Vives discussions en médico-mut ce lundi entre les médecins d’une part et, certaines mutuelles d’autre part, et indirectement Proximus et son application Doktr. Et où en est-on avec l'introduction des 4 nouveaux codes ?
Le ministre Vandenbroucke a mis en place un groupe de réflexion co-piloté par le Dr Ann Van den Bruel (président de KULeuven) et le Pr Jean-Luc Belche, (vice-président ULiège), qui a rendu son rapport final . Mais aujourd’hui où en est-on avec les codes 101990, 101835 et 101135 ? Normalement à partir du 1er juillet sur base d’un arrêté royal, il y aura bien l’introduction des 4 nouveaux codes (101673, 101695, 101710, 101732) Mais ce n’est pas encore certain. Sauf si le texte de l'AR était publié le 31 mai ...
« Ne pas oublier les spécialistes »
Pour le Dr Jacques de Toeuf de l’Absym, le texte doit donc encore évoluer : « Toutefois, le ministre ne peut pas modifier la proposition faite par la médicomut sans faire repasser le texte en médicomut (le CTM doit proposer une modification de la nomenclature). »
Un autre problème est celui de la question contraignante de la relation thérapeutique : « Des mutualités souhaiteraient la contourner dans des circonstances particulières. Il faut rappeler à cette occasion qu’elles ont signé un accord de coopération avec Proximus. Elles défendent donc aujourd’hui la position inverse d’il y a trois mois. » ajoute le Dr Jacques de Toeuf .
La question du paiement des médecins doit aussi être abordée. Selon l’avis de la Medicomut et de l’administration, au niveau des modalités de financement, le seul modèle de paiement qui est considéré actuellement, est le modèle 5 du rapport, soit la prestation, avec perception du ticket modérateur.
Comme le dit le rapport, « il y a un risque de fraude et un déséquilibre avec les consultations physiques, mais l’avantage est qu’il peut être mis en œuvre à court terme dans l'attente d'une proposition plus élaborée et de plus grande envergure, y compris des consultations physiques. »
Dans cette réforme, les spécialistes ne peuvent être oubliés : « Il est important que les spécialistes aient accès à la téléconsultation ce qui n’était pas évoqué dans le rapport Belche. Pour les deux ans qui viennent, le nouveau modèle doit évidemment intégrer les spécialistes. » conclut Jacques de Toeuf.
« Cela fait traîner la publication des codes »
Du côté du GBO, Jean-Noël Godin se veut très clair : "il y a des pressions de certains pour forfaitariser les téléconsultations (ce qui, techniquement, pourrait constituer un frein à la surconsommation). Il y a sans doute des pressions de Proximus (application Doktr) qui voudrait pouvoir continuer à faire facturer le code 101135 (ou un équivalent) par les médecins qui travaillent avec eux. Mais il y a d’autres volets de cette application qui posent question : ainsi, à titre d’exemple, il n’est pas normal que quand vous allez sur cette application, on vous dit qu’il est possible d’obtenir un certificat d’incapacité de travail en téléconsultation. "
Cela prouve les limites de cette application sans en faire le procès. En outre, il y a eu tout un débat sur le caractère aigu de la pratique et de l’accès à la téléconsultation.
"Proximus essaie d’avoir une définition la plus large possible du caractère aigu afin qu’un patient puisse contacter un médecin à tout moment sans s’inscrire dans une relation thérapeutique avec son médecin traitant. De notre côté, poursuit Jean-Noël Godin, nous voulons, une relation thérapeutique préalable, sauf cas d’urgence réelle. C’est essentiel. Les mutualités chrétiennes évoquent le fait qu'un certain nombre de Belges n’ont pas de médecins traitants ou qu’ils sont précarisés... et qu’ils doivent aussi pouvoir accéder à une téléconsultation sans qu’il y ait. eu de relation thérapeutique préalable. Il nous revient que le Ministre Vandenbroucke tient à l’existence de cette relation thérapeutique préalable pour les téléconsultations : le GBO/Cartel se réjouit donc de cette position. »
Ces tensions ralentissent le dossier : « Tout cela fait traîner la publication des 4 codes provisoires. On a le sentiment que les mutuelles font marche arrière sur l’exigence des médecins sur l’aspect de la relation thérapeutique des médecins et depuis le texte est en rade. Il n’est toujours pas publié au moniteur. En attendant, le 101135 (code covid de mai 2020) continue à être utilisé allègrement. Il doit donc sans doute y avoir des surconsommations par quelques médecins de ce code. Il peut être utilisé 5 fois dans un délai de 30 jours pour un même patient alors que les nouveaux codes, ce devait être 4 fois par an : même si on sait que cette règle devrait être assouplie, ce sera toujours plus contraignant pour des applications comme Doktr. »
« Laisser l’accès relativement libre »
A l’Absym, le Dr Gilbert Bejjani rappelle l’importance de la demande des spécialistes : « Cela me révolterait que l’on ne permette pas à la consultation d’être un complément aux soins de manière générale et que faute de consensus pour les généralistes que cela ne pénalise les spécialistes et leurs patients. Il faut penser à l’accès et à la demande des patients. Nos débats et tergiversations ne peuvent limiter excessivement leur liberté et leurs choix »
Pour lui, « tout comme le dossier du patient appartient au patient, il faut aussi prendre en compte que ce choix d’accéder à la téléconsultation appartient aussi au patient, et ce n’est pas juste aux médecins de déterminer les règles qui correspondent à leur point de vue. Il y a par moment des réflexes très conservateurs sur certains sujets et qui nous éloignent du fond du sujet, qui est la valorisation et la place du médecin, notamment le médecin généraliste. Il ne faut pas que trop de débats ne nuisent à la mise en place de la téléconsultation pour le bien des patients, ni que cela ne nuise aux spécialistes et à leur pratique médicale. On doit se pencher sur la valorisation de l’action médicale sous de nouvelles formes. Je respecte les attentes de nos membres généralistes mais je comprends aussi les idées de Domus Medica qui estime qu’il y aura, quoique l’on fasse, une ouverture vers une téléconsultation plus large ou la position de certaines mutuelles qui y voient une manière d’améliorer l’accessibilité. Faute de consensus sur le banc médical et sur le banc des mutuelles, on risque de retarder encore ce dossier, déjà tellement en retard»
Il insiste sur la nuance entre "remboursé" et "autorisé" : « Il est important aussi de ne pas interdire quelque chose, qui ne serait pas nécessairement remboursé dans certaines circonstances, mais autorisé de fait. Cela pourrait être remboursé pour certains et pas pour d’autres. Il faut au moins définir le cadre, le plus large possible. »
Enfin, il entend garder un oeil sur les budgets dans ce dossier : « J’ai demandé un contrôle budgétaire du dispositif afin que la téléconsultation ne vienne pas rémunérer une activité complémentaire sans budgets prévus pour cela. Il est légitime d’éviter un dérapage en la matière et qui en pénaliserait d’autres. »
A noter enfin que le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a analysé en profondeur 12 projets de télémonitoring de patients atteints de COVID-19
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