Le conseil de l'Ordre des médecins demande à être étroitement associé à l'exécution de la future loi de réforme de l'aide médicale urgente actuellement à l'examen au parlement. Le projet de loi a été adopté en commission et doit encore être examiné en séance plénière. Le conseil national suggère un amendement prévoyant un contrôle préalable en cas de doute du médecin exécuteur, plutôt qu'un contrôle a posteriori tel que prévu par le texte.
Actuellement, l'opportunité d'accéder à une demande d'aide médicale urgente par les personnes étrangères en situation irr&eacut e;gulière sur le territoire appartient au CPAS. Le ministre de l'Intégration sociale, Denis Ducarme, estime que le système souffre d'abus. Son projet de loi prévoit la mise en place d'un médecin-contrôle au sein de la Caisse auxiliaire d'assurance maladie-invalidité (CAAMI) chargé de vérifier a posteriori si les soins dispensés relèvent du critère d'aide médicale urgente. Si un "abus" est constaté, le choix du médecin exécuteur sera reconsidéré, sanction financière à l'appui, et le CPAS concerné ne sera pas remboursé par l'administration fédérale.
Le texte vise à établir à une jurisprudence de la CAAMI. Il froisse les syndicats de médecins, qui craignent pour leur indépendance, les CPAS, qui dénoncent un nouveau transfert de charges vers les entités locales, et les associations qui pressentent les effets pour le public concerné, particulièrement vulnérable.
Dans une décision datée du 24 février et rendue publique jeudi, le conseil de l'Ordre des médecins relaye ces critiques. Accueillant favorablement l'essence même du projet qui vise une plus grande simplification administrative et une plus grande transparence, au bénéfice de populations particulièrement vulnérables, il dit en craindre les effets pervers, pour le monde médical, et par ricochet, pour les demandeurs de l'aide médicale urgente. A cet égard, il émet "de sérieuses réserves".
Le rôle du médecin-contrôle de la CAAMI sera de vérifier a posteriori si les soins dispensés relèvent du critère d'aide médicale urgente. L'Ordre des médecins rappelle que l'aide médicale urgente dépasse une notion de terminologie pour englober tout "besoin" auquel doit avoir accès une population vulnérable. En outre, ajoute-t-il, la création d'une jurisprudence "limite au moins indirectement la liberté diagnostique et thérapeutique du médecin exécuteur, car son jugement professionnel sera lié au risque de devoir lui-même payer les frais s'il est décidé a posteriori qu'il ne s'agissait pas d'une 'aide médicale urgente '". Au final, les patients risquent de ne pas bénéficier des soins nécessaires. "Le droit fondamental de l'homme aux soins est mis sous pression", estime le conseil de l'Ordre.
L'autorité renvoie par ailleurs au Code de déontologie médicale selon lequel le médecin contrôleur doit garder son indépendance professionnelle à l'égard de son mandant, aussi bien qu'à l'égard d'autres parties. "Le conseil national pense que la jurisprudence visée compromet fortement l'indépendance professionnelle".
Fort de ces constats, il suggère un amendement en vue de limiter la vérification souhaitée à un "contrôle préalable" des cas dans lesquels le médecin exécuteur doute du fait qu'il s'agissait d'une aide médicale urgente. Dans ces cas, la mesure de recouvrement ne serait possible qu'après que le médecin a encouru une sanction disciplinaire pour avoir invoqué à tort l'aide médicale urgente.
En outre, le conseil demande à être "impliqué étroitement" dans l'élaboration des arrêtés d'exécution sur "les règles et modalités des contrôles" ainsi que dans la définition "du statut de médecin-contrôle, vu l'approche délicate du secret professionnel et l'utilisation de données médicales qu'impliquerait nécessairement la mission de médecin-contrôle".