Les professionnels de 1ère ligne sont-ils mûrs pour un remodelage de leur « territoire naturel »? Pour établir son premier Livre Blanc, Be.Hive, la jeune chaire interuniversitaire de soins primaires, a testé l’acceptabilité de certains glissements de responsabilité…
Le développement d’une 1ère ligne forte en Belgique, ça vous parle? En tout cas, Be.Hive a fait salle comble avec le lancement de son Livre Blanc devant des émissaires des ministres Maron et Morreale. De quoi conclure à l’existence d’un «momentum», où convergent volontés académiques, civiles et politiques…
Le Livre Blanc découle, e.a., de l’analyse de +/- 6.000 réponses à une enquête menée en 2019, dont 30% de réponses de prestataires, infirmiers (8%) et MG (5%) en tête. Il fera office de boussole pour orienter les futures priorités de recherche de la chaire. Dans celles-ci, il y a déjà l’axe « évolutions en cours dans les collaborations entre métiers », qui touche à l’évolution des identités professionnelles et à la question des compétences respectives, sous-tendue par la très terre-à-terre question de la répartition des ressources financières disponibles.
Comme l’explique le Pr Céline Mahieu, du CRISS (Centre de recherche en approches sociales de la santé, ULB), il faudrait «dans cette ‘écologie’ de groupes professionnels un cadre assez clair pour définir les responsabilités de chacun mais aussi de la souplesse pour travailler tous ensemble ». Plus de la confiance, qui est un levier de coopération. Souvent, elle émane de relations d’interconnaissance (avoir appris en quoi consiste la pratique de l’autre, d’où l’intérêt de formations interprofessionnelles) et interpersonnelles (savoir avec qui on collabore à petite échelle).
«Nous avons posé quelques questions - disons - impertinentes pour tester la réceptivité à certains transferts de compétences», explique-t-elle. L’une porte sur le ‘case manager’. Concept qui, pour mémoire, faisait déjà des vagues quand Laurette Onkelinx se penchait sur les maladies chroniques. Par quel métier les répondants trouvent-ils acceptable de faire coordonner les soins? Parmi la poignée de réponses suggérées, «c’est le généraliste qui sort grand gagnant», commente Céline Mahieu. Il est cité par 92% des répondants non professionnels (citoyens, patients, aidants, associations de patients…) et 76% des professionnels. Il devance le coordinateur d’un centre intégré, l’infirmier, le psychologue et l’ergothérapeute.
En matière de choix de la marque d’un médicament, c’est aussi le MG qui arrive en tête. 71% des professionnels dans leur ensemble trouvent acceptable de lui donner cette compétence, et 57% de la donner au pharmacien.
Et quid de l’élargissement du droit d’établir une ITT ? Habiliter d’autres prestataires que le médecin n’aurait rien d’anodin pour les dépenses de sécu sociale… L’infirmier est vite mis hors course, mais dans les répondants non professionnels, 52 et 51% accepteraient que, respectivement, le psychologue et le dentiste dressent un certificat d’ITT (*). Le groupe des professionnels est plus tiède face à l’élargissement, les MG se montrant les plus réticents (sauf à l’égard des dentistes (*)). Ils ne sont ainsi que 34% à accepter qu’un psychologue décide d’un arrêt maladie.
Nous parlions plus haut de cet équilibre entre groupes professionnels où chacun demeure attentif à son «pouvoir» (et sa tartine). Be.Hive a constaté que les répondants plébiscitent davantage leur propre profession. Les participants MG sont 87% à déclarer que le case-management, c’est l’affaire du MG, contre 76% en moyenne si on prend tous les professionnels confondus. Et 96% des pharmaciens trouvent que le choix de la marque du médicament peut être exercé par leurs soins (contre 57% en moyenne).
(*) il y avait un piège, cela étant : les dentistes sont déjà habilités à établir une ITT
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Be.Hive promeut une médecine communautaire :
— David SIMON (@Freedoc_be) February 20, 2020
Inscription, Obligations, Délégation, Forfaitarisation
La médecine libérale y est réputée réactionnaire, corporatiste et vénale. Exclusivement à charge.