Le moratoire imposé puis levé par Maggie De Block sur la médecine au forfait joue-t-il encore sur la création de structures type maisons médicales (MM) ? « On est revenu à peu près à la même vitesse qu’avant. Il faut compter 7% de progression par an », indique le Dr Drielsma, permanent politique à la Fédération des maisons médicales (FMM). Actuellement, 30.000 patients par an basculent vers le forfait. Le secteur est toujours en attente des correctifs tendant à une meilleure adéquation des montants des forfaits aux besoins, surtout à Bruxelles.
Dans une analyse périodique inamienne de l’évolution des dépenses dans les honoraires médicaux, qui a circulé dernièrement en médico-mut, se dessine une hausse constante du ‘poids’ des maisons médicales, avec par exemple + 11% dans les dépenses annuelles 2018 par rapport à 2017, pour atteindre les 181 millions. « Se focaliser sur la croissance du budget, c’est oublier que l’essor des pratiques au forfait n’est pas une dépense supplémentaire, c’est un transfert entre systèmes - à l’acte et forfaitaire », nuance le Dr Pierre Drielsma permanent politique à la FMM, la Fédération des maisons médicales. « Aujourd’hui, la croissance tient pour l’essentiel à l’augmentation des patients qui passent de la médecine à l’acte à l’inscription en maison médicale (MM). »
Dans l’analyse périodique n’émergent pas spécialement de diminutions marquantes au niveau des autres postes, étayant l’explication du « transfert ». « En effet, cela ne se voit pas car tous les chiffres sont en croissance. C’est une ‘moindre croissance’ qu’il faut chercher, plutôt qu’une baisse des dépenses. » Il y a actuellement, par an, 30.000 patients qui transitent vers le forfait, détaille Pierre Drielsma. « Mais la simple croissance démographique belge est déjà supérieure à 30.000. Par ailleurs, à population égale, tous les budgets augmentent. L’évolution générale des budgets/capita et l’évolution démographique masquent la baisse des dépenses de première ligne à l’acte. »
Le permanent politique admet que le forfait a un coût par patient double de celui de l’acte. « En revanche, ça revient ensuite moins cher à la collectivité, en médicaments, en coûts en 2ème ligne, en hospitalisations... » Le forfait permet en outre de soigner une population en extrême pauvreté qui passe sous les radars des dépenses à l’acte, n’accédant pas à la 1ère ligne.
Le moratoire imposé par Maggie De Block a-t-il eu des effets longue durée sur la création de structures au forfait ? « On est revenu à peu près à la même vitesse qu’avant. Il faut compter 7% de progression par an. On est légèrement au-dessus d’une croissance linéaire. Le forfait reste un mode d’exercice très minoritaire, sauf à Bruxelles où désormais, il y a un patient sur cinq soigné dans ce circuit.»
Dissuader les cupides
A l‘issue de l’audit, début 2018, Maggie De Block a levé le moratoire, non sans réclamer qu’on solutionne divers points d’attention. Un groupe de travail (GT) avait été chargé de plancher sur des pistes d’amélioration. Où en est-on dans leur concrétisation ? « Nous souhaitions, nous aussi, que des correctifs interviennent, à commencer par une meilleure adéquation des montants aux besoins, en fonction du profil de la patientèle. Il y une surévaluation des forfaits infirmiers à Bruxelles. Il faut rééquilibrer avec les deux autres régions, car cela crée un attrait malsain pour le forfait, parfois sur les conseils de fiscalistes qui ont flairé comment exploiter le système. » Et de signaler qu’une maison médicale s’est récemment vu retirer son agrément car une infirmière travaillait au forfait et, de front, à l’acte - ce qui est interdit.
Le cabinet a depuis de longs mois rédigé un arrêté royal découlant des travaux du GT, poursuit le permanent. « Arrêté qui, nous dit-on, est toujours chez le libéral David Clarinval, ministre du Budget. » Bref, plus de 3 ans après que le moratoire ait été décrété, il n’y a toujours rien de concret. Pour Pierre Drielsma, l’agitation de cette dernière législature, puis ce train de sénateur tiennent à la défiance idéologique envers la médecine au forfait de Maggie De Block. « Elle a d’ailleurs radicalement refusé que le ‘fonds blouses blanches’ bénéficie aux infirmières du secteur. »
Assouplir le modèle ?
On dit la jeune génération de MG attirée par l’exercice en groupe, le cas échéant pluridisciplinaire. L’est-elle par l’exercice en MM ?
Pour animer depuis cette année des séminaires 1/15, le Dr Drielsma sent que ce modèle, « qui s’est forgé dans un contexte particulier, un peu soixante-huitard, ne convient pas à tous les acteurs de santé. Tous n’aspirent pas forcément à un mode de travail intégré et très égalitaire. L’auto-gestion telle qu’elle est encore souvent appliquée, par exemple, avec toutes les réunions qu’elle suppose, est lourde à pratiquer. Je pense - et c’est ici un avis personnel - que pour plaire aux jeunes générations, il faut multiplier les formules organisationnelles, en proposer de moins contraignantes, moins fusionnelles, avec un équilibre entre les intérêts personnels du médecin et l’intérêt collectif. »
Pierre Drielsma signale aussi que dans les « systèmes des conventions de travail, la différentiation des revenus entre métiers va croître légèrement par rapport à l’histoire, sans différence ‘monstrueuse’ pour autant - comme on en observe parfois dans le privé. »