New Deal : ses opportunités et ses limites selon le GBO/Cartel

En juin 2022, Frank Vandenbroucke mettait sur la table le projet de créer un New Deal pour la médecine générale. Depuis lors, beaucoup de choses ont été dites, malheureusement, parfois à tort ou trop hâtivement. Alors que la fin de cette année 2022 approche, le GBO/Cartel trouve important de revenir sur ce New Deal et en trace ses opportunités mais aussi ses limites.

Ce groupe de réflexion part d’un constat de la part du Ministre : la situation n’est pas bonne en première ligne. La population vieillit, le nombre de malades chroniques augmente, avec eux les situations de multimorbidités et complexes, la santé mentale de la population se détériore, la profession est vieillissante et la rétention des professionnels devient un enjeu de santé publique (avec la problématique du burn-out des soignants en corollaire). Rien de nouveau sous le soleil pour le GBO/Cartel, mais la reconnaissance de cette situation par le Ministre peut être considérée comme une avancée.

Mais face à ce constat et vu l’état d’avancement de la législature actuelle, bien amputée par la pandémie de COVID-19, les possibilités du Ministre pour y répondre sont bien restreintes. Soulignons toutefois que son but premier est d’atteindre, avant la fin de la législature, un point de non-retour avec la conséquence que le ou la Ministre suivant.e ne pourra pas revenir en arrière sur cette importante réforme. Dès lors, que peut-on attendre de cette initiative ?

Méthode et état des lieux
Le New Deal, c’est d’abord un constat cité plus haut et la difficulté de répondre à ce dernier par les modèles existants. Le Ministre a donc demandé une réflexion quant à un 3e modèle d’organisation et de financement de la pratique médicale qui serait une 1re réponse à la crise actuelle. Ce 3e modèle se situerait entre les pratiques solo ou en groupes monodisciplinaires de MG à l’acte, et les pratiques multidisciplinaires de groupe à l’acte ou au forfait. Pour réaliser cette mission, une méthodologie solide a été mise en place sur base d’un groupe de réflexion, de focus groupes, d’une enquête quantitative à venir

Ce groupe de réflexion avait comme consigne d’inclure les jeunes générations et de chercher une représentativité aussi adéquatement genrée que possible. Ce groupe rassemble les organismes assureurs, les sociétés scientifiques de médecine générale et leur pendant ‘jeunes médecins’, les syndicats, les coupoles des cercles, les départements universitaires de MG, le KCE, l’INAMI, et le SPF santé Publique. On peut le comparer à un groupe d’experts qui va relayer les positions de ses membres ou de son organisation et discuter, commenter les synthèses constituées sur base de ces contributions. L’objectif est d’arriver à un consensus sur un maximum de points et de pointer également les divergences.

Dans l’objectif d’être le plus représentatif possible, ce travail de réflexion « d’experts » est consolidé par des focus groupes recrutés au sein des Glem et une enquête quantitative extraite des informations recueillies dans les travaux précédents.

Plusieurs éléments peuvent être retirés de la méthode utilisée. Premièrement, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur le modèle de 3e voie possible et sans obligation qui sera proposé par le GT du New Deal. Certaines déclarations à l’heure actuelle sont davantage le fruit de fausses nouvelles et de tentative d’influence que des informations objectives. Deuxièmement, ce groupe de travail ne va pas régler tous les problèmes mais se pencher sur la mise en place d’une 3e voie d’organisation et de financement qui ne se substituera pas aux deux voies existantes (solo, monodisciplinaire de groupe, multidisciplinaire, acte et forfait). Cette 3e voie vise a priori à organiser un travail de collaboration étroite avec d’autres prestataires de santé de 1re ligne, sur un même lieu ou en réseau, permettant une délégation des tâches si nécessaire pour libérer le MG de tâches qu’il juge ne pas être exclusivement de son ressort et lui permettre de cibler son travail sur ses compétences spécifiques. Enfin, il est intéressant de souligner que, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, toute tentative de lobbying est absente de ce groupe de travail.

Espoirs
Cette initiative peut être porteuse d’espoirs. Il s’agit d’un pas non négligeable vers un secteur en crise. Il arrive tard et nous le réclamions depuis des années, mais il est au moins là. Et la méthode appliquée offre un espace de dialogue, de co-construction et de retour du terrain assez inédit.

Cet espace est une opportunité qui va au-delà de la mission du groupe de réflexion. On constate clairement au cours des débats que les problématiques plus vastes sont abordées et traitées. Cet apport et ce travail va fournir une base solide pour appuyer de nombreuses revendications syndicales, pour la plupart déjà en cours, mais aussi potentiellement d’autres à venir. La crainte d’un agenda caché ne devrait pas venir gâcher cette opportunité. D’autant que si la confiance est à ce point détériorée, il n’y aurait dès lors plus de sens à attendre quelque chose de la part de nos autorités.

L’initiative a permis la mise en place d’une dynamique positive et stimulante non seulement entre les organisations (de nombreux échanges, formels ou non, ont pu avoir lieu et on observe un renforcement de la dynamique au sein du Collège de la Médecine Générale) mais aussi entre les communautés linguistiques. Depuis la mise en place de la traduction instantanée, on constate de bons échanges entre représentants du nord et du sud du pays. La méthode favorise aussi ces échanges. L’objectif est d’avoir l’information la plus exhaustive possible et donc de voir présenter aussi des situations minoritaires à l’échelle nationale. Nous sommes très loin des débats focalisés seulement sur les chiffres ou les clefs de répartitions.

Enfin, il est utile de rappeler qu’il y a une volonté de conserver aussi les modes de financement actuels. Ce n’est donc pas une menace en l’état pour les pratiques actuelles. Mais il sera peut-être générateur d’une opportunité qui améliorera la pratique de certains en étant plus adéquat avec leur mode de fonctionnement. Par contre, il y a une ouverture concernant les problématiques rencontrées et cela devra donner une suite, du moins, en tant que syndicat, nous la porterons plus loin.

Limites
Il faut être lucide, il y a des limites à ce travail. Tout d’abord, rappelons encore une fois qu’il s’agit d’une 3e voie d’organisation et de financement qui ne va donc pas répondre à toutes les problématiques, d’autant que bon nombre d’entre elles vont demander du temps, sans doute des années, pour être résolues et qu’une négociation budgétaire ardue a déjà débuté.

Ensuite, n’oublions pas que tout ce travail de documentation est destiné à la Commission nationale médico-mutualiste et, in fine, au Ministre … à qui reviendra la décision finale. Nous espérons donc vivement pouvoir compter sur le fait que Frank Vandenbroucke s’engage à tenir compte des conclusions qui seront formulées au terme des travaux. Cela étant, nous pouvons considérer ce projet comme un premier pas pour tenter de restaurer un dialogue et une confiance extrêmement mise à mal par les crises successives.

Finalement, ne perdons pas non plus de vue les limites de l’agenda politique, sur lequel aucune des parties prenantes n’a de prise. La législature arrive à son terme, ce qui induit un planning très serré. Ce rythme soutenu a d’ailleurs été soulevé à juste titre comme problématique à plusieurs reprises, mais force est de constater qu’il nous est impossible de proposer une alternative constructive pour pallier ces contraintes. Pour que le travail colossal déjà réalisé et à venir ne puisse pas être défait par la suite, le ministre veut pouvoir graver dans la pierre les conclusions de ce travail. Cela impose donc un certain rythme qui va inévitablement impacter partiellement la qualité et l’exhaustivité des contributions.

Conclusion
En conclusion, il y a de l’espoir concernant le New Deal proposé par le Ministre Vandenbroucke. Il ne répondra pas à toutes nos attentes mais il aborde et continuera à aborder un grand nombre de nos problématiques quotidiennes, quel que soit le lieu de notre pratique ou le type de pratique. C’est un espace de co-construction qu’il nous faut investir. Et surtout, il est prématuré de tirer des conclusions sur ce groupe de réflexion, alors que le processus ne se terminera qu’en juin 2023 pour ce qui concerne la concertation, et en décembre 2023 pour l’implémentation.

Il est peut-être temps de laisser un peu de place à de l’optimisme et de la confiance dans ce climat sombre et déprimant. Le New Deal est une occasion d’œuvrer dans ce sens et le GBO/Cartel propose de ne pas tenter de le saboter par certaines communications trompeuses.

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