »
Lors de de ce colloque Michaël Daubie a écouté attentivement les témoignages des patients et des soignants pour alimenter la réflexion des autorités sur le développement de la dialyse à domicile. « Nous remarquons une très grande diversité au niveau de la part de dialyse extrahospitalière en fonction des institutions. Il y a certainement une marge de progression. La question est de savoir comment y parvenir. Un état d’esprit peut favoriser le changement, mais il faut aussi réfléchir au cadre financier, tant au niveau des hôpitaux que des néphrologues. Comment peut-on construire les conditions favorables qui pourraient nous mener à des taux de 70% de dialyse alternative réalisés par certains hôpitaux ? Faut-il renforcer la formation des patients, à l’instar de ce qui se fait dans le trajet de soins diabète ? », interpelle le directeur général des soins de santé de l’Inami.
Réduction des coûts
Le Dr Jean-Marc Desmet, président du Groupement des néphrologues francophones de Belgique (GNFB), met en garde vis-à-vis des objectifs poursuivis par les autorités. «La motivation première de l’Inami est la réduction des coûts de la dialyse », estime le néphrologue. «Sous couvert d’amélioration du confort des patients tous les moyens sont bons.»
Attention, le Dr Desmet est favorable au développement de la dialyse extrahospitalière. «Nous pensons en effet qu’il est sans doute possible d’augmenter le nombre de patients en dialyse à domicile, mais cela demande des investissements pour les acteurs qui vont devoir le faire : les patients, les infirmières, les aidants proches, les patients et les médecins qui doivent garantir la surveillance », commente Jean-Marc Desmet. « Les mesures simplistes d’économies directes peuvent être désastreuses si elles ne sont pas faites de manière concertée avec tous les acteurs du terrain.»
Le président du GNFB estime que pour mener une véritable réforme, il faut investir pour pouvoir ensuite réaliser des économies d’échelle.
« Plusieurs leviers ont été identifiés pour le développement de la dialyse à domicile en Belgique. Il y a parfois de fortes divergences de vue », avance le Dr Desmet qui présente cinq leviers qui ont fait l’objet d’une discussion lors d’une soirée organisée avec plusieurs médecins francophones et néerlandophones et l’équipe de consultance de Stéphane Legrand.
- Renforcer le shared decision making. Les professionnels accompagnent les patients de façon éclairée sur les modalités ayant trait à la prévention, au diagnostic ou au traitement. Cependant, une partie des participants à cette réunion pense qu’il existe une très forte marge de progression.
Si une étude menée par l’Hôpital Erasme a révélé une demande grandissante de la part du patient pour la dialyse à domicile, un obstacle important est toutefois lié à celui-ci et sa participation /son activation. Pour y faire face, il semble important de se concentrer sur la prédialyse et l'éducation du patient pendant cette phase. Ceci devrait être pris en considération pour le remboursement.
- Etre présent dans les MR et MRS. Il existe un potentiel de développement dans les maisons de repos. Ici, l'idée d'une "équipe de thérapie à domicile" a été avancée, où une équipe centrale desservirait plusieurs maisons de repos. Il n'est toutefois pas encore possible de le faire en Flandre, car les infirmiers externes ne sont pas autorisés à travailler dans les maisons de repos.
- Former les professionnels. Intégrer dans le parcours de formation des médecins en néphrologie l’obligation de passer une période (6 mois) en dialyse à domicile.
- Favoriser l’utilisation des réseaux locorégionaux. Il a été jugé opportun de lancer ces initiatives de dialyse à domicile au niveau des réseaux hospitaliers pour notamment mutualiser l’investissement initial et les formations.
- Revaloriser le tarif Inami pour les infirmiers. Un des leviers clés évoqués pour le développement de la dialyse à domicile dans le financement serait de revaloriser le travail des infirmiers à domicile mais aussi des infirmiers spécialisés en néphrologie-dialyse avec éventuellement l’attribution d’un tarif Inami spécifique.
Des obstacles surmontables
Le Dr Desmet souligne que le développement de la dialyse à domicile présente plusieurs obstacles potentiels qui nécessitent une attention particulière.
Les patients doivent être formés pour effectuer leur propre dialyse, ce qui peut être un processus complexe et difficile pour certains, surtout ceux qui sont âgés ou qui ont des problèmes de santé supplémentaires.
Les patients ont besoin d'un soutien à domicile approprié pour assurer une dialyse efficace et sûre. Cela pourrait impliquer la présence d’une autre personne à domicile pour aider, surtout en cas d'urgence.
Ceux qui bénéficient de la dialyse à domicile doivent avoir un accès rapide et facile à l'assistance médicale en cas de problème ou d'urgence.
Le coût de la dialyse à domicile peut être plus élevé que la dialyse en centre, en particulier lorsque l'on tient compte des coûts des équipements, de la formation, et du soutien à domicile. De plus, tous les systèmes de santé ne couvrent pas ou ne remboursent pas les coûts de la dialyse à domicile.
Toutes les maisons ne sont pas adaptées pour héberger les équipements nécessaires pour la dialyse à domicile. Des modifications importantes peuvent être nécessaires, ce qui peut être coûteux et difficile pour certains patients.
En outre, certains patients peuvent se sentir isolés ou anxieux à l'idée de faire leur dialyse à domicile. De plus, la gestion de leur propre traitement peut avoir un impact sur leur qualité de vie.
Les équipements de dialyse à domicile doivent être fiables et faciles à utiliser. Ils peuvent parfois être en rupture de stock ou présenter des défauts, ce qui peut perturber le traitement.
Les déchets produits par la dialyse à domicile doivent être éliminés de manière sûre et appropriée, ce qui peut être un défi pour certains patients.
Alors que la dialyse en centre est supervisée par des professionnels de santé, la dialyse à domicile peut présenter des risques supplémentaires pour le patient, notamment en ce qui concerne la prévention des infections, l'administration correcte du traitement et la gestion des complications.
« Chacun de ces obstacles peut être surmonté avec le temps, l'effort et les ressources appropriées, mais ils représentent tous des défis importants pour le développement de la dialyse à domicile », analyse le Dr Desmet. «Celle-ci, en particulier l'hémodialyse à domicile (HDD), est plus courante dans certains pays que dans d'autres en raison de divers facteurs, dont le système de santé, la structure démographique, l'éducation et la formation, ainsi que le soutien et les infrastructures disponibles. La décision d'opter pour l'hémodialyse à domicile dépend de nombreux facteurs, dont l'état de santé du patient, ses préférences personnelles, ses compétences et sa capacité à gérer son traitement à domicile, ainsi que le soutien dont il dispose chez lui.»