Les médecins du VAV veulent un système de soins de santé flamand autonome

Faut-il à l’avenir laisser la Flandre et la Wallonie mener leur barque au niveau des soins de santé ? Pour le Vlaams Artsenverbond (VAV), sans l’ombre d’un doute. Parce que les visions s’éloignent, que la fragmentation des compétences crée des incohérences  - illustrées sans pitié par la crise covid - et...  que les transferts nord-sud ont assez duré. 

Le Vlaams Artsenverbond (VAV) (anciennement dénommé le Vlaams Geneeskundigenverbond) est une association socioculturelle « pour et par » les médecins flamands. Affirmant sur son site n’avoir aucune attache syndicale, politique ou philosophique, l’asbl affiche, en pole position de ses objectifs déclarés, la réalisation d'un système de soins de santé flamand autonome, dans le cadre d’une sécurité sociale flamande autonome. Et cette ambition se reflétait on ne peut plus explicitement dans l’intervention de sa présidente, Lieve Van Ermen, mi-octobre, devant les membres de la commission parlementaire « réformes institutionnelles », un jour avant que le VAV ne tienne un symposium où le même argumentaire a été délivré.

Le titre de l’exposé du Dr Van Ermen sur une future structure étatique pour les soins de santé donnait d’emblée le ton : "Vers une politique flamande de la santé". Selon elle, les différences d’approches nord-sud en la matière deviennent trop importantes, éclatant au grand jour lors de la crise : des stratégies de vaccination et de dépistage dissemblables, des règles distinctes de visite en MR(S) et à l’hôpital... D’où son appel à faire chambre à part.

« Des flux d'argent opaques et inacceptables »

Son postulat de départ est que l'ensemble de la politique de santé devrait être transférée aux communautés flamande et française, les Bruxellois ayant le choix entre les systèmes flamand et francophone. En soi, cette prise de position n’est pas révolutionnaire, des voix la portant en Flandre depuis des décennies. De plus, la Constitution prévoit que les matières personnalisables soient du ressort des communautés - « et quoi de plus personnel que les soins » ? Cet argument n’est pas nouveau non plus, mais il est difficile à concrétiser dans la constellation politique actuelle.

Mais pourquoi réclamer si vigoureusement ce transfert de pouvoirs ? Pour trois raisons majeures, dit-elle : un, chaque communauté pourra mettre l'accent sur SES priorités ; deux, des compétences homogènes conduiront à une plus grande efficacité ; et trois, cela contribuera à rendre le système plus responsable, « ce qui est une bonne chose puisque nous avons maintenant affaire à des flux d'argent importants, opaques et inacceptables ».

Incohérences permanentes ou exacerbées par la crise

Le VAV pointe e.a. les écarts apparus durant la crise covid, en commençant par les décès hospitaliers par région. Pour lui, si on compare la surmortalité en 2020 avec la mortalité moyenne en 2017, 2018 et 2019 dans les villes de plus de 50.000 habitants, on constate également - même si Anvers arrive en tête de liste - une surreprésentation des villes wallonnes... (une déclaration partiellement exacte, ndlr). Et le VAV d’enchaîner sur des incohérences plus permanentes de la fragmentation des compétences, par exemple la responsabilité de la Flandre dans l’agrément des hôpitaux et le financement des infrastructures tandis que les subsides de fonctionnement émanent du Fédéral. Autre facteur contre-productif :  pourquoi les entités fédérées devraient-elles investir massivement dans la prévention, alors que c’est le Fédéral qui en récoltera les fruits ?  Idem, un déploiement flamand des centres de soins résidentiels entraîne des bénéfices pour l’Etat par allégement des dépenses en gériatrie… La crise sanitaire a encore aggravé ces contradictions, répète l’asbl : le gouvernement fédéral était responsable des tests, les régions du tracing, le confinement lui-même avait un habillage flamand ou fédéral…

Deux planètes qui s’écartent

Pour appuyer son propos, le VAV avait compilé des chiffres soulignant des écarts dans le système de soins entre nord et sud.

  Flandre    Wallonie
Dossier médical global (% de la population) 74% 49%
Nombre de cabinets de groupe 1.119 249
Taux de vaccination contre le cancer du col de l'utérus 91% 50%
Nombre de lits/CT scan  313 196
Nombre de médecins pour 100.000 habitants 257 333 (43% de spécialistes en plus)
Suppléments d’honoraires + 148% + 213% (Bruxelles: 270%)
Reprises d’emploi à temps partiel 68,8%  25,5%

« Un mythe persistant »

Sans surprise, le VAV a également mis sur le tapis les transferts d'argent, conséquence directe de la différence des taux d'emploi, dit-il (74,7% en Flandre, 64,6% en Wallonie et 61,3% à Bruxelles). Le Dr Van Ermen a cité une étude de Decoster et Sas (KU Leuven) indiquant que ce flux s'élève à 6,9 milliards en 2020, et passe par trois canaux : le financement des ressources générales, celui des régions et des communautés et, pour l'essentiel, la sécurité sociale.

Poursuivant son plaidoyer, la présidente du VAV a tenu à tordre le cou à des objections couramment invoquées pour freiner la poursuite d’une régionalisation de la santé. Exemples ?

1 – Notre pays est déjà si petit ! Doit-on le diviser davantage ?

Réponse : « 12 États membres de l'UE-27 sont plus petits que la Flandre, et 7 plus petits que la Wallonie ».

2 - Qu'en est-il de Bruxelles ?

Réponse : « son cas peut être résolu avec de la volonté politique. Bruxelles est aussi la capitale flamande et, comme on l'a dit, c'est aux Bruxellois de choisir leur communauté, tant pour le système de santé que pour l'enseignement ».

3 – Par le passé, la Flandre ne recevait-elle pas de l'argent de la Wallonie ?

Réponse : « c'est un mythe persistant, d’après la recherche scientifique ».

Solidarité et loyauté

Pour Lieve Van Ermen, nous pouvons et devons faire preuve de solidarité, mais interpersonnelle, au sein d'une société qui partage les mêmes normes et valeurs. La solidarité interrégionale est également possible, « mais elle est alors transparente et axée sur les résultats, réversible et avec la loyauté du bénéficiaire ».

La médecin flamande a terminé sur une comparaison frappante : la solidarité flamande avec la Wallonie (et Bruxelles) s'est élevée à 6% du BRP (bruto regionaal product) pendant 50 ans, « avec des résultats quasi nuls ». Celle de l'Allemagne de l'Ouest envers l'Allemagne de l'Est a représenté 4 % du BRP pendant 25 ans... et aurait donné de très bons résultats (bien que ce dernier point soit discutable quand on interroge les Allemands de l'Est, ndlr). Quoiqu’il en soit, pour le VAV, il s’agit d'une « solidarité extrêmement importante et longue de plusieurs décennies de la part de la Flandre, qui ne s'accompagne pas toujours d'une grande loyauté ». 

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.