Le désenchantement des MG

Lors d’un récent symposium, notre collègue de Medi-Sfeer, le Dr Michèle Langendries, a fait la file pour un café avec quatre généralistes dont l’humeur n’était pas au beau fixe. Le ton était même particulièrement négatif. «Dans dix ans, la médecine générale n’existera plus», a soupiré l’un d’eux, suscitant des hochements de tête approbateurs chez ses confrères – tous quinquagénaires, à vue de nez. Zoom sur une sourde déconvenue.

«Ils sont en train de tout foutre en l’air avec cette surcharge administrative qui ne cesse d’augmenter. Certains partent à la retraite à 62, 63 ans à peine parce qu’ils en ont marre. Il y a des jeunes qui débutent, c’est vrai, mais les vieux qui s’en vont sont encore plus nombreux. Qui va faire le travail dans quelques années?»

Quel contraste avec certaines interviews publiées dans Medi-Sphere. Les présidents de cercles, responsables, syndicalistes et scientifiques aussi sont parfois mécontents, évidemment, mais cette frustration est une source de nouvelles idées qui permettront d’orienter la profession vers un avenir aussi positif que possible. Pas question pour eux de présenter la médecine générale comme un navire en perdition! D’après mes interlocuteurs du jour, cette différence a une explication très simple: «Toutes ces chevilles ouvrières du secteur sont des médecins qui, pour une raison ou une autre, n’ont qu’une patientèle limitée. Ils ont le loisir d’être optimistes, d’innover… mais pendant ce temps, d’autres se débattent pour ne pas se noyer».

Il est clair qu’un échantillon de quatre personnes sur un total d’environ 11.000 généralistes actifs dans notre pays ne permet guère de tirer des conclusions, mais ce n’est pas la première fois que je perçois cette amertume au hasard de l’une ou l’autre rencontre informelle. Ajoutons au passage que, renseignements pris, mes «plaignants» étaient originaires de zones différentes – l’un actif un peu au nord de la capitale, un autre en région d’Anvers. Je me risquerai à en conclure que, même s’ils sont minoritaires, ces confrères mécontents représentent malgré tout un groupe à ne pas négliger.

Dans la mesure où Medi-Sphere cherche à dresser un tableau aussi complet que possible du monde de la médecine générale, j’ai évidemment demandé à mes interlocuteurs si l’un d’entre eux accepterait de m’exposer ses récriminations dans le cadre d’une interview en bonne et due forme.

Aucun n’a voulu se prêter au jeu. «À quoi bon? Quoi que nous disions, cela ne changera rien. Tout au plus cela nous vaudra-t-il quelques e-mails incendiaires, sans compter que nous craignons les représailles de certains milieux qui veulent présenter nos soins de santé actuels comme un système hautement performant.» Si cette prédiction est exacte, il est urgent que les individus hautement qualifiés que nous sommes se posent certaines questions. Et en tout état de cause, les généralistes dont la question donnait l’impression d’un profond découragement.

Je regrette sincèrement qu’ils n’aient pas souhaité s’exprimer ici en leur propre nom; c’est pour cette raison que j’ai décidé de relater moi-même leur histoire, en préservant leur anonymat. En tant que journaliste, c’est toujours un privilège que de pouvoir rapporter des paroles teintées d’optimisme pour le futur, mieux: on en ressent soi-même une bouffée d’espoir. Mais à toujours se laisser porter par une vague d’enthousiasme, peut-être risque-t-on toutefois de «rater» certaines réalités importantes et de ne pas voir, par exemple, que certains sont restés à quai alors qu’ils avaient encore devant eux une dizaine d’années de carrière…

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