Statut des médecins-assistants : les nouveaux contrats sont dans le viseur de la justice

Les derniers projets de contrats des médecins assistants candidats spécialistes (MACS) travaillant dans des hôpitaux bruxellois vont être analysés par le Contrôle des lois sociales (CLS), à la demande de l'auditorat du travail de Bruxelles, a indiqué à Belga l'un de ses magistrats et porte-parole, Fabrizio Antioco.

Les difficiles conditions de travail des médecins assistants ont été dénoncées à plusieurs reprises ces dernières années, et une grève a été menée par ceux-ci en avril dernier. Ces dénonciations, faisant notamment état d'un large dépassement des heures de travail autorisées, avaient conduit plusieurs auditorats du travail à ordonner une vague de contrôles dans de nombreux hôpitaux du pays, en juin dernier.

De nouveaux projets de contrat été soumis aux médecins assistants, a appris l'agence Belga, mais ils ne répondent pas aux attentes, semble-t-il, voire risquent de fragiliser encore plus les conditions de travail de ces médecins toujours en formation. Questionné sur la conformité de ces contrats au regard du droit du travail, Fabrizio Antioco, magistrat à l'auditorat du travail de Bruxelles, a déclaré avoir pris contact avec le Contrôle des lois sociales (CLS). "Il entre dans les intentions de l'Auditorat de vérifier la conformité des contrats avec la loi et avec la convention collective conclue dans le cadre de la Commission paritaire nationale médecins-hôpitaux (CPNMH)", a-t-il répondu. "S'il apparaît que certains projets de contrat ne sont pas conformes à la réglementation, l'Auditorat demandera que ceux-ci soient modifiés. Et s'il apparaît que des contrats déjà signés posent problème, l'Auditorat fera de même, car il est impératif que les conditions de travail des médecins spécialistes en formation respectent les exigences réglementaires".

Plus précisément, selon certains témoignages, les médecins assistants continuent de travailler dans des conditions contraires aux dispositions légales sur le bien-être au travail. Interrogé sur la question particulière du bien-être, Fabrizio Antioco a déclaré ne pas pouvoir détailler certains éléments qui ont été collectés par les services de contrôle. "J'aimerais toutefois formuler une remarque préalable", a-t-il réagi. "Aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, trop de structures perdent de vue leurs obligations à l'égard des personnes qui travaillent en leur sein, dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un contrat de formation. La loi prévoit l'obligation de procéder à une analyse des risques psycho-sociaux. Il doit s'agir d'une véritable analyse et non d'un catalogue de bonnes intentions ou de phrases creuses comme on en voit quelquefois. Mais procéder à une analyse digne de ce nom ne suffit pas. Il faut également prendre des mesures concrètes si la situation le justifie, par exemple en matière de prévention du burn-out. Récemment, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné un employeur qui n'avait pas pris les mesures de prévention nécessaires", a-t-il exposé.

"Je reviens à la question des hôpitaux", a poursuivi le magistrat. "Le dépassement des heures de travail et le rythme de travail infernal qui ont été constatés dans certains hôpitaux méconnaissent les dispositions légales relatives au temps de travail et les dispositions légales relatives au bien-être au travail. Il ne s'agit pas ici d'absence d'analyse des risques mais d'une situation encore plus grave. Il tombe en effet sous le sens que les conditions de travail de certains médecins spécialistes sont telles qu'elles ont forcément un impact négatif sur leur bien-être au travail avec des risques de burn-out ou des risques de suicide. Je ne veux pas être plus précis, mais je n'évoque pas le risque de suicide à la légère. Une telle situation n'est pas acceptable et l'Auditorat ne pourra pas tolérer qu'elle perdure", a-t-il expliqué. "L'Auditorat est un Ministère public susceptible, si nécessaire, d'intenter des poursuites correctionnelles tant à charge de personnes morales que de personnes physiques. J'espère sincèrement que l'Auditorat ne devra pas en arriver là. Je tiens à rappeler qu'il s'est montré particulièrement constructif. À titre d'exemple, suite à des constats d'infractions, un hôpital a reçu un avertissement, via le Contrôle des lois sociales, et il lui a été demandé de régulariser la situation. En conclusion, l'Auditorat n'entend pas privilégier les poursuites correctionnelles mais s'il devait être confronté à de nouvea ux constats d'infractions il serait malheureusement contraint d'envisager de telles poursuites", a fermement déclaré le représentant du ministère public au sein des juridictions du travail.

D'après d'autres témoignages encore, certains médecins assistants ont aussi subi des représailles à la suite de leur participation à une grève en avril dernier. Confronté à ces récits via Belga, Fabrizio Antioco réagit également, et annonce des sanctions encourues pour l'hôpital employeur et formateur. "Ce serait vraiment grave que des médecins spécialistes fassent l'objet de représailles parce qu'ils ont pris part au mouvement de grève. Des représailles pourraient être considérées notamment comme de la violence psychique au travail. L'article 119 du Code pénal social prévoit des peines en cas de violence physique ou psychique au travail et en cas de harcèlement au travail", a-t-il affirmé.

Enfin, questionné sur des pressions qui sont mises sur des médecins assistants pour qu'ils signent une clause d'"opting out", autorisant la prestation d'heures supplémentaires au-delà de la limite prévue par la loi, le magistrat répond que ce serait inacceptable de la part de son office. "Les médecins spécialistes en formation doivent avoir le choix d'accepter ou non cette clause, en toute liberté. Le refus de la clause ne signifie pas que vous êtes un médecin spécialiste de mauvaise volonté ou moins désireux de s'impliquer dans son métier. Un médecin spécialiste en formation peut avoir d'excellents motifs de ne pas signer cette clause, motifs - et j'insiste sur ce point - qui ne regardent par ailleurs que lui".

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