Face à l’augmentation des infections, comment oser parler de sexualité en consultation ?

La sexualité en consultation. Est-ce un sujet tabou ? On pourrait encore le croire. Lors du Congrès du Collège de médecine générale, la Dr Myriam Hedia, médecin généraliste à Saint-Nicolas, en province de Liège, a donné des pistes aux généralistes pour oser parler de sexualité en consultation.

Elle a d’abord rappelé à tous les généralistes qu’ils pouvaient s’appuyer sur l’outil du KCE relatif à la prise en charge des IST. « Cet outil a été élaboré en collaboration avec les associations de terrain : il est prévu pour servir de support aux intervenants de première ligne – principalement les médecins généralistes – lorsqu'ils abordent les questions relatives à la santé sexuelle. »
Les patients ouverts au dialogue

Toutefois, dans la réalité, comme elle l’a constaté, les généralistes ne l’utilisent pas toujours. « Pourtant, la majorité des patient(e)s attendent que leur généraliste parle de ce sujet et ne seraient pas gênés d’aborder cette question. »
Sur le terrain, le besoin est réel : « La croissance des infections doit interpeller les généralistes, qui possèdent un rôle central de proximité avec le patient pour agir. Pour rappel, aujourd’hui, les germes les plus fréquents sont les suivants : la chlamydia chez les jeunes femmes de 15 à 25 ans, la gonorrhée chez les hommes de 20 à 39 ans et la syphilis chez les hommes de 20 à 65 ans. Sciensano constate la progression constante de ces trois maladies. Il faut renforcer la prévention et l’éducation des jeunes. »
Dans le monde, quotidiennement, plus d’un million de personnes contractent une IST.

Pour la Dr Myriam Hedia, « le rôle du médecin généraliste est d’aborder cette question, mais aussi de rappeler l’usage correct du préservatif. Les jeunes ne l’utilisent presque plus. Il faut aussi insister sur les préventions vaccinales comme pour l’HPV et l’hépatite. Il convient aussi de rappeler au médecin que, s’il a un doute pour le patient à la suite d’un rapport à risque, il existe le dépistage sanguin et le frottis. »

Manque de diagnostic

Puisque la question n’est pas facile à aborder pour le généraliste, cela amène inévitablement un sous-diagnostic : « Seulement 15 % des diagnostics sont posés à l’initiative d’un généraliste. Par ailleurs, le généraliste ne doit jamais hésiter à penser à évoquer avec le patient la question du ou de la partenaire ou des partenaires en cas d’infection. »

Le médecin pas toujours à l’aise avec sa propre sexualité

Elle s’est aussi penchée sur les obstacles et les freins qui empêchent les médecins d’aborder la question des IST et de la sexualité : « Le manque de temps est le principal frein pour faire de la prévention. Un manque de connaissances du sujet et des traitements (par peur de ne pas savoir répondre aux questions), mais aussi la gêne d’aborder le sujet (tabou). Un médecin m’a même dit : “Je ne suis pas à l’aise avec ma propre sexualité et j’ai donc des difficultés à en parler.” »

Il est bon aussi de rappeler que parler de la sexualité peut également être l’occasion d’aborder la question de la violence dans les couples...

Enfin, on ne s’en rend pas toujours compte, mais « le sexe » du médecin joue aussi un rôle dans la façon dont il aborde la question : « Les médecins hommes ont plus de facilité à parler de la sexualité des hommes et inversement. Il est aussi parfois difficile pour le jeune patient de parler de sa sexualité avec le médecin de la famille qui l’a connu depuis tout petit. »

Parmi les résultats importants à retenir de son étude, il y a aussi ce dernier élément : « Les médecins, qui ont appris à utiliser l’outil du KCE, ont pu prendre connaissance de l’évolution des traitements. Ils n’étaient pas nécessairement à jour au niveau de leurs connaissances sur les traitements adéquats à utiliser et les dernières évolutions en la matière. »

Ne pas hésiter à ouvrir le dialogue avec le patient donc… même si cela n’est pas toujours facile au sein d’un cabinet.

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