© UNamur
Quand on parle de pénurie d’offre en médecine générale, avons-nous une vue d’ensemble et surtout une compréhension des mécanismes sous-jacents à ce drame ? La première « Table ronde de l’Observatoire Universitaire en Médecine Rurale » de l’Université de Namur a lancé une réflexion sur la question et recueilli quelques témoignages sur les tentatives de résolution.
Malgré l’évolution favorable du nombre de diplômés en médecine admis dans la filière de spécialisation en médecine générale, la pénurie ne s’arrange pas. Bien au contraire. Les chiffres peuvent être trompeurs : selon les données présentées par l’AVIQ à la table ronde de médecine rurale (Namur, 5 décembre), on est passé de 60 % de communes en pénurie en 2016 à 52 % en 2023. Mais, dans le même temps, la proportion des zones en pénurie sévère a augmenté, passant de 35 % à 41 %. Ce sont les communes rurales qui sont les plus touchées.
Définir la ruralité et ses défis
Il faut cependant s’entendre sur cette notion : « Pour définir la ruralité, explique le Dr Dominique Henrion (UNamur), organisateur de la table ronde, il faut tenir compte de trois critères : la densité de population, le degré d’urbanisation et la distance par rapport aux services (commerces, écoles, crèche…). » On sait que dans beaucoup de communes rurales, le taux de nouvelles installations de généralistes est faible et ne compense pas les départs. La prise en compte du nombre de généralistes de plus de 65 ans dans une commune donne une image encore plus aiguë, faisant apparaître le risque de diminution à court ou moyen terme de l’offre en médecine générale.
Un problème complexe à caractériser
Ainsi, émerge la notion de commune à risque de pénurie. C’est une donnée qui devrait alerter les autorités et dont il faudrait tenir compte dans la gestion de la démographie médicale. Mais il reste difficile de caractériser la pénurie tant il y a de facteurs à prendre en compte. Le rapport entre le nombre de généralistes et le nombre d’habitants ne suffit pas en tant qu’indicateur. Il faut aussi considérer la distance à parcourir pour arriver chez son médecin, la disponibilité des transports en commun, la dynamique de la démographie médicale (départs et installations, âge des médecins), ou encore le statut socio-économique de la population.
Des données encore incomplètes
L’IWEPS (Institut Wallon de l’Évaluation, de la Prospective et de la Statistique), en association avec l’AVIQ, a présenté une analyse remarquable sur cette problématique. Cependant, les résultats ne sont pas encore consolidés et ne peuvent donc pas être publiés en détail. On s’aperçoit néanmoins, à la lumière de cette tentative d’évaluation, que les situations des communes sont extrêmement variées.
Une charge de travail mal évaluée
Quant au nombre de médecins, le Dr Élodie Brunel (ABSyM) intervient dans le débat pour considérer qu’il ne représente sans doute pas le meilleur indice, pas plus que les équivalents temps plein. « Il vaudrait mieux parvenir à caractériser la charge que chaque médecin peut assumer et/ou la charge qu’il assure réellement », commente-t-elle. Et d’ajouter que là aussi, on se trouve face à une très grande variabilité selon les médecins et selon les contextes.
Une situation minoritaire en Wallonie
« En plus de cela, fait remarquer le Dr Paul De Munck, past-président du GBO, il faudrait disposer de données comparables pour la Flandre car nous devons négocier dans un contexte où nous sommes minoritaires et où il est difficile de faire comprendre aux autorités et à nos confrères du nord du pays que notre situation est différente de la leur. » La difficulté est que, s’il y a des contacts nord-sud au niveau politique, les administrations (AVIQ du côté wallon) n’ont entre elles que des échanges très sporadiques. Sans compter que les situations évoluent rapidement et que les données, lorsqu’elles sont prêtes pour publication, sont déjà souvent dépassées.
Des réponses variées face à la pénurie
Quoi qu’il en soit, de nombreuses communes sont en souffrance, et leur manière d’affronter la pénurie est, elle aussi, très variée. Les témoignages présentés à la table ronde sur la médecine rurale ont montré que les « réponses » des autorités vont de la parfaite indifférence à la créativité la plus forte.
Le rôle des généralistes en place
La réaction des médecins en place, pourtant surchargés en raison de la pénurie, est également très différente selon les cas. Certains refusent de collaborer aux tentatives d’attirer de jeunes confrères et/ou de créer des facilités, voire de susciter l’installation d’une maison médicale. À l’inverse, d’autres font preuve de grande ouverture, apportant leur soutien aux nouveaux venus. L’attitude des généralistes en place peut donc faciliter l’installation des jeunes, y compris en zone de pénurie, ou au contraire constituer un obstacle. D’autres facteurs jouent également un rôle, a expliqué Dominique Henrion : provenance des médecins, incitants financiers, conditions d’exercice, cadre de vie, cursus universitaire, notamment l’exposition à la médecine rurale pendant la formation.
Un dialogue en marche
Il reste donc encore beaucoup de travail avant de pouvoir mieux appréhender la question dans son ensemble. « Mais la réflexion est lancée, des liens entre tous les acteurs concernés sont en train de se nouer et le dialogue est en marche. C’était aussi un des buts de cette première table ronde », conclut le Dr Henrion.
Lire aussi: La pénurie médicale en milieu rural au coeur d'un Observatoire à l'initiative de l'UNamur