La Commission de Planification de la Communauté Wallonie-Bruxelles est actuellement en discussion sur la répartition des sous-quotas entre Médecins Généralistes (MG) et Médecins Spécialistes (MS). Cette démarche, bien que technique, soulève des enjeux majeurs pour l'avenir de notre système de santé. Le CMG, consciente de ces enjeux, souhaite mettre en avant plusieurs demandes essentielles pour garantir une prise en charge optimale des patients.
1. Prévoir une meilleure délégation/répartition des tâches
D’un côté, les médecins généralistes s’interrogent sur leurs propres missions et sur les possibilités de déléguer, si nécessaire, certaines tâches qu’ils assument actuellement seuls, à d’autres professionnels des soins de santé. Cette délégation permettrait de maintenir la qualité des soins prodigués par les médecins généralistes, leur accessibilité, tout en améliorant leur qualité de vie et leur disponibilité pour la prise en charge globale des patients.
D’un autre côté, les médecins spécialistes sont aussi surchargés de travail et il devient difficile, pour les patients qui méritent leur expertise spécialisée, d’obtenir un rendez-vous dans un délai raisonnable. C’est pourquoi les médecins généralistes sont demandeurs d’une délégation de tâches de la médecine spécialisée vers la première ligne de soins, en renvoyant à la médecine générale ce qu’elle peut prendre en charge. Ceci permettrait aux médecins spécialistes de se consacrer aux soins spécialisés et très spécialisés dans les deuxième et troisième lignes de soins.
Il arrive que les médecins généralistes soient obligés de gérer seuls des patients qui auraient dû être pris en charge rapidement en médecine spécialisée, au risque d’une moindre efficacité.
En invitant les patients chroniques stabilisés à consulter davantage leur médecin généraliste, les médecins spécialistes se rendraient davantage disponibles pour la prise en charge de patients référés par un médecin généraliste. De plus, les médecins généralistes connaissent le niveau de littératie en santé de leurs patients et sont à même de consolider les informations reçues du spécialiste.
Médecins spécialistes et médecins généralistes libéreraient du temps pour les patients qui méritent leur expertise respective, ce qui rendrait plus cohérente la prise en charge des patients.
Par exemple, en médecine pédiatrique, les généralistes devraient voir en priorité les enfants en bonne santé, leurs pathologies aiguës et chroniques courantes et sont attentifs aux « red flags » pour les pathologies plus complexes, à renvoyer aux spécialistes. En psychiatrie, les dépressions non compliquées sont du ressort de la médecine générale et des psychologues de première ligne. Tandis qu’en oncologie, les médecins généralistes sont demandeurs de voir régulièrement les patients pour leur permettre la longue discussion, délicate, au sujet des projets thérapeutiques, des testaments de vie concernant les soins palliatifs, le non-acharnement thérapeutique et l’euthanasie. En endocrinologie, l’hypothyroïdie et le diabète II non compliqué doivent être gérés par les médecins généralistes. Dans les cas plus complexes, la prise en charge du diabète (et de l’IRC) via les trajets de soins a déjà amélioré la relation entre les médecins spécialistes et les médecins généralistes, ce qui prouve qu’une saine et fructueuse collaboration est à l’avantage du patient.
2. Rationaliser le temps et les soins
Par ailleurs, les médecins urgentistes sont confrontés à des patients qui ne trouvent plus de réponse à leur problème de santé auprès de la médecine générale et spécialisée dont les plannings sont complets de plus en plus tôt dans la journée. Pour y remédier, des plages horaires doivent être organisées à tous les niveaux pour les problèmes qui ne peuvent être différés. Les délais de prise en charge seraient ainsi plus conformes aux besoins.
Ici encore, cela demande une meilleure répartition des tâches , un renforcement de la médecine générale en nombre de médecins généralistes et en soutien de la pratique, et une meilleure organisation de la prise de rendez-vous à tous les niveaux.
3. Accompagner à domicile
Autre facteur important, les médecins généralistes voient leur charge de travail augmenter à cause des hospitalisations de plus courte durée. La gestion des retours à domicile, les projets d’hospitalisations à domicile ou encore l’adaptation aux suivis de pathologies chroniques de plus en plus complexes sont autant de facteurs qui alourdissent le travail des médecins généralistes. Nous pouvons conclure que le virage ambulatoire est un impératif généré par une réalité incontournable qui s’impose à nous : l’augmentation des pathologies chroniques et complexes qui doivent être gérées par les patients eux-mêmes, accompagnés des médecins et autres soignants en soins primaires, soutenus par les 2ème et 3ème lignes de soins.
Cette ligne d’action est la seule à pouvoir améliorer la qualité des soins tout en garantissant une disponibilité plus adéquate des prestataires et en diminuant globalement les coûts.
4. Soutenir la formation (universitaire et continue)
Finalement, il est nécessaire de soutenir les efforts des Départements et Centres académiques de Médecine Générale et des institutions qui organisent leur formation continue (par exemple, la SSMG). « Certains cours et stages des médecins candidats assistants spécialistes ont été allégés. Cela n’a pas été le cas pour le master de spécialisation en médecine générale. L’enseignement dispensé par les départements de médecine générale n’a pas été réduit (et les besoins en formation continue dispensée par la SSMG non plus), cependant leurs moyens n’ont pas été augmentés. Si les professionnels de terrain estiment que les enseignements universitaires ne répondent plus aux besoins, nous sommes disponibles pour réfléchir avec nos collègues MS (responsables des enseignements en master) à l’amélioration des dispositifs d’enseignement dans la formation de base, ainsi qu’en master de spécialisation. » (Dr. AL. Lenoir.)
Nous le voyons, le problème de la répartition des sous-quotas MG/MS mobilise des réflexions d’organisation des soins et de formation. Le CMG demande à la médecine spécialisée de réfléchir à ces problématiques pour éviter que le travail de la Commission de Planification W-B ne soit pas tout simplement une chambre d’entérinement de la situation actuelle sans projection sur une politique de santé ambitieuse dans ses réponses aux besoins de notre population.