"Si les médecins étaient mieux répartis il n'y aurait pas de pénurie en Belgique" (Dr Mélanie Lampe)

Le Dr Mélanie Lampe, ophtalmologue, lance une pétition pour alerter et sensibiliser les jeunes médecins et les autorités à la situation dramatique en province de Luxembourg. “Il faut un élément contraignant pour obliger les médecins à s’installer ou à travailler en province de Luxembourg. Il faut contingenter pour qu’il y ait des médecins et des spécialistes partout pour répondre aux besoins de la population. “

« Pourquoi je me suis décidée à agir maintenant ? Parce que je n’arrive plus à suivre mes propres patients correctement (18 mois de délai alors que je dois en voir beaucoup 1x/an) et que l’avenir médical de la province s’annonce désastreux. Je ne suis pas la seule concernée (cfr pédopsychiatres, dentistes, orthodontistes, dermatologues, généralistes, neurologues…). Notre province se vide de ses médecins. On va vers une catastrophe. A l’hôpital d’ Arlon, nous n’avons plus de neurologue. La situation ne va faire qu’empirer s’il n’y a pas une action concrète des autorités rapidement. Aujourd’hui, nous sommes face à un désert médical. »

Mieux répartir les médecins ?

Cette question, elle l’aborde en rappelant qu’elle-même « pratique depuis 7 ans en province de Luxembourg, alors que je suis originaire de Mouscron. Nous sommes près du Grand-Duché qui est plus attractif financièrement. Je suis la seule ophtalmologue dans toute la province de Luxembourg à m’être installée en 19 ans ! ." 

Elle rappelle aussi les enjeux de la profession : « Il y a actuellement 1315 ophtalmologues en Belgique (+/- 890 équivalents temps plein) pour 11 600 000 habitants. C’est-à-dire 1 ophtalmologue pour 8821 patients. Nous avons donc en Belgique 11,34 ophtalmologues /100 000 habitant (mais qui ne travaillent pas tous à temps plein donc plutôt 10 ophtalmologues/100 000 habitants en Belgique (en France : 8/100 000).Le nombre d’ophtalmologues en Belgique est donc suffisant. La pénurie vient d’une mauvaise répartition ! En province de Luxembourg, il y a 4,4 ophtalmologues/100 000 habitants actuellement (situation tendue, mais tenable avec des médecins qui risquent le burn-out). Dans 10 ans, nous ne serons plus que 1,38 ophtalmologue/100 000 habitants (situation complètement intenable) d’autant plus vu les besoins qui vont augmenter (myopie, DMLA…). »
Quelles sont les solutions ?

Pour elle, une solution concrète existe : « Pour que nous ayons des médecins qui restent en province de Luxembourg, il faut un élément contraignant pour obliger les médecins  à s’installer ou à travailler en province de Luxembourg. Il faut contingenter pour qu’il y ait des généralistes et des spécialistes partout pour répondre aux besoins de la population. Je sais que cette mesure ne va pas plaire aux médecins. Je ne m’attends pas à me faire des amis parmi les étudiants en médecine, mais il faut penser aux patients d’abord. Nous ne pouvons pas oublier le serment d’Hippocrate.”
Le Dr Mélanie Lampe ne croit plus en la solution des primes: « Vu le désert médical de généralistes, la mesure n’a pas été d’une efficacité extraordinaire et coûte cher à la société ! » 
Elle pense à une autre approche : « Les pharmaciens, les notaires, les professeurs, les policiers, les pompiers, etc… ont une contrainte de localisation également (on ne met pas tous les pompiers dans la même caserne…). »
2 ans dans une région en pénurie
Mais quels types de contraintes ? « On pourrait tendre vers une obligation pour les médecins diplômés de réaliser 2 ans en région en pénurie à la fin de leurs études ( Déjà 1 an en France). Il s’agit d’un système équitable pour tous les étudiants. Toutefois, il ne favorise pas l’installation au long cours de médecins. Sans oublier que le dossier médical peut-être moins bien suivi et que le patient change systématiquement de médecin."
Elle propose une approche par zone de couleur: par exemple mettre en plus un cadastre et un code couleur par région (exemple de chiffres arbitraires)
-Rouge : <50% de médecins par rapport à la moyenne Belge
-Orange : 50-80% de médecins par rapport à la moyenne Belge
-Vert : 80-100% de médecins par rapport à la moyenne Belge
-Jaune : > 100% de médecins par rapport à la moyenne Belge

Fin de la liberté d’installation ?
« La mesure n’est appliquée que pour les étudiants qui vont commencer la médecine. Ils sont avertis avant de commencer leurs études! Le choix peut d’abord être fait sur une base volontaire. A défaut, le choix peut être fait sur base du classement (exemple en ophtalmologie : on prévoit 3 places +2 places de réserves zones rouges). »
Le Dr Mélanie Lampe met en avant trois points : 
1. Obligation de remplir les zones rouges (au moins un certain pourcentage/ an ; pas forcément tout d’un coup) et orange (un pourcentage un peu inférieur)
2. Interdiction de remplir les zones jaunes (si le médecin décide de néanmoins s’y installer : pas de remboursement par l’INAMI de ses soins)
3. Autorisation de s’installer en zone verte si la condition numéro 1 est remplie.
Exception prévue : les hôpitaux universitaires. Le médecin peut y travailler peu importe la zone dans laquelle se trouve cet hôpital. 
Pour elle, cette solution a du sens : « Vu le nombre d’étudiants qui veulent faire la médecine, même si la mesure en décourage quelques-uns, ils seront toujours suffisamment nombreux à tenter ces études. (6000 candidats pour 1000 places environ, nous avons de la marge). La mesure, enfin, n’impose pas au médecin de vivre en zone de pénurie ! » 

> Signer la pétition en ligne

Lire aussi :

> Au moins 306 étudiants en médecine seront orientés vers la médecine générale

> "Le lien entre des études de médecine en Hainaut et y exercer n'est pas étayé" (Glatigny)

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Derniers commentaires

  • Alain HENSENNE

    18 février 2023

    Contraindre : NON
    Inciter: OUI.

  • Gaëtan SIMOENS

    17 février 2023

    La planification soviétique ! Une recette bien émétisante .

  • Etienne FERRANT

    16 février 2023

    Je suis arrivé comme deuxième anesthésiste à Libramont en 1977 ; Je suis renaisien d'origine , mon épouse infirmière est bruxelloise .
    Hormis un temps d'adaptation que je qualifierais de normal lorsqu'on tombe dans la province la plus étendue de Belgique , tout en étant la moins peuplée , je dis bien fort que je ne regrette rien .
    Tant et si bien que j'ai depuis 10 ans décidé d'y passer mes derniers jours .
    Etienne Ferrant

  • Thierry DEVITGH

    10 février 2023

    « Pour que nous ayons des médecins qui restent en province de Luxembourg, il faut un élément contraignant pour obliger les médecins à s’installer ou à travailler en province de Luxembourg. .." Voici la proposition d'une jeune consœur: le travail forcé. Accompagnée d'une planification par Glatigny d'une obligation d'étudier des spécialités en pénurie, parce que ne permettant plus une vie décente: MG, gériatrie, biologie clinique et anapath. Comment peut-on défendre de telles idées si ce n'est parce que les universités les ont inculquées à leurs étudiants? Toutes les unifs sont lourdement subsidiées et leur enseignement en devient sinistroorienté. Obliger, contraindre, taxer, monitorer, sanctionner: bref faire crever la "corporation" médicale.
    Pour garder les médecins en province de Luxembourg "on" pourrait aligner leurs honoraires et conditions de travail sur leur voisin Grand-Ducal. Mais ça, ce n'est pas envisageable au Belgistan.

  • Alain LECLERCQ

    10 février 2023

    Bienvenue en URSS et ses plans quinquennaux !

  • Nathalie PANEPINTO

    09 février 2023

    La majorité des jeunes généralistes étant des femmes, un des arguments pour favoriser leur installation en région rurale serait que leur époux puisse y trouver un emploi de qualité. Le prix du carburant ainsi que la perte de temps et la fatigue engendrée par les trajets domicile lieu de travail font que les jeunes couples réfléchissent à 2 fois avant de s'installer à un endroit particulier.

  • Philippe TASSART

    09 février 2023

    Les pharmaciens, les notaires sont déjà soumis à des obligations lors de leur installation. Pourquoi pas les médecins ?
    Beaucoup de médecins ne résident pas dans la région où ils travaillent. J'en connais qui habitent Bxl et qui travaillent dans le BW à plus de 50 km de chez eux. Le Luxembourg est une magnifique région mais si vous remontez de 50 km, vous êtes vite dans le Namurois.
    Et puis, il n'y a pas que le Luxembourg qui est en manque de médecins (voir la longue liste des communes en pénurie et en pénurie grave).
    Limiter le nombre de médecins dans une région est aussi une assurance de travailler dès l'installation, ce qui ne fut pas le cas de beaucoup de médecins qui ont plus de 50 ans actuellement.
    La remise d'un cabinet peut aussi constituer un petit bonus financier lors du départ en pension.

  • François TAMO

    09 février 2023

    La liberté à l'installation à créer des déserts médicaux et des endroits saturés Pourquoi ne pas interdire l'ouverture de nouveau cabinet de médecine imposer la reprise des cabinets existant et valoriser la patientèle du médecin qui part à la retraite à l'instar des pharmaciens, notaires .

  • Serge HERMANS

    09 février 2023

    Encore une proposition à la c......qui va juste fair fuir les futurs médecins !
    On va obliger les étudiants à s'orienter en médecine générale ( si pas pris en spécialisation ) et on va ensuite les obliger à s'installer dans certaines zônes.....et les conjoint(e)s .....? ils vont suivrent ??
    Celà provoquera démotivation et frustration.......il y aura encore plus de burn - out

  • Céline Ronveaux

    09 février 2023

    La vie de MG devient impossible... On est surchargé de boulot et on nous impose toujours plus de choses ... on ne peut pas demander à des médecins de mettre leur famille, leur vie entre parenthèse et de se sacrifer constamment ... on sacrifie nos horaires, nos temps de familles et il faudrait en plus ne pas pouvoir choisir ou on veut habiter... STOP je ne crois pas du tout à ce discours POLITIQUE qu'il y a assez de médecins ACTIF (quivalent temps plein) en Belgique... et les années à venir vont etre de plus en plus dramatique...

  • Patrick PAINDEVILLE

    09 février 2023

    Contraindre, obliger, interdire…..
    Quelle litanie!
    Pour les ophtalmologues curieusement on ne préconise pas d’en former plus….ben voyons.
    Comme indépendants nous sommes déjà assez mis sous tutelle de toute sorte,….

  • Virginie Derkenne

    09 février 2023

    l essayer c'est l adopter ;) (je proviens de Liege et je bosse dans un petit village près d'ARlon depuis 20 ans)

  • Eric FRABONI

    09 février 2023

    encore faut il avoir envie d'allez vivre dans cette région ...