"Un pas de deux" de Serge Peker: entre lit et bistouri

Serge Peker a longtemps exercé la médecine à Paris tout participant à une revue critique de cinéma. Il a déjà publié deux romans aux éditions M.E.O., Felka, une femme dans la Grande Nuit du camp, librement inspiré de la vie de Felka Platek et Felix Nussbaum, et la Vivaldi, soliloque d’une vieille dame qui, à travers les infimes événements, cocasses ou pathétiques, de sa maison de repos, revisite son enfance dans le quartier de Belleville puis son périple de jeune fille juive partie se réfugier en zone libre.

L’autre scène

C’est une nuit magique et remplie de vies, d’existences, de combats et de renoncements que Serge Peker nous invite à partager dans son dernier roman « Un pas de deux ».

La scène de ce roman subtil et finement conduit se situe dans une chambre d’hôpital, elle deviendra une salle de théâtre intime,  une scène de la représentation de l’autre scène, de l’autre vie que chacun va donner à voir et à entendre à son partenaire. Les personnages : deux hommes, l’un est médecin, l’autre comédien. Ils pratiquent donc tous les deux un art entièrement consacré à l’être humain, à ses failles, bien entendu, mais aussi à ses secrets, à ses clivages et à ses renoncements.

Le propos de départ est simple comme pour toutes les bonnes histoires, il suffit de peu pour installer une véritable tension et créer une attention vive chez le lecteur ou chez le spectateur dès lors que celle-ci ne s’embarrasse pas de clichés et de lieux communs.. 

Le comédien propose au médecin de profiter du temps qui les rassemble « entre lit et bistouri » pour faire une sorte de jeu de deuil de leur vie.  La théâtralité se met en place à partir d’une découverte, faite par le comédien, d’un cahier où le médecin note, écrit dépose des récits.  Ce cahier de secrets devrait le rester mais ils sont tous les deux dans une relation d’une instance telle que c’est peut-être le moment de dévoiler cette sorte de confession que nous tentons de poser ça et là pour échapper à l’anonymat qui se referme sur chaque vie, comme si un nuage suffisait à renvoyer chacune et chacun à l’éternité de la discrétion d’avoir été.

Cette théâtralité permet d’aller plus loin que la parole, plus loin que le simple face-à-face ou la confession, elle autorise une re-présentation, une mise en scène des vestiges du passé et des décombres du présent.  L’écriture est vive pleine de soubresauts qui rendent à cette chambre tout son potentiel d’inquiétude mais aussi de libération.

Serge Peker nous livre ici un roman qui fait de la chambre d’hôpital une sorte de commémoration du parvis où se donnaient les premières représentations théâtrales en Europe, puis ce fut la place publique puis, la salle de théâtre… Ici nous sommes dans un théâtre de l’extrême intime où toute une histoire, une époque, des luttes et des espoirs et illusions se donnent à voir et à entendre dans la discrétion d’un face-à-face infiniment subtil et consolateur.  Cette consolation n’a rien à voir avec une quelconque molle bienveillance mais avec la reconnaissance de la mise en commun d’une humanité et de ce qui construit la vie des êtres de ce monde.

Roman, 2022, MEO éditions, 192 pages, 18,00 EUR, ISBN : 978-2-8070-0347-7 (livre) – 978-2-8070-0348-4 (PDF) – 978-2-8070-0349-1

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