L’hospitalisation à domicile est à l’agenda politique. Le cabinet De Block veut procéder par expériences pilotes et attend des suggestions de thèmes. Cercles francophones et flamands s’inquiètent: les MG, aux premières loges pour le domicile, doivent avoir voix au chapitre. Et attention à éviter un remake de psy 107, avec pseudo-implication.
Dans le cadre de son projet de réforme (du financement) des hôpitaux, médiatisé ce printemps, Maggie De Block table entre autres sur le déploiement de modèles d’organisation des soins innovants, avec dimension transmurale, qu’elle veut d’abord tester à petite échelle. L’hospitalisation à domicile (HAD) fait partie des formules envisagées. Le cabinet de la ministre de la Santé publique attend actuellement, et jusqu’au 6 septembre, des idées de thèmes de projets pilotes, pour un premier grand tri (*).
«S’il y a bien un prestataire dont le domicile est la sphère d’action naturelle, c’est le généraliste», commente Guy Delrée, président du Fag. «Bien sûr qu’il y a du bon, dans l’idée de développer des modèles nouveaux, en partenariat. Mais ce qu’on craint, c’est un ‘hôpital qui sorte de ses murs’ selon des modalités qui vont s’imposer aux MG. Nous ne sommes pas d’accord de rentrer dans quelque chose qui, sous prétexte qu’il s’agira de budgets hospitaliers, va se construire dans notre dos. On ne veut pas s’entendre dire à la fin: ‘signez là’, pour un montage tout fait.»
Comme simple surveillant?
Cette crainte d’être laissé à quai dans la réflexion, Guy Delrée l’exprime au nom d’un organe en gestation avancée, le «Conseil national des cercles». Pour rappel, il y a peu, Maggie De Block a dissous le Conseil fédéral des cercles de médecins généralistes (CFCMG), institué par arrêté sous Demotte et tombé au champ d’honneur de la défédéralisation des compétences sur la 1ère ligne. Mais le Fag et le «Kringloket» (la section cercles de l’association flamande Domus Medica) avaient pris le pli de se voir avant les séances du CFCMG convoquées par le SPF Santé publique, entre autres pour avancer sur un dossier réputé diviser nord et sud: la garde. Ils ont gardé l’habitude de se rencontrer, persuadés qu’ils sont du bénéfice à en tirer. Leur «Conseil national des cercles», qui devrait être officialisé sous peu et qui est donc d’initiative purement professionnelle, se veut un lieu d’échange sur les problématiques sanitaires qui n’ont pas de frontières linguistiques. «Et c’est pertinent, ce point de rencontre fédéral», insiste le Dr Delrée en évoquant le débriefing prochain sur la crise Ebola, la garde MG ou, justement, l’HAD, qui valent à l’échelle de tout le pays.
Pour en revenir à l’HAD, «on aimerait bien avant qu’il y ait une explosion ‘sauvage’ d’expériences un peu partout, avoir l’occasion de faire part de notre expérience de terrain, de poser des limites, de conseiller des garde-fous à ces pratiques. Un médecin traitant, qui connait ses patients, est quand même le mieux placé par exemple pour évaluer s’il est réaliste de tenter une hospitalisation à domicile. Et il y a beaucoup de points à discuter, comme assurément cette question de la ‘capacité’, dans le sens ‘habilitation’, du MG à poser une indication d’HAD. Certains s’y opposeraient par crainte d’abus potentiels, mais ça, c’est un autre problème. On ne peut pas priver toute une profession d’un outil parce qu’on présume que quelques-uns risquent de mal l’employer. Si je constate, comme généraliste, que mon patient âgé lutte contre une infection avec résistances, je dois pouvoir dire, sans gériatre, qu’il a besoin de telle antibiothérapie adaptée, et en intraveineuse», développe le Dr Delrée. Le président du Fag prédit en tout cas que ses pairs ne voudront pas jouer dans un scénario transmural où on les cantonne à un rôle de surveillance.
Des interlocuteurs représentatifs, svp
En conclusion, pour le «Conseil national des cercles», Guy Delrée appelle le cabinet à considérer l’importance d’une consultation de la médecine générale avant et dans la dynamique HAD. Et recommande de veiller à l’implication réelle, quand les autorités en seront à l’appréciation des projets pilotes, d’éléments ou de groupements représentatifs de la profession. «Il ne faudrait pas que, pour faire passer un projet pilote, on utilise les gens. Par exemple qu’on y entraîne un généraliste qui a des liens particuliers avec un spécialiste ou l’établissement qui porte le projet, pour pouvoir prétendre qu’avec lui, ça y est, ‘la médecine générale’ adhère et participe. Sans quoi on va retomber dans les travers de non-représentativité constatés par les cercles de MG au démarrage de psy 107.»
(*) Les lecteurs intéressés peuvent lire un article à paraître dans le prochain Medi-Sphere qui résume le récent rapport du KCE sur l’HAD. Les experts soulignent la tonne de questions non résolues, dont le partage de responsabilités entre médecins. Pour toute clarté, précisons que le cabinet De Block en est aujourd’hui à l’appel à thèmes. Les caractéristiques à remplir par les projets, dans une étape ultérieure, sont toutefois déjà brossées. Dans les partenaires, il devra toujours y avoir au moins un hôpital, et au moins un autre établissement ou un «groupe de prestataires», la médecine générale et les cercles étant cités. Ils sont attendus dans un rôle de proposition de modèles.