L’Association médicale mondiale (AMM) déplore des incidents violents ciblant des professionnels de santé - menaces, insultes, stigmatisations… Depuis le début de la pandémie, le phénomène a littéralement explosé, dit-elle. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) abonde, évoquant plus de 200 cas. Dans notre pays, « Médecins en difficulté » ne relève pas de progression récente dans les signalements.
En avril déjà, l’AMM avait qualifié d’« absolument lamentables » les nombreux cas d’injures voire de violences physiques à l’encontre de médecins et d’autres soignants à travers le monde, accusés de propager le coronavirus. Elle pointait la situation « particulièrement choquante » en Inde, avec des professionnels de santé ostracisés, discriminés et même agressés. « Des médecins et des infirmières ont essuyé des insultes ou des crachats en Turquie, en France, au Royaume-Uni, au Mexique », énumérait l’AMM. En Belgique aussi, au plus fort des contaminations, les médias ont relayé quelques récits de prestataires soudainement expulsés par leurs colocataires ou rejetés par des voisins habituellement amicaux…
L’AMM vient de monter d’un ton, exigeant « de toute urgence des mesures de lutte » contre ces manifestations d’hostilité. La population n’est parfois pas seule en cause ; des états le seraient aussi. « Dans certains pays, les médecins sont victimes de représailles pour avoir dénoncé les conditions indignes dans lesquelles ils travaillent, le manque flagrant d’équipements médicaux ou la réponse apportée par leur gouvernement à la pandémie. » L’AMM demande notamment que soit mis en place un recueil systématique des données relatives aux violences commises dans le cadre de la crise du covid-19. Elle suggère une communication claire et compréhensible, pour couper court aux idées fausses sur la transmission de l’infection.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) confirme la flambée des incidents violents envers les soignants, citant un chiffre d’au moins 208 cas enregistrés depuis le début de la pandémie. Lui aussi évoque des harcèlements, de la stigmatisation et, à nouveau, des atteintes à l’intégrité physique. Treize organisations médicales et humanitaires mondiales, dont le CIRC mais aussi Médecins du Monde ou la Fédération internationale des hôpitaux, ont d’ailleurs publié une déclaration priant les gouvernements de garantir aux prestataires un environnement de travail sûr. Elles y indiquent que « certains professionnels ont même été tués ainsi que les patients dont ils s'occupaient », et qu'« il ne se passe pas un seul jour sans que de nouveaux cas d'intimidation et de violences ne soient rapportés ».
Et en Belgique ?
« À ce jour, les notifications d’agressions envers les médecins auprès du point de contact national de l’Ordre des médecins n’ont pas particulièrement augmenté, ni changé d’aspect depuis le début de la crise du covid-19 (*) », tempère Koen Matton, chargé de mission auprès de l’Ordre pour l’antenne « Médecins en difficulté ». Rappelons que l’on parle ici de signalements de faits par les médecins, et qu’on considère généralement qu’il y a sous-notification. « Je ne sais pas si [ce statu quo] reflète la réalité quotidienne. Mais je n’ai pas encore eu d’échos qui le contrediraient non plus », poursuit Koen Matton. « Le respect actuel important pour les soignants y joue peut-être un rôle… »
A moins que ces derniers aient été trop occupés pour rapporter d’éventuels comportements agressifs, ou qu’ils aient fermé les yeux, imputant les écarts de conduite au stress général ambiant. On y verra sans doute plus clair quand on disposera de recul.
(*) En novembre 2019, l’Ordre dénombrait 209 signalements depuis le lancement de son point de contact mi-2016. Le total est à ce jour de 262.