Cherche remplaçant, désespérément

"J’ai ENFIN trouvé un remplaçant pour ma garde de nuit. Je cherche depuis 3 mois. J’ai envoyé des dizaines de demandes, souvent sans réponse aucune, même négative. Je fais ce matin une danse de la joie pour remercier ce gentil jeune confrère." Ce témoignage posté sur X (ex. Twitter) en dit long sur la difficulté pour les généralistes de trouver un remplaçant.

 « Il y a une vingtaine d’années, c’était facile », regrette le Dr Jean-Louis Pévenage, généraliste à Watermael-Boitsfort. « De nombreux jeunes généralistes étaient heureux d’accepter un remplacement. Aujourd’hui, ils sont beaucoup moins nombreux et, à peine installés, ils se retrouvent débordés. Souvent même, ils travaillent en maison médicale et n’ont pas ce problème. Mais ils sont peu disponibles pour remplacer un confrère qui travaille en solo. »

Alors, il faut trouver d’autres solutions. « Je téléphone à une série de confrères pour leur demander s’ils acceptent que je donne leur nom pendant mon absence », ajoute le Dr Pévenage. « Et je mets à la disposition de mes patients deux ou trois noms de confrères qui m’y ont autorisé. Et encore, ils ne sont pas très chauds pour les visites à domicile ou en maison de repos. C’en est presque à avoir peur de partir. »

Une autre possibilité est de s’adresser au responsable de son GLEM pour lui demander s’il a entendu un confrère du groupe dire qu’il accepte de temps à autre de faire un remplacement. « Il arrive que l’un ou l’autre accepte » commente Jean-Louis Pévenage. « Mais c’est pour deux ou trois jours ou un week-end, pas plus », conclut-il.

Un autre généraliste, qui ne souhaite pas être nommé parce qu’il n’a pas encore prévenu ses confrères de son voisinage et ses patients du projet d’un long congé, nous fait part de son parcours du combattant. « J’avais mis une annonce dans la presse médicale. Après plusieurs semaines, je n’avais pas la moindre réponse. J’ai ensuite essayé le ‘bouche à oreille’ en m’adressant directement à des généralistes exerçant dans les environs. Personne n’était intéressé. En désespoir de cause, je me suis informé sur les noms des jeunes médecins qui venaient de s’installer dans la région et je les ai contactés un à un. Finalement, ce n’est que le troisième qui a accepté. »

Il ajoute : « il y a 33 ans, quand j’ai débuté, j’étais heureux de trouver du travail en acceptant de faire un remplacement » poursuit notre confrère. « Aujourd’hui, la réalité est tout autre. Neuf jeunes généralistes sur dix sont des femmes. Elles ont un mari qui travaille et ne doivent pas s’esquinter au boulot pour que leur couple puisse gagner correctement sa vie. Et beaucoup de jeunes, hommes ou femmes, ne souhaitent plus travailler jusqu’à toutes les heures en soirée. Il y a sans doute là une raison pour laquelle peu d’entre eux vont s’installer en zone rurale. Je n’exerce pas dans un ‘désert médical’ et j’ai déjà des difficultés à prendre congé. Ce doit être encore plus difficile en milieu rural. Pourtant, nous avons tous besoin de souffler un peu de temps en temps. Dans une telle situation, je suis inquiet lorsque je m’absente. Il y a trop de patients qui attendent mon retour au lieu de pouvoir consulter un autre médecin. Ou alors, ils se dirigent vers les services d’urgences des hôpitaux, qui se retrouvent surchargés ».

Et ce médecin généraliste souligne qu’il est tout aussi difficile, si pas plus compliqué encore, de trouver un successeur. « Certains confrères ont dû s’y prendre un an ou même deux ans à l’avance pour pouvoir trouver quelqu’un qui prenne la relève. J’ai vécu moi-même un exemple : mes parents habitent dans la botte du Hainaut. Leur généraliste a pris sa retraite et n’a pas de successeur. J’ai dû user de mes relations pour qu’un confrère de la région accepte de les prendre en charge, alors qu’il ne veut plus de nouveaux patients depuis longtemps ». Voilà des aspects moins visibles de la pénurie, mais qui sont bien réels.

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Derniers commentaires

  • Philippe TASSART

    09 mars 2024

    Je confirme votre expérience. La situation est malheureusement irréversible. Les PMG diminuent peut être le nombre de garde mais celles qui restent sont pourries. Ce ne sont d'ailleurs plus de vraies gardes. Ayant plus de 65 ans, je me suis retiré des gardes de WE. J'organise toujours la garde de semaine dans notre cercle et je dois dire que la solidarité est maximale. Echanger une garde est quand même beaucoup plus aisé que de la donner ! Il y a tellement de choses à dire sur la médecine générale d'aujourd'hui que je n'ai même pas envie d'aborder le sujet. Juste une chose : retrouver la joie du métier et de s'y investir un peu plus résoudrait pas mal de problèmes !

  • Florence Goenen

    07 mars 2024

    Si on permettait aux médecins en maison meddicale au forfait de travailler à l acte à côté, cela leur permettrait de venir donner un coup de main.

  • Djamel Eddine KHEMIS

    07 mars 2024

    Il faudrait un système semblable à celui des intérims pour les infirmiers ... je connais pas mal de jeunes et moins jeunes généralistes qui aimeraient pouvoir travailler quelques jours, ou semaine ou mois, et partir en voyage ou pour d'autres projets ...

  • Michel JEHAES

    07 mars 2024

    Bonjour
    Cela fait des années que le GBO met en garde contre la pénurie future de médecins généralistes, mais l’Absym prétendait le contraire et nos autorités n’étaient pas capables de réaliser une statistique correcte en ne tenant pas compte des médecins décédés (sic) ni de ceux qui ne pratiquaient plus la médecine générale ou seulement à temps partiel. Ce qui devait arrivé est arrivé et maintenant on tente désespérément de rattraper un retard énorme. C’est lamentable ! Les jeunes souhaitent avoir une vie correcte et ne plus travailler 50, 60 ou 70 heures par semaine et ils ont raison. Cela aussi les maîtres de stage en médecine générale le constataient, mais qui les a écoutés ?…Choisissons demain des hommes politiques qui ont une vision prospective et à ce long terme et tiennent compte des avis de gens de terrain.
    Dr Michel Jehaes, généraliste retraité.