Dr Jean-François Gatelier (Engagés): «Je constate que la situation se dégrade de mois en mois»

Après avoir fait le tour des programmes des partis et de leurs propositions dans la santé, nous allons maintenant donner la parole à des médecins qui se sont engagés pour les prochaines éléctions dans les différents partis francophones. Pour cette quatrième entrevue, un médecin qui se présente sur les listes des Engagés.

Médecin généraliste dans la commune de Sivry-Rance, le Dr Jean-François Gatelier, sera troisième sur la liste fédérale dans le Hainaut pour les Engagés. Bourgmestre de la commune, il franchit une nouvelle étape. Il s’en explique sans détour : « Je vis au quotidien la problématique des soins de santé de première ligne comme généraliste. Je constate que la situation se dégrade de mois en mois. La situation est même plus grave qu’avant le covid.  La solution viendra des autres niveaux de pouvoir. Je me dois donc de m’investir dans cette campagne. »

Dynamique et positif, ce généraliste pose toutefois un constat implacable : « Dans deux ans, nous aurons de gros soucis de prise en charge à l’hôpital et en première ligne parce qu’une série de facteurs négatifs s’additionnent : le vieillissement de la population, le manque de médecin, le manque d’infirmière .... » 

Remplacer au moins les médecins qui partent

À cela s’ajoute le départ des médecins qui ne sont pas remplacés. « Cette problématique-là est d’autant plus importante que pour remplacer un médecin qui s’en va, il en faut deux sur le terrain (pour des raisons de conciliations de vie privée et professionnelle). On va droit dans le mur. » 

Posé, il en appelle déjà à ne pas tergiverser après les élections : « Il conviendra de prendre des décisions réfléchies dans l’urgence après les élections. C’est cela qui m’a motivé à m’engager. » Il ne cache pas que la présence de Jean-Luc Crucke comme tête de liste a aussi joué un rôle. « Je rappelle qu’il a quitté un poste de ministre pour rester fidèle à ses convictions pour un poste plus à risque. C’est plutôt rare. J’ai appris à le connaître, tout comme son intérêt pour les soins de santé. »

Se donner les moyens financiers 

Des quatre dernières années, il attendait d’autres actions des différents gouvernements : « Sans faire  de la politique d’opposition de bas étage, ils n'ont pas pris de grandes décisions en cette matière. Évidemment, le nerf de la guerre, c’est l’argent. Il faut donc dégager des priorités et des moyens. La norme de croissance est essentielle. Quand le MR parle d’une norme de croissance de 1,5%, cela signifie qu’ils souhaitent diminuer les dépenses dans les soins de santé. Évidemment, il y a certainement moyen de mieux utiliser aujourd’hui l’argent dans les soins de santé.... mais il faut avant tout investir, car ce qui nous pend au nez, c’est une médecine à deux vitesses avant la fin de la prochaine législature »

Il donne un exemple concret : « Je parle avec des jeunes médecins qui pensent à partir de notre région parce qu’ils ne peuvent compter sur une structure adéquate pour atteindre l’équilibre entre leur vie professionnelle et privée. Mais ce n'est pas tout, il faut aussi mettre en place des réels incitants structurels et pas seulement financiers comme des services de garde de qualité, réduire la charge administrative anormale, veiller aux bugs informatiques... »

Il en appelle aussi à soutenir la médecine générale dès les études : « Nous devons agir sur les quotas de médecin et surtout ne pas oublier que l’on ne dédie que 43% des quotas à la médecine générale dans ce dossier. Il convient au moins d’atteindre les 50%. »

Les coûts des soins vont augmenter 

Son constat est clair : « Moins il y aura de généraliste... plus les soins de santé vont coûter cher. En effet, la prévention et le suivi des patients vont diminuer. Les patients iront plus rapidement aux urgences et ils vont aussi consulter de plus en plus tard pour certaines maladies. On devrait, dans un monde idéal, les soigner avant qu’ils n'aient des problèmes de santé. À mon niveau, cela fait 2 ans que je refuse des patients pour pouvoir continuer à soigner qualitativement tout le monde. » 

Lui qui a fait ses études de médecine à l’UCL sur le site de Woluwe, rappelle aussi la priorité de la santé mentale : « L’Aviq ne dégage pas assez de moyens pour cela. Nous avons, au niveau communal, financé pour la première fois une asbl de santé mentale de la région « Le Répit » pour les aider à répondre à la demande. »

Aujourd’hui, en termes de prise en charge, ne voyant rien venir, il a pris les devants : «  Dans la région, nous avions créé une association de médecins, avec mon collègue, le Dr Firmin Ndongo Alo’o (aussi chez les Engagés), dans la Botte du Hainaut...Sans être aidé par l’Inami. Nous la finançons (4 personnes) sur notre travail : gynécologues, cardiologues, nutritionniste, psychologue, kiné-urogénitale...si nous pouvions compter sur des incitants supplémentaires, la Wallonie pourrait retrouver dans chaque village des structures qui permettraient à des jeunes médecins de travailler en équipe.  Ici, nous cherchons un troisième généraliste depuis plusieurs années, nous ne le trouvons pas. Sur la commune de 5000 habitants, nous sommes 7 généralistes, mais nous avons fait beaucoup de publicité en la matière pour atteindre un tel résultat. Ils me demandent, à présent,  de créer un cabinet de groupe pour les généralistes avec une maison de santé avec du personnel qui soigne et du personnel qui fait de la prévention. Nous y réfléchissons. »

Enfin, il ne s’en cache pas : « « Je suis d’abord médecin et je n’abandonnerais jamais mes patients. Cela me permet de garder une indépendance et une liberté de parole. Je peux dire ce que je pense tout en respectant les autres.  »

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