Patient·e·s victimes de violences : Quelle attitude les généralistes doivent-ils adopter ?

Les généralistes sont de plus en plus confrontés, à des violences de leur patient, mais aussi depuis la COVID à des situations familiales complexes où les violences intrafamiliales et conjugales sont importantes. Samedi, le Dr Salvatore Bonsignore, Président de la Commission WAPI, la commission provinciale de Wallonie-Picarde, lors d'un colloque sur cette thématique, organisé par la SSMG, a rappelé l’importance pour les généralistes de la prise en charge de patient·e·s victimes de violence 

« Que nous ayons 25 ans ou 65 ans, si on se retrouve devant un·e patient·e qui déclare un fait de violences, il est bon d’avoir des conseils pour nous aider à aider le ou la patient·e et surtout à l’accompagner. On peut utiliser les outils adéquats notamment ceux mis à disposition par la cellule Violences de la SSMG comme les brochures qui collectent les ressources pour prendre en charge les victimes de violences, disponibles par province et pour la circonscription d’Eupen. »
A cet effet, par exemple, un Escape Game a été créé par 2 sages-femmes et coordinatrices pédagogiques à la Haute Ecole de Namur-Liège-Luxembourg (HENALLUX), Mmes Milena Jarosik et Sophie Evrard. Cette animation encourage les médecins généralistes "à lever le voile" sur des violences moins visibles comme les violences psychologiques, économiques, numériques ou sociales.
Pas de dépistage systématique
A propos de cette thématique, la Dr Hanna Ballout, secrétaire générale de la SSMG, pointe un premier aspect important : « “En Belgique, nous ne faisons pas un dépistage systématique des violences auprès des patient·e s. Il faut donc permettre aux médecins d’être un peu plus précis et d'axer leurs questions sur certaines situations qui sont reconnues par la littérature comme étant potentiellement associées à des violences. La seule situation où il faut poser d’office la question, c’est chez les femmes enceintes parce que près de 10% d'entre elles subissent des faits de violence pendant la grossesse. ”
Les signaux d’alerte
Dans les cabinets, “96% des victimes sont des femmes et quand ce sont des hommes qui subissent des violences, la personne violente est fréquemment un homme” précise tout d’abord, la Dr Hanna Ballout qui souligne que les signaux d’alerte sont nombreux: une patiente annule souvent ses rendez-vous..., des plaintes gynécologiques inexpliquées, des consultations à répétition pour les motifs (psychiques, algologiques, urologiques...) inexpliqués.” 
Les violences touchent particulièrement "les personnes avec un handicap mental, une maladie chronique mentale ou non, mais aussi une vulnérabilité au niveau financier ou une addiction à des drogues légales ou non ou l’alcool ( autant chez la personne qui subit des violences ou qui a recourt à des violences)...Cela fait partie des facteurs de risques identifiés dans la littérature.” 
Le plus important, mais aussi le plus difficile pour le généraliste, reste de poser la question: “Il ne doit pas hésiter parce que cela ne rompt pas le lien thérapeutique. Par ailleurs, il ne doit pas tout de suite insister auprès de sa patiente pour porter plainte à la police. Il faut d’abord être dans l’écoute et offrir un soutien dit de première ligne parce qu’il n’y a que 16% des patientes victimes de violence, qui vont finalement porter plainte." 

En outre, toutes les situations de violence ne sont pas celles de coups visibles sur le corps. "Les situations sont souvent bien plus complexes. Le généraliste ne doit pas non plus oublier que dans chaque zone de police, il a un espace dédié à l’écoute de la personne qui a subi des violences, le service d’aide policière aux victimes, ainsi qu’un·e policier·e spécifiquement formé·e aux faits de violence."
Tenir compte du passé du patient
Le contexte sociétal demande aussi une plus grande vigilance au médecin: “De plus en plus, les médecins doivent gérer des conséquences (notions de trauma, d'attachement, de dissociation...) à l’âge adulte des violences dans l’enfance. Les médecins ne savent pas toujours y répondre adéquatement. Il y a donc parfois des errances diagnostiques avant de se dire dans le diagnostic différentiel qu’il y a peut-être un risque de violence.”
Les émotions du médecin
Un autre aspect doit être pris en compte: “Chaque médecin est avant tout un être humain. Il faut aussi tenir compte des émotions que ces actes de violence peuvent provoquer chez le praticien confronté de manière récurrente à de tels témoignages. Le praticien doit être assez entouré par des pairs bienveillants (maître de stages adéquat, un GLEM, un dodécagroupe où l’on a la possibilité d’en parler). Nous avons beaucoup de demandes de médecins qui souhaitent avoir des débriefings à la suite de situation difficile vécue avec leurs patients.”
Le généraliste et sa vie privée
Enfin, les généralistes ne doivent pas non plus oublier d’oser de parler de violence qu’ils connaissent dans leur vie privée et ne pas hésiter à se faire aider. "Le généraliste doit se rendre compte que des faits de violence sur lui/elle par son conjoint(e) peut avoir des répercussions sur sa santé mentale et sur sa patientèle à terme. Ce n’est pas une question de montrer l’exemple, mais de se protéger et de prendre soin de soi. 
Le Dr Hanna Ballout conclut en lançant un appel aux généralistes : « Ils ne doivent pas hésiter à nous dire comment on peut mieux les former ou les aider dans leur pratique”

> Découvrir le Guide de Pratique Clinique sur la détection des violences conjugales

 

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