La décision de Maggie De Block de suspendre l'arrêté relatif au dépistage du cancer du sein ne fait pas que des heureux. "C’est avec stupéfaction que la Société Belge de Radiologie (SBR) a pris connaissance des remous entourant l’introduction de la nouvelle nomenclature de la mammographie, qui aurait en principe dû entrer en vigueur au 1 er avril 2018", indique le Dr Geert Villeirs, président de la SBR, par voie de communiqué.
"Ceux-ci ne sont certainement pas sans lien avec la vague de désinformation qui s’est récemment propagée sur les médias sociaux, mais la confusion qui existe encore dans bien des esprits entre les examens médicaux qui s’inscrivent dans un cadre diagnostique et ceux qui touchent à la prévention du cancer du sein a sans doute également eu un rôle à jouer".
La SBR souhaite donc faire valoir ses arguments en faveur de la nomenclature publiée il y a quinze jours.
- Le diagnostic est indiqué chez les femmes qui présentent des symptômes susceptibles de trahir une tumeur mammaire . Dans ce groupe, la probabilité de découvrir une malignité est en effet bien réel et il est important que la technique d’examen choisie offre les meilleures garanties qu’elle soit effectivement identifiée. La mammographie diagnostique sera alors fréquemment combinée avec un examen clinique, des clichés mammographiques supplémentaires (p.ex. par « tomosynthèse »), une échographie ou une IRM. Cette batterie d’examens accroît les chances de découvrir une éventuelle tumeur, mais aussi les risques de « fausse alerte » – comprenez, de résultats d’imagerie anormaux qui donneront lieu à une biopsie alors qu’il n’est en réalité pas question d’un cancer. Dans un cadre diagnostique, ce risque est toutefois acceptable, puisque la patiente présente déjà un symptôme dont l’origine doit être clarifiée. Il en va tout autrement dans le cadre de la prévention.
- Les femmes qui se présentent pour un examen de dépistage n’ont aucun symptôme et l’immense majorité d’entre elles (> 99 %) ne souffrent pas non plus d’un cancer du sein. Évidemment, elles n’en ont pas moins le même droit que les autres à des résultats d’examens corrects, en particulier lorsqu’ils sont « normaux ». Il convient donc de soigneusement peser les bénéfices d’une identification maximale des tumeurs en regard des risques de « fausse alerte » (avec l’anxiété voire les traitements inutiles qui en découlent). Or de nombreuses études scientifiques sont parvenues à la conclusion que le modeste bénéfice supplémentaire obtenu en termes de détection de tumeurs supplémentaires en associant à la mammographie de dépistage d’autres techniques (telles que l’échographie) ne fait pas le poids en regard du nombre important de « fausses alertes ». C’est pour cette raison que toutes les recommandations en matière de dépistage (notamment aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Europe, en Grande-Bretagne, en France et en Belgique) préconisent d’utiliser uniquement la mammographie comme examen de dépistage, les examens supplémentaires étant réservés à une exploration plus poussée en cas de résultat déviant à la mammographie ou au dépistage chez les femmes qui présentent un risque fortement accru (p.ex. parce qu’elles sont porteuses d’une anomalie génétique).
L’adaptation récente de la nomenclature en radiologie mammaire répondait à ce consensus scientifique, en réservant la nomenclature diagnostique aux vrais actes diagnostiques et en faisant obstacle à l’usage inapproprié de la mammographie diagnostique (dont le prix est de 50 % plus élevé) à des fins de dépistage de masse. L’échographie restait possible, mais ne pouvait plus être facturée comme « examen de dépistage » supplémentaire. En outre, la nouvelle nomenclature prévoyait une double lecture obligatoire de chaque dossier de dépistage (évaluation distincte par deux radiologues indépendants) et autorisait toujours un dépistage personnalisé (éventuellement avec échographie ou IRM complémentaire) chez les femmes avec un profil de risque sensiblement accru.
Toutes ces mesures reposaient sur le consensus scientifique international. Dans la mesure où il n’existe pas de consensus en faveur d’un dépistage chez les femmes de moins de 45 ans ou de plus de 75 ans, ces groupes n’ont – à juste titre – pas été retenus dans la nouvelle nomenclature (sauf risque fortement accru). En plus de clarifier la nomenclature et de lui assurer des fondements scientifiques plus judicieux, le législateur visait également à parvenir à une utilisation plus efficiente des budgets disponibles. Le montant qui a, pendant des années, été injustement consacré à la mammographie diagnostique et à l’échographie dans le cadre du dépistage peut à présent être investi dans un appareillage numérique plus performant.
La Société Belge de Radiologie déplore donc au plus haut point que la nouvelle nomenclature de la mammographie ait été mise « en veilleuse » et espère que la ministre Maggie De Block pourra malgré tout introduire rapidement cette nomenclature reposant sur une application correcte du consensus scientifique international et sur une utilisation plus efficiente des budgets disponibles.