COVID-19 : l’Ordre des Médecins est loin de la chasse aux sorcières (Pr C.Melot)

Les condamnations par le Conseil de l’Ordre pour comportements inadéquats face au COVID ne sont pas exceptionnelles mais il convient de nuancer fortement. Entretien avec le Pr Christian Melot, Vice-Président francophone du Conseil de l’Ordre.

Il est difficile de réunir des statistiques concernant toutes les provinces pour l’année en cours mais les chiffres de 2021, en plein cœur de la crise sanitaire, donne un reflet de la situation. En 2021, il y a eu 22 sanctions et 145 classements de plaintes liées à la COVID 19. En fin de compte, c’est relativement peu, nous explique le Pr Melot, si l’on sait qu’en Belgique, il y avait en mars 2022, 61525 médecins inscrits à l’Ordre. Encore faut-il ajouter que la gravité des sanctions varie de l’avertissement, la censure ou la réprimande pour les sanctions mineures à la suspension temporaire d’une durée variable (de quelques jours ou semaines à deux ans) pour les sanctions majeures.

Quels sont les motifs des plaintes déposées auprès de l’Ordre concernant la COVID ?

Pr Melot : Les objets des plaintes sont relativement variés et vont du non-respect des mesures recommandées face à la COVID, à des déclarations anti-vaccination en public, en passant par des propos complotistes, des médications inappropriées, des prises de position non fondées via des tribunes dans la presse et sur les réseaux sociaux, les lettres d’information… Il y a aussi les certificats de complaisance liés au mesures COVID, (port du masque p. ex.) ou encore les faux certificats (affirmer par exemple une négativité pour permettre à une personne positive de prendre un vol).

La position de l’Ordre National des Médecins a-t-elle évolué face à la crise sanitaire depuis son début ?

Pr Melot : Le conseil National de l’Ordre a émis voici un an et demi un avis sur les « Aspects déontologiques relatifs au programme de vaccination contre la Covid-19 » (avis du CN du 23 janvier 2021, a168002). Le point de vue de l’Ordre n’a pas changé depuis. A signaler qu’une dizaine de recours en suspension et en annulation ont été introduits devant le Conseil d’Etat contre l’avis du Conseil National. Tous ont été rejetés.

Sur quels principes éthiques s’appuie l’Ordre pour statuer devant une plainte ?

Pr Melot : Sur le plan éthique, on peut distinguer deux axes. Le premier est celui de la gestion privée et concerne la bénéficience et l’autonomie. Pour la bénéficience, il s’agit de contribuer au bien du patient et dès lors d’encourager la vaccination, le respect des mesures d’isolement, tout en prenant en compte la situation de santé personnelle de celui-ci. On doit aussi tenir compte de son autonomie (respecter son choix du patient) mais en l’informant correctement.

Le deuxième axe éthique est celui de la gestion publique. Il est question de non-maléficience des effets secondaires des vaccins et médicaments et de justice distributive. La non-maléficience sous-entend la surveillance et la déclaration des effets indésirables des antiviraux administrés, ou de tout autre événement potentiellement nuisible …). Concernant la justice distributive, il faut assurer l’accès aux soins, à l’hospitalisation, à la vaccination… pour tous les patients.

C’est donc dans ces attitudes que se situe le respect de la déontologie ?

Pr Melot : Cela ne suffit absolument pas. La déontologie comporte encore des aspects spécifiques. Ainsi, le médecin doit s’interdire de diffuser des informations qui, au regard des acquis de la science, sont manifestement fausses. Dans sa prise de parole, le médecin doit distinguer clairement ce qui relève de ses convictions personnelles et de ses connaissances médicales. Ses analyses doivent être rigoureuses et ses propos nuancés. Il doit mentionner ses liens d’intérêts susceptibles de faire naître un doute quant à son impartialité. Enfin, le médecin doit se souvenir que l’application d’un traitement à un patient particulier requiert toujours de prendre en considération sa situation de santé personnelle. Pour toutes ces questions, je vous renvoie à deux avis bien précis du Conseil National (NDLR : références en fin de texte).

Vu de l’extérieur, on pourrait avoir l’impression d’une relative variabilité dans le choix des sanctions. Qu’en est-il ?

Pr Melot : Les principes de référence qui viennent d’être énoncés sont unanimement considérés à travers toutes les provinces. Il se peut toutefois que les sensibilités soient légèrement différentes d’un endroit à un autre. Il y a aussi la perception individuelle des membres des différents conseils. Les sanctions sont en effet proposées par vote individuel secret pour chaque affaire, ce qui pourrait expliquer des nuances d’une décision à une autre.

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    • Avis a168002 du 23/01/2021 : Aspects déontologiques relatifs au programme de vaccination contre la COVID 19.
    • Avis a168011 du 04/06/2021 : Communication en temps de crise sanitaire

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