La médecine pollue. Les médecins, les généralistes en particulier, en sont de plus en plus conscients. Ils ont à leur portée toute une palette d’actions possibles pour protéger la santé à travers l’environnement. Mais que sont-ils prêts à faire réellement ? Une mini-enquête met en évidence leurs convictions et identifie quelques freins au passage à l’acte.
Les conséquences du changement climatique et de la pollution sur tout l’écosystème mondial, et par conséquent sur la santé, ne sont plus à expliquer. Mais que peuvent faire les médecins face à cette problématique ? Et surtout, que sont-ils prêts à faire ?
Le médecin est générateur de pollution et il a son empreinte carbone, c’est bien démontré. Les conseils visant à réduire cette empreinte sont déjà bien établis : ils concernent de nombreux postes de l’activité médicale.
L’homme de l’art, personnage écouté, peut aussi sensibiliser et éduquer ses patients de plusieurs manières.
Trois niveaux d’action
Au niveau individuel (« niveau micro »), il est bien placé, par exemple, pour expliquer les liens entre pollution et alimentation, d’une part, et augmentation de la prévalence de certaines maladies, d’autre part. Son exemple personnel au quotidien revêt une importance capitale dans la sensibilisation aux problèmes environnementaux.
Au niveau local (« niveau méso »), il peut contribuer à l’éveil des consciences sur la problématique planétaire de la pollution et du changement climatique, avec leurs conséquences sur la santé. Il peut aussi orienter les personnes sensibilisées à cette question vers des initiatives citoyennes.
À un niveau plus élevé d’action (« niveau macro »), il peut militer lui-même, alerter le monde politique, s’engager dans des projets d’action concrets.
Une enquête pour comprendre
Lors de la Matinée Scientifique de la FAGC, qui s'est tenue récemment au Bois du Cazier à Marcinelle, le Dr Chiara Lefèvre (Photo), médecin généraliste à la maison médicale La Brèche à Châtelineau, a fait part des résultats de sa mini-enquête sur les généralistes et la transition écologique.
Il s’agit d’une étude qualitative par entretiens semi-dirigés, effectuée auprès de neuf médecins généralistes belges déjà sensibilisés à la thématique. La moyenne d’âge des médecins rencontrés dans le cadre de ce sondage était de 31,6 ans.
Des obstacles dans la pratique
Dans la réalité de terrain, les choses n’apparaissent pas si simples que sur papier. D’abord, dit le Dr Lefèvre, « l’impact environnemental de la médecine générale est souvent perçu comme faible ». Cet impact ne reçoit pas toujours l’attention qu’il faudrait : « La santé du patient avant tout », dit un confrère, « et alors, cette valeur d’écologie passe au second plan ».
Paradoxalement, les médecins interrogés sont attentifs à ces questions dans leur vie privée mais s’y investissent moins dans leur activité professionnelle. Quant à l’exemple personnel, « il nécessite des changements fondamentaux qui ne sont pas du tout évidents pour tous », a répondu un médecin.
L’exemple est parfois freiné par une crainte du jugement, tant de la part des patients que de celle des pairs. Mais il peut susciter la réflexion : voir venir à vélo quelqu’un qui a les moyens de se déplacer en voiture donne à penser qu’il s’agit d’un choix.
Cependant, il n’est pas rare que les médecins, par souci éthique, s’abstiennent de juger et de faire la morale, ce qui constitue un frein dans la conscientisation des patients.
Une perception parfois politique
Le discours sur la transition écologique peut aussi être perçu comme un discours politique. Cette perception est susceptible d’empêcher le médecin d’en parler avec ses collègues et/ou son entourage car « dans leur majorité, les médecins se veulent neutres d’opinion politique », souligne Chiara Lefèvre.
Quelques exemples concrets
Néanmoins, certains généralistes qui ont participé à l’enquête se sentent autorisés à parler en consultation du lien alimentation-pollution-maladie. Ils profitent de moments particulièrement propices pour le faire, comme la grossesse par exemple. Certains patients, comme les asthmatiques, s’y prêtent mieux également.
Des moyens limités pour agir
Quant aux actions plus militantes, si les médecins rencontrés semblent convaincus de la nécessité d’un changement de système, ils estiment en majorité que leurs moyens individuels sont limités. Ils pensent en général que les autorités locales, voire fédérales, de même que les collectivités, disposent de leviers plus puissants que les leurs.
Liens utiles
Calculer son empreinte carbone https://calculateurs.awac.be/app/home
SSMG Cellule environnement https://www.ssmg.be/avada_portfolio/environnement-et-sante/
Association Santé Environnement France https://www.asef-asso.fr/
Consulter le travail du Dr Lefèvre
Lire aussi : Le médecin généraliste peut-il réduire ses émissions de CO2?