Wi-Fi, smartphones, tablettes en 2G, 3G, 4G, Bluetooth, téléphones sans fil DECT, smart-TV, objets connectés, babyphones… Tous sont des émetteurs de champs et rayonnements électromagnétiques artificiels de radiofréquences/micro-ondes (CEM RF/MO). Les Drs Vinciane Verly et Magali Koelman, co-fondatrices de l'Electrosmog Appeal tirent le signal d'alarme.
Ils ont été classés par le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) dans la catégorie des produits potentiellement cancérogènes pour l'homme, comme le plomb et le DDT (1) Le comité d’experts internationaux a recommandé, en juin 2019, de revoir leur classification suite à de nouveaux indices relatifs à leur cancérogénicité (2).
Comme de nombreux scientifiques à travers le monde, nous avons déjà analysé dans une précédente publication les effets biologiques et les risques sanitaires liés à l’exposition aux CEM sur base de publications scientifiques récentes et indépendantes de l’industrie (3).
Pour rappel, les normes actuelles mises en place par l’ICNIRP (International Commission on Non Ionizing Radiation Protection) (6-7) ne tiennent pas compte de l’existence des effets biologiques sur le vivant ni de la plus grande vulnérabilité des enfants. Elles sont insuffisantes pour protéger efficacement la population, et encore moins les enfants. Il nous a donc semblé important de nous pencher spécifiquement sur leur situation face à cette exposition sans précédent.
Nous n’aborderons pas ici les notions de dépendance aux écrans et réseaux sociaux avec les risques de troubles de l’acquisition du langage, de l’interaction sociale, de décrochage scolaire, de harcèlement voire de suicide, qui mériteraient une publication à elles seules.
Particularités des enfants
La plupart des enfants conçus aujourd’hui sont exposés depuis leurs premiers instants. Il a été démontré que le fœtus subissait déjà les effets des CEM in utero (8-13). A la naissance, le nouveau-né est baigné dans un environnement hyperconnecté et ce, souvent dès la maternité.
Ensuite cela continue: Bluetooth dans la voiture, wifi à la maison, babyphone près du lit, smartphone dans la poussette et des heures devant la smart-TV…
L’enfant semble avoir perdu son droit à vivre dans un environnement sain.
Les écoles hyperconnectées se développent, le wifi est installé de plus en plus systématiquement, dès les primaires. Les tableaux numériques et les tablettes foisonnent. Les enfants ont des smartphones et doivent s’équiper de portables…
Les particularités physiologiques et anatomiques des enfants demandent une considération spécifique et une révision des balises à mettre en place en termes d’exposition.
Leurs organes sont immatures, en plein développement et leur taux de division cellulaire est plus important. Les enfants sont par conséquent et de manière générale plus sensibles aux facteurs environnementaux.
En outre, leurs dimensions sont plus petites que celles d’un adulte. Les CEM pénètrent donc proportionnellement plus profondément dans leurs organes. Leur cerveau contient proportionnellement plus d’eau que celui d’un adulte et leur boîte crânienne est plus fine. Ceci explique que leur tête absorbe davantage les rayonnements. (4-5-14-15-41-42)
La génération actuelle d’enfants étant exposée de façon chronique, les risques à long en terme pourraient être encore plus importants en raison de l’effet cumulatif.
Figure 1: Image de la pénétration intracérébrale des CEM en fonction de l’âge
Débit d'Absorption Spécifique (DAS, SAR en anglais) en W/kg.
Source: Exposure limits: the underestimation of absorbed cell phone radiation, especially in children. Gandhi OP1, Morgan LL, de Salles AA, Han YY, Herberman RB, Davis DL.
Effets biologiques des CEM RF/MO
Pour rappel, des milliers d’études indépendantes relatent l’existence d’effets biologiques survenant lors d’une exposition aux CEM d’une puissance bien en dessous des normes actuelles (3-4-5-16).
Les cancers se développant sur de longues périodes, nous ne pouvons qu'attendre les résultats des études épidémiologiques futures pour confirmer une éventuelle corrélation entre l'exposition aux CEM RF/MO et le cancer.
Une étude épidémiologique publiée en 2018 a déjà mis en évidence une augmentation de l'incidence des glioblastomes entre 1995 et 2015 en Angleterre (17).
Figure 2: Effets biologiques des CEM sur le vivant (Ces effets peuvent se prolonger bien après l'arrêt de l'exposition) |
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Rupture des brins d’ADN, diminution de sa capacité de réparation, mutation chromosomique, apoptose (4-5-16-18) |
Probable augmentation du risque de cancers déjà confirmée chez l’animal. (19-20-21) |
- Perturbation de la synthèse et de la structure des protéines en ce compris enzymes, hormones et neurotransmetteurs (5-28-36) - Synthèse accrue de protéines de stress et de radicaux libres (4-5-16-22) - Augmentation du calcium intracellulaire (5-35) |
- Troubles du sommeil par perturbation de la synthèse de la synthèse de mélatonine (5-16-23); troubles de la mémoire, dépression, troubles du comportement, troubles de la concentration et de l’apprentissage, hyperactivité (5-16-29); - Augmentation du risque de développement des maladies du spectre autistique (16-36) |
Altération de la quantité et de la qualité du sperme (4-5-16-24-25-26), modification du tissu ovarien, altération de l’ADN des gamètes, altérations des niveaux hormonaux (5-16) |
Baisse de la fertilité, fausses couches (5-11-16) |
Ouverture de la barrière hémato-encéphalique (16-27) |
Modification de l'activité électrique cérébrale (30,31,32) |
Atteinte du système cardiovasculaire par activation adrénergique (5-32-33) |
Troubles du rythme cardiaque. Tachycardies (33-34) |
Et les recommandations officielles?
Alors que les écoles connectées se développent largement dans notre pays, soulignons que paradoxalement, plusieurs instances officielles bien que parfois ambivalentes, ont malgré tout émis des recommandations de prudence.
L'ONE a publié des recommandations sur l'utilisation du Wi-Fi. Elle recommande en priorité de ne pas en installer et si cela n’est pas possible, d’éloigner au maximum l’emplacement de la borne Wi-Fi de l’endroit où séjournent les enfants, et de l’éteindre dès qu’elle n’est pas utilisée. (37)
Elle recommande de limiter l’exposition des enfants aux ondes en général, d’informer et de former sur l’utilisation «avisée et précautionneuse» des nouvelles technologies, les pouvoirs organisateurs, les enseignants, les parents et les élèves. Et de faire connaître le projet d’établissement de manière transparente.
Kind&Gezin émet également des recommandations de prudence en conseillant «dans l’intérêt des plus jeunes» de n’utiliser la connexion sans fil «uniquement en cas de nécessité». (38)
Le Conseil Supérieur de la Santé reconnait
- «l’exposition maternelle aux champs électromagnétiques des fréquences utilisées par les téléphones mobiles a été associée à des troubles du comportement et du langage chez l’enfant»
- «l’utilisation de téléphones mobiles et de téléphones sans fil a été observée comme étant associée à un risque accru de gliome et de neurinome de l’acoustique»
- «une relation de cause à effet entre l’utilisation du téléphone mobile à long terme et l’augmentation statistiquement significative du risque de tumeur de la tête homolatérale»
- «des augmentations importantes et statistiquement significatives du risque de gliomes cérébraux et de neurinomes de l’acoustique homolatéraux» (39).
A l’étranger, le même message émane de la communauté scientifique.
En 2011, le Conseil de l’Europe recommandait (40)
- «(…) que les états membres prennent toutes les mesures raisonnables pour réduire l’exposition aux CEM (...) particulièrement l’exposition des enfants et adolescents qui semblent être plus à risque pour des tumeurs au cerveau»
- «de privilégier pour les enfants en général, et plus particulièrement dans les écoles et salles de classe, des systèmes d’accès à l’internet par connexion filaire et de réglementer de façon stricte l’utilisation du portable par les élèves dans l’enceinte de l’école»
- «de concevoir des campagnes d'information destinées aux parents, enseignants et élèves et d'interdire tous les téléphones portables, téléphones DECT, WI-FI ou WLAN dans les écoles».
Le rapport Bioinitiative datant de 2012 revu en 2014 et 2017 préconise l’utilisation d’alternatives filaires dans les écoles et les lieux accueillants les jeunes enfants (16).
Le Comité National Russe de Protection contre les Radiations Non-ionisantes a officiellement recommandé en 2012 que le WIFI ne soit pas utilisé dans les écoles (41).
Nous pouvons encore citer l’Académie américaine de pédiatrie (42) qui, en 2012 s’inquiète pour la santé des enfants et renforce encore sa position en 2016, ainsi que l’appel international EMF Scientist (43) ou celui de Reykjavik (44) en 2017.
Sur le terrain, et malgré une politique générale de plus en plus pressante vers les «écoles connectées», le wifi a été officiellement déconseillé voire interdit dans de multiples écoles à travers le monde (45).
Enfin, en France, la loi abeille a été votée en 2015 et interdit l’utilisation du WI-FI dans les crèches.
Parallèlement à toutes ces recommandations officielles, de nombreux scientifiques indépendants spécialistes du sujet fournissent un travail considérable comme par exemple la Pr Magda Havas au Canada, la Dr M Herbert, neuro-pédiatre et chercheuse en neuro sciences à Harvard, le Pr M.Pall, le Pr Ole Johanssen, la Dr Devra Davis, etc.
Leurs avis confirment la nécessité d’appliquer le principe de précaution concernant l’exposition des enfants aux CEM en ne les exposant pas ou le moins possible.
Si nous devions tirer des lignes de conduite de tout ceci…
Au vu de ces évidences scientifiques et des avis d’experts indépendants de l’industrie et puisque les enfants sont plus sensibles aux facteurs environnementaux, il nous semble primordial de faire appliquer le principe de précaution et de ne pas les exposer inutilement à ces rayonnements artificiels.
Nouvelles balises à mettre en place en termes d’exposition aux CEM
- Minimiser l’exposition des enfants aux rayonnements électromagnétiques d’origine technologique (Wi-Fi, antennes-relais, bluetooth, smartphones et autres objets connectés sans fil à la maison, à l'école et dans la voiture).
- Téléphoner le moins longtemps possible, utiliser une oreillette filaire (si possible tube à aire) ou mode haut-parleur, privilégier les SMS; Téléphoner à distance des enfants.
- Désactiver sur le smartphone le Wi-Fi, Bluetooth, connexion de données et NFC quand ils ne sont pas utilisés.
- Ne pas porter son smartphone près du corps, par exemple dans le soutien-gorge ou dans la poche du pantalon.
- Eviter d’utiliser son smartphone dans les transports: voiture, bus, train, métro; en raison de mauvaises conditions de réception, l’appareil émet à pleine puissance et effet «cage de Faraday»; penser aux enfants présents dans la voiture; éviter d’utiliser le bluetooth en leur présence.
- Eteindre son smartphone la nuit ou le mettre en mode avion, ne pas le mettre près de sa tête ou sous son oreiller surtout en charge.
- Interdire le Wi-Fi et les objets connectés dans les crèches, les écoles et les lieux accueillant les enfants.
- Recourir aux alternatives filaires pour les tablettes et smartphones et apprendre à modifier nos comportements quand cela est possible.
- Pour les femmes enceintes: éviter d’utiliser un téléphone portable, ne pas s’exposer au Wi-Fi, DECT et Bluetooth, ne pas poser de tablette connectée ou de smartphone contre son ventre.
- Eviter le babyphone et autres appareils de surveillance pour nourrissons en Wi-Fi, DECT et autres fréquences radio.
- Utiliser avec parcimonie les options sans-fil, télécharger les messages, mails, pages internet et puis travailler hors connexion.
- Investir dans la recherche d’autres méthodes moins risquées afin de communiquer «sans fil», comme la technique du Li-Fi ou des infra-rouges.
- Investir dans la prévention auprès des jeunes générations.
> Lire aussi: Champs et rayonnements électromagnétiques : un collectif de médecins demande l’application du principe de précaution