La qualité de la formation des futurs spécialistes sous la loupe (Rapport)

Un rapport publié juste avant le week-end par le SPF Santé publique s’intéresse à la qualité de la formation des futurs spécialistes. Il expose de manière quelque peu lénifiée des lacunes pourtant importantes. Les associations de médecins en formation réagissent plutôt durement. Elles avaient déjà par le passé tiré la sonnette d’alarme.

Le SPF Santé publique vient de publier un volumineux rapport sur la qualité de la formation des futurs médecins spécialistes. A lire ses conclusions, on pourrait croire à première vue à une relative satisfaction de l’ensemble des acteurs concernés : candidats spécialistes, maîtres de stage, maîtres de stage coordinateurs. Compétences des maîtres de stage, qualité de l’offre d’activités, bonnes pratiques, sont mises en avant.

En réalité, les choses ne vont pas si bien que cela. Ainsi la connaissance insuffisante de la législation en vigueur est pointée du doigt. C’est un des chevaux de bataille de la Délégation des Médecins Francophone en Formation (DeMeFF), qui se bat depuis le début de son existence pour la mise en conformité du statut du médecin en formation avec la législation européenne. Il ressort également de l’enquête que le rôle des équipes de formation n’est pas encore clairement défini par la loi. Et le portfolio électronique, qui parmi d’autres avantages permettrait un bon suivi de la formation, est sous-exploité.

Les médecins en formation de spécialistes souhaitent davantage de moments d’apprentissage. Les syndicats médicaux – ABSyM et Algemeen Syndicaat - partagent cette vision de l’insuffisance de la formation, nous dit le Dr Jacques de Toeuf. Les maîtres de stage n’y consacrent pas assez de temps et il n’existe pas de normes. « Et avec les nouvelles réglementations sur le temps de travail, on assiste à des pertes de capacité de formation. La journée finissant à heure fixe, le candidat n’est plus suffisamment confronté aux situations d’urgence, qu’il ne rencontre plus que lorsqu’il est de garde ».

De leur côté, les maîtres de stage déplorent eux aussi ce manque de temps pour remplir leurs rôles. Les médecins spécialistes en formation, eux, ressentent une faiblesse dans le respect et dans la reconnaissance du travail accompli. Ils regrettent ce que la Délégation appelait déjà dans une lettre de janvier 2022 « la double subordination » : le formateur est aussi l’employeur.  Le suivi de la qualité de la formation est perfectible, lui aussi. Spécialistes formateurs et spécialistes en formation souhaitent des visites indépendantes venant de l’extérieur pour évaluer la qualité des stages. En cas de problème de qualité, les futurs spécialistes ressentent une difficulté à prendre des initiatives et à communiquer. ». Il manque d’un lieu où les doléances des deux parties puissent être entendues. « La difficulté va dans les deux sens » fait remarquer le Dr de Toeuf. « Lorsqu’on est amené à constater l’inaptitude d’un candidat dont le plan de stage a été agréé, il est extrêmement difficile de mettre fin à son parcours ». Le rapport propose des pistes d’amélioration qui s’articulent autour de trois axes : clarifier les rôles et responsabilités des acteurs de la formation, renforcer l’encadrement et le suivi, améliorer la gestion de la qualité.

La Vlaamse vereniging voor arts-specialisten in opleiding (VASO), équivalent néerlandophone de la DeMeFF, n’est pas tendre : « le rapport appuie du doigt sur quelques  points douloureux » écrit l’association dans un communiqué. « Nous demandons depuis des années une évaluation objective de la qualité de la formation. C’est ce qu’on voit faire dans les pays voisins mais cela n’existe pas chez nous » dit le président de la VASO, le Dr Jonas Brouwers. Pour lui, certains problèmes, telle la durée des heures de prestation, ne sont pas nouveaux. « Par exemple, près d’un médecin sur trois en formation dépasse la durée de prestation légale. Ou bien les besoins pratiques du service passent avant une formation de qualité et il n’y a pas de temps prévu pour la formation scientifique. Dans plus d’un cas sur dix, la supervision du médecin en formation est assurée par un autre médecin que le maître de stage. Et la liste des griefs est longue…  Le Dr Alexandre Nizet, de la Délégation des Médecins Francophone en Formation, dit être globalement d’accord avec la VASO. Il considère que ce rapport était nécessaire mais que les conclusions sont trop faibles. « C’est une première étape. Il faudra aller plus loin et mettre toutes ces choses à plat », nous dit-il. La Délégation prépare un communiqué qui devrait être diffusé très prochainement.  

Pour en revenir au rapport, celui-ci souligne lui aussi la nécessité de poursuivre le dialogue avec les acteurs de terrain. Ce travail est en cours : le Conseil supérieur des Médecins spécialistes et des médecins généralistes s’est déjà attelé à la tâche de rédiger une nouvelle mouture du cadre de formation. La Commission paritaire Médecins/Hôpitaux a demandé aux maîtres de stage de communiquer leur ressenti concernant les nouvelles conventions collectives. Les hôpitaux se penchent aussi sur la question et une enquête de l’ABSyM vient d’être lancée. Il en résultera sans nul doute que le rapport sera recadré. Alors il pourra servir de base à une vraie réforme de la formation. Et comme l’ont tweeté certains médecins « une bonne qualité de la formation, c’est aussi une bonne qualité des soins ».

> Découvrir le rapport

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