A la suite de l’agression d’un MG en région bruxelloise, Sophie Roelandt – fille du généraliste Patrik Roelandt, assassiné fin 2015 par un patient – prend la plume. En cofondatrice du PRaag («Patrik Roeland anti-agressie groep»), elle expose les demandes juridiques concrètes (réquisition d’une assistance policière, évolution du secret professionnel partagé…) de cette organisation flamande dont les préoccupations rejoignent bien sûr celles des confrères francophones.
«En anglais, l’expression ‘the elephant in the room’ désigne un problème grave et évident dont tout le monde fait mine de nier l’existence. La sécurité des généralistes et des autres prestataires de soins est l’un de ces tabous qui devraient d’urgence bénéficier de toute notre attention.
Comme le disait si bien feu le Dr Patrik Roelandt, combien de morts ou de blessés graves faudra-t-il encore déplorer parmi les soignants avant que le secteur médical et ses propres organisations et responsables ne se décident à réclamer des comptes aux patients, à la société et aux autorités? Quand allons-nous enfin mettre en place un ensemble de solutions et de mesures de prévention dignes du 21e siècle (avec une législation adaptée et des outils technologiques et informatiques) plutôt que de nous retrancher derrière une vision complètement dépassée du secret professionnel héritée du 19e siècle de Napoléon ou derrière une législation en matière de vie privée et de droits du patient qui, pour être plus récente, n’en est pas moins complètement défaillante?
Pour ses proches, le décès du Dr Patrik Roelandt (01/12/2015) a été un réveil brutal qui a débouché sur la création du groupe d’action PRaag – une organisation qui a pour but principal d’analyser cet ‘éléphant’ et de le faire disparaître de la pratique médicale quotidienne en collaboration avec les ordres professionnels, les associations de médecins, Domus Medica (l’équivalent flamand de la SSMG, avec aussi une aile syndicale et «cercliste», ndlr) et les autres sympathisants. Aucun soignant ne devrait laisser la vie au nom d’obligations légales et professionnelles inadaptées! Dans notre liste d’exigences et sur notre site internet figurent une série de demandes juridiques concrètes à l’attention des autorités et de l’Ordre des médecins.
Liste d’exigences juridiques du PRaag: |
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Voir aussi le dépliant reprenant la liste d’exigences intégrale. |
Depuis le décès dramatique du Dr Patrik Roelandt, plusieurs agressions criminelles similaires ont déjà été relayées par les médias, en particulier:
- l’agression à l’arme blanche intervenue dans un hôpital psychiatrique de Schaerbeek en janvier 2016, dont quatre des sept victimes ont été un temps en danger de mort;
- l’agression dont a été victime un médecin de famille liégeois, également en janvier 2016;
- le décès récent (juin 2016) d’un soignant à domicile de Heusden-Zolder, brutalement assommé par un patient psychiatrique en fuite. Deux autres victimes ont été transportées à l’hôpital dans un état critique;
- l’agression au couteau sur la personne d’un médecin homéopathe de Forest, ce 18 août.
Douze cas de violence à l’encontre de médecins ont en outre été notifiés au point de contact en ligne de l’Ordre (lire par ailleurs sur ce site «Sécurité des médecins: l’Ordre centralise les notifications d’agression») au cours des derniers mois, d’après le Dr Michel Deneyer, vice-président flamand du Conseil national.
Au-delà de la vague d’indignation publique suscitée par chacun de ces incidents, il est temps de prendre le taureau par les cornes. Le problème n’est pas neuf et il est frappant de voir combien il fait fréquemment intervenir des patients présentant des facteurs de risque connus (abus de substances, casier judiciaire, antécédents d’hospitalisation psychiatrique…) et chez qui un comportement violent était donc prévisible.
Le PRaag estime que ces patients à risque devraient être mieux suivis et dépistés, tant par le corps médical que par la justice et la police. On pourrait notamment utiliser pour ce faire le dossier eHealth, auquel il est possible d’ajouter des remarques, des informations sur les antécédents et même éventuellement une analyse du risque.
En parallèle, les autorités devraient d’urgence rendre possible une communication préventive directe entre les services de police et de justice (casier judiciaire) et les cercles de médecine générale et l’Ordre des médecins, qui s’inscrirait dans le cadre d’un secret professionnel partagé et donc modifié. Domus Medica se chargera à cette fin d’organiser une formation de coordinateur de la sécurité (qui se tiendra le 24/09/2016 sur le site de la haute école Odisee, Campus Waas) et une concertation avec la police (le 26/11/2016).
Notre but n’est pas de dresser des listes noires ou de renoncer aux droits des patients qui sont aujourd’hui acquis, mais plutôt de garantir également le droit fondamental à la vie des personnes qui se chargent de protéger et de défendre celle des autres. Les autorités et les patients eux-mêmes ont tout à gagner à des soins de première ligne plus sûrs et plus efficaces.»
Texte rédigé par Sophie Roelandt, 20/08/2016