Pour sa 8e édition, la Tournée minérale invite pendant le mois de février, les participants à faire une pause dans leur consommation d'alcool et en mesurer tous les bénéfices. Près de 20% de la population adulte y participe en Belgique. Mais comment les généralistes peuvent en profiter pour aborder le sujet avec leurs patients ?
Pour les médecins, il s’agit d’une occasion de parler de la consommation d’alcool à leur patient quand on sait, à titre d’exemple, que le poids des gènes dans la maladie de l’alcool est de 40 à 70%. Une enquête menée par l’UGent a révélé que 9 participants sur 10 ont ressenti au moins un des effets positifs d’un mois sans alcool : moins de fatigue, un meilleur sommeil, une perte de poids, une peau en meilleure santé....
Le Dr Nathalie Tilmant, généraliste et addictologue au centre ambulatoire d’addictologie chez Solaix à Arlon et à Bastogne, le reconnaît : "Cette campagne nous permet d’introduire le sujet et d'amener à une réflexion sur la consommation, d’inciter les personnes à s’interroger. »
Un sujet trop sensible ?
Avec une affiche dans la salle d’attente ou en posant la question, la conversation s’amorce plus facilement : “Cela est d’autant plus intéressant que la campagne ne culpabilise pas, ne diabolise pas.”
Le Dr Thierry Wathelet, généraliste et alcoologue revient aussi sur un élément important : « Les études ont montré que trois éléments ne permettaient pas au médecin de poser la question de l’alcool à leur patient : ils trouvaient que c’était un sujet trop sensible et qu’ils ne se donnaient pas le droit de la poser. Enfin, ils ne se sentaient pas suffisamment formés pour poser la question et ils ne savaient pas toujours à qui renvoyer le patient quand ils avaient constaté la problématique d’alcool. »
Dans cette discussion, il est essentiel d’aborder la question de la mesure standard: les unités d’alcool. «Une bière: est-ce une Chimay bleue, une Gordon 12 ou une Jupiler? Il est important de rappeler qu’il n'y a pas d'alcool fort. Un verre de whisky de 3,5 cc ou un verre de bière de 5 degrés à 25 cl, c’est la même valeur en termes d’unité et d’alcool ingéré. Par ailleurs, la population de jeunes médecins est plus drillée à aborder cette problématique parce qu’ils sont davantage dans un processus de prévention automatique et de prise en charge globale de la santé. »
Deux dangers
Le Dr Wathelet attire aussi l’attention sur un danger: « Les patients alcoolodépendants risquent d’arrêter brutalement sans encadrement. Une personne qui est dépendante a un risque de complication comme par exemple le delirium tremens. L’alcool reste la seule drogue dont le sevrage peut être mortel.»
L’autre risque de cette campagne étant que certains patients peuvent croire que parce qu’ils arrivent à arrêter de boire un mois, ils peuvent continuer à consommer. « Il faut arriver à ne pas consommer plus de 10 unités par semaine : consommer un peu d’alcool peut déjà mettre la santé en danger. »
Enfin , il note que "le seul élément « Evidence Base Médecine » reconnu, comme étant efficace dans la dépendance, c’est le maintien d’un lien thérapeutique. Pour le maintenir, il faut donc le créer et poser la question. Parfois, les patients se disent « si le médecin ne m’en parle pas, c’est que ce n’est pas trop grave ». C’est une mission du généraliste d’être attentif à cet aspect. Le médecin n’est pas là que pour soigner une plainte, mais aussi pour permettre un dialogue sur des éléments de prévention. »
> L'affiche de salle d'attente
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