En négociant un prix juste et transparent avec le secteur pharmaceutique pour certains médicaments, la Belgique pourrait économiser jusqu'à un milliard d'euros par an au bénéfice de la sécurité sociale, ressort-il jeudi d'une étude de la mutualité Solidaris, qui dénonce "les surprofits du 'Big Pharma'".
En Belgique, l'assurance maladie dépense plus de 5,4 milliards d'euros par an pour le remboursement des médicaments, sur un budget total de près de 32 milliards pour les soins de santé. Mais certains nouveaux médicaments coûtent de plus en plus cher, en particulier les nouveaux traitements contre le cancer (plusieurs dizaines de milliers d'euros par patient par a n) et pour les maladies rares (plusieurs centaines de milliers d'euros).
Et ces prix ne font qu'augmenter, selon Solidaris. "Non pas parce que les coûts augmentent, mais parce que les firmes pharmaceutiques en demandent toujours plus et que l'État n'est pas en mesure de bien négocier", précise Anne Hendrickx, conseillère médicament chez Solidaris et membre de la Commission de remboursement des médicaments (CRM), où siègent des représentants du gouvernement, de l'industrie pharmaceutique, des mutuelles, des prestataires de santé et des experts scientifiques.
Négociations à huis clos, opacité sur le financement de la recherche et les coûts réels de production des médicaments, poids de l'industrie pharmaceutique en Belgique... "Les prix toujours plus élevés de certains médicaments ne sont pas du tout maîtrisés", ajoute Anne Hendrickx.
Pour contrer ce manque de transparence, Solidaris a développé un "calculateur de prix juste" en collaboration avec l'Association internationale de la Mutualité. Selon cet outil, basé sur les coûts estimés des fabricants et des marges jugées raisonnables, "la Belgique paye entre cinq et dix-huit fois le prix juste pour les médicaments contre le cancer et les médicaments orphelins, et jusqu'à trois fois le prix pour les traitements les plus répandus", indique Solidaris.
Afin de sensibiliser le grand public et les dirigeants à ce déséquilibre, la mutualité socialiste lance une grande pétition qui sera déposée au parlement fédéral afin d'ouvrir le débat sur le "juste prix des médicaments".
Solidaris demande également que l'État profite de la présidence de l'Union européenne, que la Belgique exercera au premier semestre 2024, pour lancer le débat sur la mise en œuvre d'un "modèle de prix européen juste", la Belgique ne pouvant appliquer seule des prix transparents et aussi bas.
"Cette campagne est indispensable à mener. Le système de remboursement des médicaments tel qu'il est conçu aujourd'hui favorise le secteur pharmaceutique, dont le surprofit atteint des records. Au vu du contexte social et économique, il est indispensable d'aller chercher les moyens là où ils sont", estime le secrétaire général de Solidaris, Jean-Pascal Labille.
De son côté, l'industrie pharmaceutique rappelle que "le prix et le remboursement d'un médicament sont déterminés dans un cadre juridique strictement défini".
Le gouvernement peut par ailleurs obtenir des remises importantes, pouvant aller jusqu'à plus de 40%, par le biais de conventions temporaires visant à rendre le médicament rapidement accessible pour le patient et permettre à l'entreprise pharmaceutique de prouver la valeur du médicament dans un contexte réel, affirme le secteur, représenté par pharma.be.
"Il en résulte une baisse considérable des coûts nets des médicaments innovants. En 2022, le budget consacré aux médicaments n'a pas été dépassé, en partie grâce à ces conventions", conclut pharma.be.
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