Les personnes précaires et peu diplômées, premières victimes de l'exclusion numérique

Bien que l'accès à internet et aux outils numériques a continué de progresser l'an dernier, 40% des Belges âgés de 16 à 74 ans restent vulnérables numériquement, ressort-il vendredi du troisième baromètre de l'inclusion numérique de la Fondation Roi Baudouin. Les personnes ayant un faible niveau de revenus et de diplôme en sont les premières victimes, ce qui peut compromettre leur accès aux droits sociaux et représenter une forme de discrimination.

Réalisé à partir de données de 2023 de l'office statistique belge Statbel, le baromètre a pour objectif de "visibiliser les égalités numériques persistantes", indique lo rs d'une conférence de presse en ligne Périne Brotcorne, chercheuse à l'UCLouvain ayant collaboré à l'enquête. "C'est important de taper sur le clou et de rappeler ces inégalités et leurs impacts sociaux notamment", a-t-elle souligné.

Il existe trois formes d'inégalités numériques: l'accès à la connexion internet et la possession d'équipements numériques ; les compétences numériques ainsi que la capacité à tirer profit des opportunités offertes par les technologiques numériques pour participer à la société, comme le recours aux services numériques essentiels (e-banque, e-administration, e-santé, e-commerce).

Ces dernières années, la proportion des Belges exclus numériquement s'est quelque peu réduite, passant de 46% en 2021 à 40% en 2023. Il n'empêche que la Belgique fait partie des mauvais élèves de la classe européenne en matière d'efforts de numérisation, surtout par rapport à ses pays voisins.

Le baromètre met en évidence que le niveau de revenu et d'éducation est un facteur déterminant de la vulnérabilité numérique. Ainsi, la fracture numérique entre les personnes à faibles et hauts revenus a augmenté de trois points de pourcentage en deux années de temps.

Au sein des personnes ayant des revenus inférieurs à 1.400 euros par mois, 11% n'ont toujours pas de connexion internet à domicile (contre 1% pour celles gagnant plus de 3.200 euros). Par ailleurs, "un quart des personnes avec des faibles revenus dispose uniquement d'un smartphone pour surfer sur internet", note la Fondation Roi Baudoin. 

En outre, les personnes avec un faible niveau de diplôme (68%) courent trois fois plus de risques d'avoir de faibles compétences numériques que les personnes hautement qualifiées (19%).

Plus spécifiquement, 54% des demandeurs d'emploi sont vulnérables sur le plan numérique, tandis que 58% des personnes ayant des problèmes de santé sont désarçonnées dans ce domaine. Une "double peine" pour ces publics déjà fragilisés dont les compétences numériques compliquent leurs démarches quotidiennes, que ce soit pour trouver un emploi ou prendre un rendez-vous médical notamment.

Par ailleurs, il apparaît que 42% des familles monoparentales, parmi lesquelles les femmes sont surreprésentées, sont également désorientées numériquement, ce qui représente une augmentation de quatre points de pourcentage par rapport à 2021. 

Les jeunes (de 16 à 24 ans), souvent considérés comme des "digital natives", ne sont pas pour autant épargnés par la déroute numérique. Ainsi, plus d'un jeune sur deux (52%) détenant au maximum un diplôme de l'enseignement secondaire inférieur détient de faibles compétences numériques. C'est cinq fois plus que parmi les jeunes titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur (10%).

Le baromètre révèle en outre qu'environ 30% des Belges ont déjà demandé de l'aide pour effectuer une démarche essentielle en ligne. "Ce chiffre atteint 34% chez les personnes en situation de vulnérabilité numérique et 53 % chez les personnes ayant un faible niveau de diplôme", selon le baromètre.

"Plus que jamais, il est essentiel de veiller à ne laisser personne au bord du chemin et de garantir, pour toutes et tous, l'accès aux services essentiels, l'une des portes d'entrée aux droits sociaux. Il ne s'agit donc pas seulement de viser une plus grande inclusion numérique, mais aussi et surtout, de garantir un accès équitable aux droits fondamentaux afin de permettre à chacun et chacune de participer pleinement à la société", encourage la Fondation Roi Baudouin.

Au-delà de ce clivage numérique, la sécurité en ligne représente une des carences numériques les plus généralisées. Ainsi, 58% des Belges ne possèdent peu ou pas de compétences à cet égard. "Malgré les conséquences potentiellement graves de la cybercriminalité, et de l'utilisation abusive des données, seuls 26% des personnes déclarent se préoccuper de leur sécurité en ligne", épingle la Fondation Roi Baudouin.

"Or, pouvoir naviguer sans être guidé par des algorithmes, c'est là que se situe la véritable autonomie", soutient la chercheuse Périne Brotcorne. "C'est un leurre de penser que le citoyen lambda pourra seul développer ces compétences numériques plus complexes. On ne peut faire des choix éclairés que quand on comprend mais beaucoup de choix techniques sont invisibilisés et opaques", relève-t-elle. 

La Fondation Roi Baudouin appelle dès lors les acteurs publics, privés et sociaux à travailler à une plus grande inclusion numérique en investissant dans des services en ligne privés et publics accessibles et abordables à tous. La Fondation demande également de renforcer les compétences numériques des citoyens. "D'autre part, les chiffres démontrent clairement que des alternatives de qualité aux services numériques, telles que des contacts en face à face ou par téléphone, sont et resteront nécessaires", conclut l'institution.

> Découvrir l'intégralité du rapport 

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