Je me libère des écrans!: le dernier livre du Dr Caroline Depuydt

Ils sont partout. Au cœur de notre quotidien, ils nous enveloppent de leur lumière bleue. Amis ou ennemis ? Psychiatre, autrice de deux livres, Bien dans ma tête et J’arrête d’en faire trop ! aux éditions Kennes, la Dr Caroline Depuydt, cheffe de service à la clinique Fond’Roy, directrice médicale adjointe d’Epsylon ... mais également TikTokeuse, a décidé de se pencher sur la question dans son dernier ouvrage : Je me libère des écrans ! - Le guide d'une psychiatre pour maîtriser sa consommation digitale.

Le lien est évident dans son travail littéraire entre les différents ouvrages : « Je suis toujours attentive à prendre le pouls de ce qui se passe dans notre société, parmi mes patients et mon entourage. Sur la question des écrans, les gens oscillent entre inquiétude et une certaine culpabilité. » Elle a rencontré des parents débordés qui ne savent plus comment renouer le dialogue en famille autour de cette question. « À cela s’ajoute la question des troubles du sommeil liés à la manière dont les écrans sont consommés. »
Ce constat, elle l’a enrichi d’un travail de recherche : « J’ai remarqué que les livres ou les émissions qui en parlaient étaient très clivants, très diabolisants. C’est contre-productif. En plus, cela ne représente pas la réalité, car les écrans font partie de notre vie. Ils nous apportent aussi beaucoup de choses positives. Au lieu de vouloir s’en échapper, il convient d’apprendre à les utiliser et de comprendre leur fonctionnement pour mieux prévenir les risques d’addiction. »

Sommeil et anxiété

Ce livre va interpeller les soignants : « Les médecins devraient poser plus facilement la question lorsqu’ils sont face à un patient souffrant de troubles du sommeil ou d’anxiété. »
Les écrans font inévitablement partie de notre culture, mais se différencient de l’alcool : « La grande différence, c’est que l’alcool est un produit addictif en soi, une drogue. Si quelqu’un consomme une quantité d’alcool tous les jours, il finira par devenir dépendant. Alors que les écrans sont un outil, mais si on les utilise mal (en termes de qualité) ou trop (en quantité), cela peut se retourner contre nous. Cela peut devenir une addiction ou une source d’anxiété. »

Autre nuance importante, nous ne sommes pas tous égaux face aux écrans : « Nos fragilités sont différentes, notamment sous l’aspect génétique. Certaines personnes ont un profil plus à risque de devenir addict. Il faut aussi prendre en compte les fragilités personnelles et sociétales : difficultés professionnelles, familiales, psychiques. Toutes ces fragilités, associées à une consommation excessive d’écrans, augmentent le risque de dépression et d’anxiété. Cela peut également entraîner des pertes d’estime et de confiance en soi. Or, les réseaux sociaux ne sont pas propices à restaurer cette confiance. Cela peut donc déboucher sur des crises, des décompensations ou une aggravation de l’état mental. »

Addiction ou pas : le médecin pose des questions

Mais comment le médecin peut-il aborder la question ? « Si la personne évoque spontanément ce problème en consultation, il faut prendre le temps d’en parler à travers des questions claires : êtes-vous capable de vous arrêter ? Cet usage a-t-il des conséquences négatives sur votre vie professionnelle (retards au travail...) ou privée (problèmes de couple, baisse des résultats scolaires...) ? Avez-vous un usage normal ou important, mais encore fonctionnel ? Ressentez-vous un malaise psychique lorsque vous ne pouvez pas vous connecter (palpitations, nervosité...) ? Êtes-vous dans une situation d’addiction ? L’addiction aux écrans n’est pas encore une pathologie reconnue, mais le médecin rencontre souvent des patients avec un usage problématique. »

À ajouter dans le cursus des médecins

Le psychiatre, comme les autres médecins, n’a pas encore une formation spécifique à ce problème dans son cursus. « Il y a encore trop peu d’informations à ce sujet dans les cursus de médecine. »

Par ailleurs, le médecin est-il à risque d’addiction, comme avec l’alcool ou d’autres substances ? « Le médecin est un citoyen comme les autres. Les jeunes médecins très connectés doivent rester vigilants. Toutefois, je me veux rassurante sur un point : nous travaillons de nombreuses heures, et durant ce temps, en théorie, nous n’avons pas l’opportunité de "passer du temps sur les écrans". Quand j’en parle avec des collègues, ils expriment plutôt la sensation de se connecter "plus que ce qu’ils ne le voudraient". »

Des solutions concrètes

Le livre aborde aussi la question des solutions. Y a-t-il des recommandations comme pour l’alcool (10 verres par semaine, pas plus de 5 par jour et 2 jours sans alcool) ? « Pas à ce stade pour deux raisons. Tout d’abord, la pathologie n’est toujours pas reconnue. Ensuite, les écrans en soi ne sont pas addictifs ; c’est plutôt la manière dont on les utilise qui a un impact sur la santé. »

Les conseils sont précis : « Chaque personne doit instaurer des rituels sans écran. Le matin, par exemple, il faut être capable de se lever, de se brosser les dents et de déjeuner sans avoir déjà regardé son téléphone. Même chose le soir : il est important d’avoir une heure sans écran avant de se coucher. Cela permet de s’endormir plus sereinement, car les écrans sont souvent source de stress. La lumière bleue a aussi un impact sur la production de mélatonine, sans oublier le défilement infini des contenus. En famille, il est essentiel de créer des moments d’échange sans écran, par exemple lors des repas. La technoférence (l’interférence de la technologie) dans les relations montre que, chez les jeunes enfants, elle peut entraîner un retard dans l’acquisition du langage. »

Je me libère des écrans ! - Le guide d'une psychiatre pour maîtriser sa consommation digitale
par Dr Caroline Depuydt | Éditions Racine

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