La médecine du futur en question(s): TIC et «open» connaissance

Philippe CouckeLa Convention on Health Analysis and Management, organisée par Guy Vallancin auteur de «La Médecine sans médecins?» a eu lieu à l’automne dernier. Le concept de cette réunion est basé sur des tables rondes avec des experts invités qui débattent sur des sujets d’actualité en matière de santé publique. Le titre principal était: «liberté, santé, inégalité». Le thème a été décliné en différents sujets: les objets (sujets) connectés, l’évaluation des professionnels, les nouvelles technologies d’information et l’impact sur la médecine, la performance de l’écosystème médical et la nécessité des données… Nous traitons ici des questions soulevées par les TIC et de l’«open» connaissance.

 

Les nouvelles technologies de l’information vont-elles changer la médecine et l’«open» connaissance pour tous? MOOCs et communautés de patients

Nicolas Bouzou, économiste et Président Fondateur de Asterès, rappelle que nous faisons face à une réelle révolution dans 4 domaines: la nanotechnologie, la biotechnologie, l’information et l’intelligence artificielle. L’évolution est tellement rapide que l’on peut la taxer de changement disruptif, concept de l’économiste du XXème siècle Schumpeter. Schumpeter déclarait d’ailleurs de façon visionnaire que «ceux qui vont faire la médecine de demain, ne sont pas les médecins d’aujourd’hui».

Antoine Flahault, professeur de Santé publique à l’Université Paris-Descartes, est frappé par la carence éducationnelle dans nos universités qui ne semblent pas se rendre compte que nous ne pouvons pas garder le même format éducatif. Si certains pensent qu’ils peuvent surfer sur la vague des MOOCs (multiple open online courses) en filmant un cours tel que donné habituellement, ils se trompent lourdement. Ce type de cours ne s’improvise pas et nécessite un formatage totalement différent d’un cours classique.

Le responsable des MOOCs de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), Pierre Dillenbourg, professeur de Pédagogie et des technologies de formation, par ailleurs numéro 1 en Europe en matière de MOOCs et à la tête du EPFL MOOC Factory, a fait part de son expérience. Ces MOOCs à l’EPFL comptent 1 million d’inscrits. L’inscription y est gratuite à l’exception de certains certificats. L’entrée financière provient de la revente de ces MOOCs à d’autres institutions et des quelques certificats payants. La relation entre enseignant et enseigné change complètement et contrairement à ce que clament les détracteurs des MOOCs elle est beaucoup plus riche qu’un cours ex cathedra. Dans le contexte des MOOCs il y a clairement un échange d’information dans les deux sens: l’apprenant devient acteur de sa formation et l’enseignant profite d’un retour d’expérience. A côté des MOOCs il développe maintenant les SPOCs (small private online courses). Il y a donc de plus en plus une réelle volonté d’horizontalité du savoir. Pour Pierre Dillenbourg, certaines universités sont des dinosaures condamnés à disparaître. Il utilise le terme «Kodakisé». Elles ne voient pas l’évolution venir en matière de techniques d’information et d’enseignement. Gerard Friedlander, professeur de Physiologie et doyen de la Faculté de Médecine Paris Descartes, confirme que si nos universités n’adoptent pas très rapidement ces nouvelles technologiques digitales, elles vont tout simplement mourir. Le constat est clair, selon lui on a «transformé des étudiants passifs en étudiants actifs et heureux de l’être».

A Lausanne, 37 MOOCs ont été produit par l’EPFL et 33 sont en fabrication. Sur le million d’inscrits, il y a 55.000 certificats délivrés, ce qui équivaut donc à 5%. Cela semble peu mais il faut savoir qu’un tiers abandonne immédiatement, 20% viennent y chercher des idées et sont souvent des enseignants. Il y a donc un tiers de réels étudiants. Il faut une volonté de réussir ce qui explique que de ce dernier tiers, seul 30% vont aller jusqu’au bout de la démarche.

Dans cette nouvelle formule éducative, il faut aussi réinventer l’évaluation des étudiants. Il faut se défaire de cette évaluation rigide que nous connaissons aujourd’hui et introduire beaucoup plus de flexibilité dans le système. L’étudiant inscrit dans le MOOC, peut déterminer son rythme d’apprentissage et par conséquent également son rythme d’évaluation. Signalons que certains MOOCs sont diplômants et sonnent les premières notes du glas des universités conventionnelles.

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