Psychomotricité - La bataille juridique de six étudiants ou diplômés en psychomotricité a débuté

La bataille juridique de six étudiants ou diplômés en psychomotricité a débuté mardi matin, à Liège. Ceux-ci, soutenus notamment par la Fédération des étudiants francophones (Fef), ont intenté une action en référé à l'encontre de l'État belge, pour son refus de reconnaître la profession comme paramédicale mais aussi à l'encontre de la Communauté française (Fédération Wallonie-Bruxelles) pour avoir, depuis septembre 2012, autorisé la création d'un baccalauréat en psychomotricité sans être certain que le métier serait reconnu. Leur but est d'obtenir le droit de poser des actes thérapeutiques, ce qui leur est interdit actuellement, sous peine de poursuites pénales.

En octobre 2016, la ministre fédérale de la Santé publique, Maggie De Block, indique au ministre francophone de l'Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt, qu'elle ne reconnaîtra pas la psychomotricité comme une profession paramédicale. Elle se base, pour ce faire, sur un avis rendu en juin 2016 par le Conseil fédéral des professions paramédicales (CNPP). Celui-ci estime que d'autres professions reconnues (logopède, ergothérapeute, kinésithérapeute ou orthoptiste) recouvrent le métier de psychomotricien.

Dès lors, un psychomotricien ne peut plus poser d'actes qui "relèvent de l'art de guérir", ce qui le contraint à exercer presque exclusivement en milieu scolaire. Selon les six requérants, cette décision a créé un préjudice "dramatique", qui les empêche d'avoir accès au marché de l'emploi, les actes thérapeutiques étant foncièrement liés à l'exercice de leur profession. L'État belge et la Communauté française estiment eux que nombre de débouchés existent toujours, sans avoir besoin de poser de tels actes.

Concrètement, les six (futurs) psychomotriciens, représentés par trois avocats, ont reproché mardi à l'État belge, lors des plaidoiries devant le président du tribunal de première instance de Liège, un manque d'appréciation de la réalité de leur métier et qu'il ne se soit pas fondé sur l'ensemble des données disponibles. Ils soulignent qu'un rapport établi par le SPF Santé publique en 2013 n'a pas été pris en compte par le CNPP lors de l'émission de son avis. Or, il concluait qu'un besoin de psychomotriciens existait pour que les patients bénéficient de soins de qualité. Il recommandait de reconnaître la profession com me paramédicale.

Ils réfutent que d'autres professions recouvriraient le métier de psychomotricien. Selon eux, la force de la psychomotricité est sa multidisciplinarité, ce qui explique que certains de ses aspects se retrouvent dans l'exercice de la logopédie ou de la kinésithérapie.

Ils reprochent également à l'État belge et à la Communauté française d'avoir violé le principe de sécurité juridique et de confiance légitime. En d'autres mots, tous deux auraient créé une espérance chez les étudiants qui pouvaient "raisonnablement" penser que leur future profession serait reconnue. Ils pointent du doigt un manque d'information, contesté par l'État belge et la Communauté française.

Ils déplorent enfin un défaut de coopération entre les deux niveaux de pouvoir. La Communauté française et le fédéral auraient dû se concerter afin que la première ne crée pas une formation sans détenir la certitude que la profession serait ensuite reconnue, ont-ils plaidé.

Les avocats des six étudiants ou diplômés ont formulé trois requêtes. La première est que le président du tribunal de première instance de Liège enjoigne la Communauté française de continuer à organiser le cursus de psychomotricité, jusqu'à ce que les deux étudiants en cours de cursus qu'ils représentent aient obtenu leur diplôme.

Les deux autres sont plus techniques. Les avocats des requérants demandent tout d'abord que le président pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle à propos de la légalité de la loi qui règlemente les professions paramédicales. Celle-ci ne prévoit pas qu'un acte administratif soit émis en cas de refus de reconnaissance, ce qui empêche tout recours en suspension devant le Conseil d'État, argumentent-ils. Par ailleurs, aucune motivation formelle n'est dès lors obligatoire. Tout cela porterait atteinte à l'effectivité de recours et au droit d'accès au juge.

En l'attente d'une décision sur le fond, ils demandent au président d'autoriser les psychomotriciens à poser des actes thérapeutiques sans risque de poursuite pénale. Tant l'État belge que la Communauté française contestent cette demande qui contreviendrait, selon eux, à la séparation des pouvoirs.

Au terme de trois heures de plaidoiries, une durée exceptionnelle pour une procédure en référé, le président du tribunal de première instance de Liège a indiqué qu'il rendrait sa décision dans le courant de la semaine prochaine.

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