Un semainier qui alerte une centrale de télévigilance si les comprimés qu’il libère ne sont pas prélevés, de sorte à ce que l’opératrice appelle le patient pour voir si tout est OK. C’est là le fonctionnement d’un «pilulier intelligent» sur lequel compter – foi de MG testeur – pour améliorer le problème répandu de la non-compliance des patients, notamment âgés.
Les gérontechnologies constituent un profond tiroir où l’on range des dispositifs de technicité (et d’utilité réelle) diverses, dès lors qu’ils ont vocation à compenser un déclin fonctionnel des aînés (ou soulagent proches et soignants). Cela va des GSM aux touches élargies aux robots humanoïdes introduits en MRS. Le vieillissement impose aux gouvernements occidentaux d’absorber l’épidémie de dépendance(s), et beaucoup entendent le faire en renforçant le maintien à domicile, ce qui déplace la charge du soin longue durée du résidentiel à la 1e ligne, pas précisément sur-staffée au jour d’aujourd’hui.
L’avis d’un MG testeur de la première heure. |
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Le Dr Mayard, MG à Sart-Bernard, à côté de Jambes, a participé à la mise à l’épreuve Inami du pilulier connecté, via cette filière purement pro qu’évoquent les concepteurs (lire ci-contre): comptant dans sa patientèle une dame âgée pour laquelle il avait prescrit une préparation de semainier, il a été sollicité comme testeur par les infirmières à domicile. Guy Mayard avait trois patients intégrés dans l’expérience. «Un couple dont le suivi s’est interrompu, à la suite de son déménagement à Charleroi. Et puis, cette patiente, qui a quelques problèmes neurologiques et qui de toute façon n’est pas compliante par nature… A l’heure actuelle, elle dispose toujours du pilulier.» L’essai est donc concluant? «L’idée est bonne, assurément. A l’époque, l’appareil rencontrait encore de petits soucis techniques. Et il était apparu que les infirmières devaient être soigneusement formées à sa manipulation et programmation.» Mis à part ces maladies de jeunesse, le Dr Mayard estime que le système apporte une amélioration de l’observance thérapeutique, problème rencontré au quotidien par les MG. Partant, il amène également une sécurisation, pas tant du patient lui-même – «parfois il n’est pas emballé devant cet engin qui sonne, qui l’oblige à être chez lui à heures dites…» – mais indéniablement de ses proches. «La famille est tranquillisée.» Le Dr Mayard épingle une autre utilité du pilulier, en marge de sa vocation première anti-oubli: il pourrait aussi éviter le mésusage inverse, la surconsommation. «Il y a des gens qui abusent de médicaments en leur possession. Par exemple, ceux qui sont accros aux benzodiazépines. Le pilulier délivre la posologie exacte souhaitable.» |
L’asbl Vitatel, active dans la télévigilance sociale depuis 20 ans, a greffé à ses services un produit qui entre dans cette logique de maintien à la maison, qui tient parfois de la seule capacité du patient à prendre son traitement. Il s’agit d’un pilulier dit intelligent, car réactif à l’oubli. Il a été testé jusque fin 2012 lors d’un projet-pilote financé par l’Inami, auprès de 20 sujets avec troubles cognitifs, en intégrant 14 MG namurois. Il est désormais en diffusion dans les rangs des patients recevant des soins infirmiers des ASD (mais Vitatel n’exclut pas un élargissement dans un 3e temps).
L’appareil est un semainier en forme de disque, avec 28 cases, placé dans un boîtier après programmation du nombre de prises par jour et de l’heure. A l’heure dite, le carrousel tourne et libère les médicaments dans une fenêtre. Un avertissement sonore retentit et une lampe clignote. Le patient doit retourner à 180° le boîtier pour obtenir ses comprimés, faute de quoi, au bout de 20 minutes, le pilulier ‘appelle’ la centrale de téléassistance, dont une opératrice se met en contact avec le patient pour voir si tout va bien.
Moins de visites non programmées du MG
800 appels pour oubli de médication ont été passés sur les 18 mois de l’expérience. Un millier d’échanges sont également intervenus, suite à des chutes, des malaises, des angoisses… Les principales progressions que les MG participants ont rapportées sont, selon Vitatel, une nette amélioration de la compliance, une baisse des visites non programmées, une diminution des (ré)hospitalisations, un recul des somnolences par excès de neuroleptiques, une institutionnalisation retardée, un apaisement de la famille…
Du côté des usagers, la satisfaction semblait aussi au rendez-vous. «A la fin du projet, les participants ont tous gardé le pilulier à leurs frais», affirme Stéphane Belin, directeur de Vitatel. L’Inami n’intervenant plus, il faut aujourd’hui compter 50€ d’installation du système de télévigilance, puis s’acquitter, par mois, des services de télévigilance (àpd 11€) et de la location du pilulier (àpd 8€) (*). Vitatel souligne que le pilulier évite de financer, intégralement, la venue d’un soignant qui donne les comprimés. Car si la préparation d’un pilulier est un acte infirmier remboursé, l’administration pas du tout. D’après Stéphane Belin, l’un des usagers a calculé qu’il épargnait 170€/mois.
Pas que pour les «vieux»! |
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Outre le fait que, chez les plus âgés, la télévigilance s’envisage généralement tard et dans l’urgence (après une chute ou une hospitalisation), elle est sous exploitée dans la population jeune. Or, elle a son utilité aussi en mode durée déterminée, pour une convalescence à domicile après intervention ou une grossesse délicate… Si plus de 95% des 12.600 bénéficiaires des services de Vitatel dépassent les 60 ans, 250 personnes sont plus jeunes, dont 25 sous les 40 ans. Selon l’asbl, la téléassistance n’est pas encore entrée dans les mentalités, et est encore méconnue des MG. |
Vitatel appartient au réseau d’acteurs du domicile gravitant autour de la mutualité chrétienne. Il table, pour diffuser son produit, sur les professionnels: infirmières à domicile et médecins traitants, «les meilleurs détecteurs de besoins». Des besoins qu’ont par exemple, les patients avec des troubles cognitifs, des problèmes de motricité des membres supérieurs, une déficience visuelle, et en général, les nombreux patients polymédiqués, dès lors qu’ils ont droit à une préparation infirmière hebdomadaire de médicaments.
* Ces sommes varient en fonction du statut du bénéficiaire, des interventions des OA et/ou des éventuelles participations des provinces et communes.