La note-cadre de réorganisation de la 1ère ligne de soins en Wallonie a été validée par le gouvernement régional. Elle est tissée de (bonnes) intentions fédératrices dont on ne sait encore grand-chose de l’application concrète, de type avènement futur d’un Assisteo ou encouragement aux maisons médicales surtout rurales. Ou - un peu moins couru - soutien aux communes à développer des « logements tremplins » pour étudiants et assistants médecins.
Outre la note-cadre sur l’assurance autonomie (lire par ailleurs sur ce site « Assurance autonomie wallonne : la cotisation fixée à 50 euros/an »), le 21 juillet, Maxime Prévot a soumis à ses pairs une note-cadre visant à réorganiser la 1ère ligne de soins wallonne. On ne vous l’apprend plus, en vertu de la 6ème réforme de l’Etat, cette organisation et les instruments de soutien aux professionnels concernés ont été confiés à la Région.
Le ministre régional de la Santé dit avoir souhaité améliorer les dispositifs hérités du Fédéral et mieux faire cadrer ce niveau de soins avec l’évolution du système de santé dont il cite trois caractéristiques déterminantes : une complexification (de la gestion) des problèmes de santé notamment en ce qui concerne les maladies chroniques, une pénurie de MG avec une offre estimée insuffisante dans 123 communes [sur 262, ndlr] essentiellement situées dans le sud du Hainaut, du Namurois et en province de Luxembourg (voir carte) et un accès aux soins encore trop inégal entre couches de la population, « phénomène qui a tendance à s’amplifier ».
Encore faut-il des décisions au Fédéral…
La note-cadre s’efforce de répondre à cette donne, quoi que toutes les cartes ne soient pas dans les mains de la Région. Pour qu’il y ait efficacité des politiques envisagées, prévient le ministre cdH, il faudra en effet qu’elles puissent « s’articuler aux mesures à prendre aux niveaux fédéral et communautaire ». Et de citer des exemples tous liés à la médecine générale : « la valorisation de la filière généraliste dans le cursus, la possibilité d’augmenter les quotas pour la médecine générale, la garantie de mesures pour rendre la garde plus acceptable ».
Ce qui est proposé à échelle wallonne tient en trois points, qui ne sont pas de réelles surprises : encourager la prise en charge intégrée des patients et la collaboration multidisciplinaire, développer l’offre de soins dans les zones en pénurie (c’est-à-dire avec moins de 90 MG par 100.000 habitants, ou moins de 125 habitants/km² et moins de 120 MG pour 100.000 habitants, ou zone d’action positive des grandes villes ), et mieux informer tant les citoyens que les acteurs sur les dispositifs existants – ce pour quoi l’AViQ sera mise à contribution.
Un Assisteo au stade de déclaration d’intention
Pour booster une prise en charge intégrée (et la saupoudrer au passage de davantage de préventif), le ministre annonce un modèle Assisteo, venant s’ajouter aux Impulseos, à partir de 2017. L’idée est, dit-il, de renforcer la complémentarité du binôme médecin-infirmier. L’heure est à la promotion du transfert de tâches : les infirmiers, assure le cabinet, « sont tout à fait en mesure de réaliser certains actes médicaux délégués comme les prises de sang, la vaccination, la surveillance de la glycémie, la prise de paramètres… » et, partant, de dégager du temps pour que le MG se (re)concentre sur son core business.
Contrairement aux dispositifs Impulseos, dont les montants sont rappelés dans la communication du ministre régional, les modalités pratiques et pécuniaires d’Assisteo ne sont pas précisées à ce stade. Des discussions interministérielles devraient intervenir à la rentrée. La question de la cession d’actes, peut-être routiniers, certes, et sans grand défi intellectuel mais aussi bien honorés qu’une consultation longue et complexe, risque toujours d’être ressentie par certains comme un manque-à-gagner. Comment la fonction d’assistant de pratique sera-t-elle financée, exactement ? Et s’agira-t-il d’un nouveau métier ? Ce point n’est pas tranché au Fédéral. Faute de détails plus pragmatiques, citer comme un « incitant supplémentaire » à l’installation à la campagne le fait que ce partenariat intensifié avec un infirmier pourrait augmenter l’efficience des soins de première ligne est peut-être un brin optimiste…
Impulseos préservés, moins le prêt
Toujours au rayon intégration des soins et collaboration plus étroite, le ministre évoque les six projets pilotes wallons retenus début juillet et dont la conception sera financée (lire par ailleurs sur ce site « Soins intégrés aux malades chroniques: 16 projets pilotes sélectionnés »), en précisant que cinq autres verront leur candidature réexaminée en septembre. Le développement des ASI (les associations de santé intégrées, soit des maisons médicales) que Maxime Prévot encourage relève aussi de cette approche multidisciplinaire. « Ce soutien s’exprimera notamment au travers d’agrément et de subsides », indique le ministre en sortant trois autres éléments classiques de la boîte à outils : l’échange électronique des données, le développement des télé-pratiques et l’utilisation d’outils communs (« comme le BELRAI »).
Pour développer l’offre de soins dans les zones en pénurie, la note-cadre prévoit le maintien des Impulseos. Ainsi, les MG qui vissent leur plaque dans les communes en disette pourront toujours bénéficier d’une prime de 20.000 euros dès lors qu’ils s’installent pour au moins cinq ans. Le prêt à taux zéro, en revanche, passe à la trappe. Justification : « loin de rencontrer un succès fracassant (moins de 30 prêts demandés en 2015), cet avantage ne répondait pas à un besoin du secteur, en raison notamment des taux bancaires du moment, particulièrement bas ». Enfin, les Impulseos II et III, qui soutiennent l’aide administrative, sont préservés tels qu’ils existaient au Fédéral. En résumé, pas de changement et une disparition.
Logements tremplins pour futurs médecins
Deux mesures sentent moins le déjà vu. Il s’agit d’une part d’un appui spécifique au développement des ASI en milieu rural grâce à la mobilisation de moyens disponibles via le Plan wallon de développement rural et l’exploitation de possibilités de cofinancement Wallonie-FEADER (le Fonds européen agricole pour le développement rural). D’autre part, Maxime Prévot annonce sa volonté de soutenir les communes, en collaboration avec René Collin, ministre de la Ruralité, dans la création de logements pouvant accueillir des stagiaires et des assistants MG pour les inciter à s’ancrer à la campagne. On travaillerait selon le principe des logements tremplins, c’est-à-dire des habitations louées par une commune à des jeunes pour un loyer en-deçà du marché, afin d'augmenter leur capacité d'épargne ; un pourcentage du loyer leur est restitué s’ils achètent ou construisent ensuite dans la commune. Autre axe de travail futur : l’encouragement à la création de « cabinets ruraux » favorisant les pratiques groupées.
Enfin, transversalement, Maxime Prévot souhaite instaurer une culture d’évaluation des dispositifs et promet un système mis en œuvre à cette fin dès 2017.