New Deal: comment expliquer les chiffres d’adhésion actuels?

Comment analyser les chiffres d’engagement des médecins généralistes dans le projet New Deal alors que le 1er avril 2024, seulement 48 cabinets de médecine générale commenceront à travailler avec le nouveau modèle d’organisation et de financement. Nous avons posé la question à l’un des grands architectes de cette troisième voie, le Dr Jean-Luc Belche (ULiège).

«Si on se situe au niveau de l’Inami qui a supporté cette demande, on peut se dire en effet que peu de médecins ont marqué leur accord. À titre personnel, je n’imaginais pas qu’il y en aurait beaucoup plus pourtant», commente le Dr Belche. «Pour rappel, en préparation du New Deal, nous avions procédé à des focus-groupe dans toutes les provinces de Belgique. Nous avions perçu une certaine méfiance au niveau de l’engagement à long terme: ‘si je m’engage est-ce que le système sera toujours présent dans 3 ans?’.»

Mieux informer

Le Dr Belche insiste sur l’importance de la mise en perspective: «Je rappelle que le modèle forfaitaire a mis des années à se mettre en place. Nous sommes ici dans un délai assez court et nous avons déjà une cinquantaine de pratiques.»

Il prend aussi le temps de l’analyse des chiffres. «48 pratiques/158 généralistes, cela correspond à près de 120.000 patients enrôlés dans ce mode d’organisation/financement. Au niveau wallon, on a pu constater un recrutement plus important en province de Luxembourg et Liège. Il y a aussi la perception de la manière dont ce nouveau modèle pourrait répondre aux problèmes rencontrés ou aux souhaits d’évolution: pénurie de généralistes, charge de travail pour les maladies chroniques, etc.»

La résistance au changement

À cela, selon lui, s’ajoutent le degré d’information des généralistes sur le sujet et la manière dont il a été abordé dans les différents lieux d’échange: syndicats, sociétés scientifiques, forums...

Ces éléments devraient faire partie de l’évaluation à venir, pilotée par le KCE. «Par ailleurs, il ne faut pas négliger la résistance au changement qui est d’autant plus importante quand on a le nez dans le guidon. Cela pourrait concerner surtout les médecins qui n’ont plus que 10 ans à travailler et qui n’ont pas envie de changer de pratique pour une si courte période. Pour les jeunes médecins, un autre phénomène peut intervenir s’ils ne sont pas aux commandes des groupements médicaux. Il peut donc y avoir un aspect générationnel qui intervient.»

La culture du débat

Le New Deal ne devrait pas voir son expansion freinée par la paperasserie et les bugs informatiques. «Après l’engagement pour signer une convention, le niveau de paperasserie sera égal au niveau habituel. En ce qui concerne le modèle de facturation à la capitation, de gros bugs n’ont pas été constatés», soutient le généraliste.

Par contre, il regrette le manque de culture du débat de la profession: «Les positions sont encore trop polarisées. Il serait intéressant de donner la voix à ceux et celles qui ont choisi ce changement: ce qui les attire, ce qu’ils en attendent, etc. Cela permettrait d’équilibrer le débat. Si ce modèle n’est pas parfait (comme aucun), il vaut la peine d’être testé car il est réellement porteur d’innovation. Les universités doivent aussi amener à la tenue de ce genre de débats. Le New Deal sera présenté en 3e année de formation à Liège (on en parle dans un module sur les types de pratique) et sans doute dans d’autres universités. Il faut vérifier si le New Deal répond aux besoins. Et il faut être critique. Pour ma part, je travaille en pratique forfaitaire. Pour moi, cela a beaucoup d’avantages, mais je ne dis pas que c’est la solution pour tout le monde.»

Le chargé de cours à l’ULiège attire aussi l’attention sur un biais: celui des pratiques de groupe. «Une partie du groupe dans les pratiques de groupe pourrait être partante... mais l’autre pas. Donc, parfois, ce n’est pas un rejet en bloc, mais au sein des pratiques, ils peuvent avoir des positions différentes. À la fin, toutefois, le groupe pourrait garder le statut quo. Cela peut donc montrer aussi l’envie de certains de tenter le New Deal mais de ne pas pouvoir le faire dans les faits.»

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