Parole(s) de généraliste: Dr Jean-François Gatelier (Sivry-Rance)

Rendez-vous chez les Chevrotins, ou gâtes de Chévri (chèvres de Sivry), nom affectueusement donné aux habitants de Sivry, petite commune du sud de la botte du Hainaut frontalière avec la France, pour y rencontrer Jean-François Gatelier, l’un des 7 médecins généralistes de la commune de Sivry-Rance, par ailleurs bourgmestre de cette entité. Combiner les deux activités ne l’empêche cependant pas de se réserver des périodes de respiration.

Provenant d’une famille ardennaise, Jean-François Gatelier est cependant né à Bruxelles. Après des humanités à Notre-Dame de Basse-Wavre et un passage à l'École Royale des Cadets, il effectue ses études de médecine à l’UCL sur le site de Woluwe. «Ensuite, comme de nombreux étudiants en médecine, je ne savais pas avec précision vers quelle branche me destiner. Ce n’est qu’à la fin de mes stages, déçu par la vie en hôpital, mais très attaché à l’importance du diagnostic clinique, que je me suis tourné tout naturellement vers la médecine générale et que j’ai suivi l’année de cursus spécifique à l’ULB car je n’étais pas passé par le CUMG

En route vers la médecine générale

Le stage en médecine générale étant devenu obligatoire, il a le plaisir de se retrouver en région namuroise chez le Dr Jean-Paul Ryckaert, «un maître de stage auquel je dois beaucoup, car il avait cumulé sa pratique de médecine générale à celle de la médecine du travail. Il m’a donné goût à l’expertise médicale et à la politique, car il a été conseiller communal et président du CPAS de la ville de Namur.» Bénéficiant de l’opportunité de suivre les cours d’expertise médicale durant son assistanat, un cours qu’il suit également à l’ULB, il arrête son cursus du brevet en médecine d’urgence. Son assistanat terminé, il se voit proposer une association avec son maître de stage, proposition qu’il finit par décliner devant la pléthore de médecins généralistes à Namur à l’époque.

Attiré par la médecine rurale, et avec une épouse originaire de Beaumont, il entend parler d’une remise de cabinet à Sivry et succède ainsi au Dr Narcisse Jonas. Parallèlement à ses débuts, il continue et termine son cursus en médecine d’expertise. «Cette période était difficile, avoue-t-il, et j’ai failli abandonner à plusieurs reprises car je devais suivre des stages, et donc prendre des congés, ce qui était d’autant plus problématique que la région était en pénurie médicale et que les médecins n’avaient pas pour habitude de travailler en association.» Il cherche alors à s’associer, et après 2 ans de recherche, contacte le Dr Firmin Ndongo Alo’o, un médecin d’origine camerounaise qui travaillait comme urgentiste à l’hôpital de Lobbes et qui accepte.

Positivement connu de la population par ses interventions avec le SMUR dans la région, ce médecin africain est très bien accepté par la population, à la grande surprise du Dr Gatelier, car les Chevrotins ont une mentalité rurale et parce que l’entité de Sivry-Rance ne compte en son sein que très peu d’immigrés. Plus tard, il permet à une nutritionniste et à 2 gynécologues parmi les plus réputés de Charleroi d’assurer une consultation hebdomadaire dans son centre médical.

La politique, son autre passion

Première et seule association de la région, son cabinet s’organise petit à petit de manière à permettre à chacun de s’épanouir dans ses activités annexes: la médecine de recours pour le Dr Gatelier, la médecine d’urgence pour le Dr Ndongo. Il ne fait ainsi pas de médecine générale le mercredi, tandis que le Dr Ndongo consacre le vendredi à la médecine d’urgence. L’expertise médicale lui est par ailleurs d’un grand apport en médecine générale, car elle lui a permis de mieux appréhender certains problèmes, d’avoir un œil plus aiguisé sur les aspects administratifs de la médecine et d’être en contact avec des experts de très haut niveau dans plusieurs disciplines. La multiplication de ses activités l’a cependant conduit à se limiter à l’expertise dans les accidents, les agressions et les erreurs médicales. «Quant à la politique (“il vaut mieux être dedans que dehors”), après une première demande que j’avais repoussée en 2000, j’accepte d’être sur les listes en 2006 avec l’accord de mon collègue et de notre secrétaire, Madame Jocelyne Berhin, qui nous a rejoints en 2003 dans notre ASBL Vive Valeque – qui promeut la santé en milieu rural – et qui participait directement à l’activité du cabinet médical. Sa présence nous a d’ailleurs permis de nous libérer de toutes les contraintes administratives.»

À sa grande surprise, son parti remporte les élections, et il est sollicité pour devenir bourgmestre au titre de candidat ayant récolté le plus de voix. Poussé dans le dos par ses proches, y compris ses partenaires médicaux, il finit par accepter et transforme son mercredi de break en mercredi politique tout en conservant une petite activité locale de médecine de recours. «Il m’a fallu ensuite tout apprendre du métier de bourgmestre, avoue-t-il, ce qui aujourd’hui ne me pose plus guère de problèmes en termes d’organisation car je dispose d’une équipe compétente et peux m’appuyer dans mes activités de médecine générale sur mon associé et mes secrétaires.»

Très actif sur les réseaux sociaux, ce qui lui permet de répondre à de nombreuses demandes autant politiques que médicales, il parvient à séparer complètement ses deux activités tout en reconnaissant de nombreuses interactions entre elles, ce qui s’est marqué notamment par la défection de certains patients qui ne pouvaient faire la distinction entre le médecin et le mandataire.

La politique au service de la santé?

«On ne parle jamais de politique dans mon cabinet, sauf si les patients ont un problème ponctuel à aborder. Aucun élément dans mon cabinet ne permet non plus de détecter ma couleur politique. Cela dit, la médecine m’a beaucoup aidé dans mon quotidien politique, car je suis toujours présent localement, et aussi parce que, en raison de mon métier, je suis rompu à la gestion des imprévus.» Sa qualité de médecin lui a permis par ailleurs de mettre plusieurs choses en place dans le domaine de la santé, notamment un projet de résidence service, un soutien médical et éducationnel à la commune camerounaise dont est originaire le Dr Ndongo, une campagne antitabac très active au sein de la commune, la promotion de certaines vaccinations (dont le HPV) à travers les bulletins communaux, la sensibilisation des habitants de l’entité à la nocivité des boissons sucrées, le respect de mesures sanitaires strictes, au minimum dans les lieux fermés, au cours de la pandémie, et une participation personnelle directe et active au centre de vaccination anti-Covid de Baileux.

«Malgré ces activités, j’essaie de me consacrer du temps à travers la pratique du sport quasi quotidiennement, ainsi qu’à ma famille, ce qui n’est rendu possible que grâce à l’implication de notre secrétariat dans toutes les tâches administratives. Lorsque j’arrive à mon cabinet, je n’ai en effet à m’occuper que de ma pratique, ce qui est un plus pour mon équilibre personnel.»

Une médecine générale qui devrait prendre conscience de sa force

«La proximité de la frontière française me permet de constater que la médecine générale y a conservé un certain poids, ce qui est loin d’être le cas chez nous quand on voit la facilité d’accès des patients aux spécialistes et aux examens complémentaires, et le peu de considération que certaines spécialités ont à notre égard. Nous ne sommes ainsi pas mis au courant de l’existence de consultations chez certains spécialistes et ne recevons aucun rapport de ces consultations, notamment en dermatologie, ophtalmologie, psychiatrie, pédiatrie, gynécologie…» L’un des moyens de remettre l’église au milieu du village pourrait être de revenir à une médecine de prévention, qui valorise l’acte intellectuel, privilégie la clinique et le dialogue, qui limite les examens complémentaires et la prescription de médicaments, qui favorise une hygiène de vie correcte. «Mais nous devrions aussi un peu plus penser à nous et à notre qualité de vie en aménageant notre temps de travail, en favorisant les associations et en déléguant les tâches administratives et certains soins (prises de sang, etc.)… Enfin, il nous faudrait plus écouter les jeunes médecins, qui nous apportent beaucoup et qui ont beaucoup de choses à nous dire!»

Fiche d’identité

 

  • Naissance à Bruxelles en 1971
  • Humanités au Collège Notre-Dame de Basse-Wavre, diplômé en 1989
  • Diplôme de médecine UCL en 1996
  • Installation à Sivry-Rance en 1998
  • Association avec le Dr Firmin Ndongo Alo’o en 2001
  • Création de l’ASBL Viva Valeque en 2003
  • Bourgmestre de Sivry-Rance depuis 2006

 

 

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Derniers commentaires

  • Paul JONCKHEERE

    07 décembre 2021

    Completement d’accord avec vos considerations sur la medcine generale.Souvent on prefere envoyer un rapport chez le patient plutot que chez son generaliste.