Un petit coup de fil aux patients peu avant leur rendez-vous peut contribuer à éviter qu’ils ne posent un lapin à leur médecin… et l’IA peut s’avérer une aide précieuse pour identifier les personnes susceptibles de retirer le plus grand bénéfice de ce type de mesure. C’est ce qu’il ressort d’un projet pilote mené à l’hôpital Erasmus MC de Rotterdam.
Les patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous sont un réel problème pour le secteur des soins. Non seulement en effet ces consultations sont-elles « perdues » pour le prestataire et pour les autres patients inscrits sur une liste d’attente, mais les professionnels de la santé perdent aussi un temps précieux à planifier et préparer de nouveaux rendez-vous. les polycliniques de l’Erasmus MC ont enregistré en 2021 pas moins de 42.000 « no shows » sur un total d’un peu moins de 800.000 consultations.
« Les hôpitaux veulent évidemment limiter le plus possible le pourcentage de patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous », commente Arthur Stoof, sector manager des polycliniques de l’établissement « Remplir efficacement le planning de nos polycliniques contribue à résorber les listes d’attente et évite du travail administratif supplémentaire au personnel soignant, sans compter que les « no shows » coûtent évidemment aussi de l’argent à l’hôpital. »
D’après des études antérieures, tous les patients devraient idéalement être recontactés trois jours à l’avance pour leur rappeler leur rendez-vous. Au-delà des oublis, certains manquent leur consultation parce qu’ils ne s’en sortent pas bien avec les outils informatiques ou en raison d’un problème de langue. « Malheureusement, prévoir un rappel par téléphone pour l’ensemble de nos 800.000 consultations serait tout simplement ingérable », explique Josta Knoester, l’une des responsables du projet.
C’est pour cette raison qu’a été développé en collaboration avec le département informatique un modèle prédictif basé sur l’intelligence artificielle, qui décide quels patients nécessitent un rappel téléphonique sur la base de 14 critères. Le système prend notamment en compte les éventuels rendez-vous manqués antérieurs, mais aussi par exemple la distance entre l’hôpital et le domicile ou le temps écoulé depuis la prise de rendez-vous. « Grâce à cette présélection, nous pouvons désormais prévoir un rappel pour les personnes qui en ont le plus besoin », explique l’expert en sciences des données Joris Tukker.
Avantages financiers et autres
Testé dans 24 polycliniques, le modèle prédictif a permis d’identifier 35 % de patients à haut risque de rendez-vous manqué. Ces sujets ont ensuite été répartis en deux groupes, dont l’un a bénéficié de rappels par téléphone et l’autre non.
Les responsables du projet estiment que, sans autres mesures, 75 % des patients sélectionnés par l’IA ne se seraient pas présentés à la polyclinique au moment prévu… et un petit rappel par téléphone s’est avéré bien utile, même s’il ne s’agit clairement pas d’un remède miracle. « Nous avons pu abaisser de 14,3 % le nombre de « no shows », ce qui nous permet d’assurer chaque année 6070 consultations supplémentaires. »
Ces rappels téléphoniques ont un coût, mais celui-ci reste bien inférieur au bénéfice qu’ils génèrent. En effet, si le système de sélection basé sur l’IA et les rappels reviennent à environ 144.000 euros, l’augmentation du chiffre d’affaires grâce aux consultations supplémentaires atteint, elle, 175.000 à 270.000 euros.
Le plus important est toutefois que ce système contribue à préserver l’accessibilité des soins pour un maximum de patients, conclut Arthur Stoof. « Nous voulons donc introduire ce modèle dans d’autres polycliniques de l’Erasmus MC… mais d’autres établissements aux Pays-Bas et ailleurs en Europe pourraient également retirer un bénéfice de cette approche. »