Le Collectif santé en danger qui regroupe de nombreux syndicats et associations de professionnels de la santé en France adresse une lettre ouverte intitulée « SOS » au président de la république et aux autorités de tutelle. « Aujourd’hui, l’urgence est absolue. Nous sommes arrivés au point de rupture. » constate t-il. Une lettre qu'on pourrait imaginer, à quelques détails près, être écrite pour notre pays !
Lettre ouverte à :
Monsieur le président de la République, Emmanuel MACRON , Madame la Première ministre, Élisabeth BORNE
Monsieur le ministre de la Santé et de la Prévention, François BRAUN
Madame la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, Agnès FIRMIN LE BODO
Madame la directrice générale, Santé Publique France, Geneviève CHÊNE L’ensemble des Français
« Ce n'était peut-être pas parfait mais tout est à l’imparfait maintenant…
Avant, j’avais foi en cette passion qui était devenue mon métier. Avant, je croyais qu’aimer l’Humain suffisait à faire les choses “comme il faut”.
Avant, j’espérais que dans un pays comme le nôtre nous ne pourrions que faire mieux encore et encore…
Avant, quand je disais à une patiente “je reviens”, je revenais vraiment.
Avant, je pouvais les regarder droit dans les yeux en leur assurant que le meilleur serait fait. Avant, je partais bosser avec tellement de plaisir.
Avant, je me souvenais de chaque nom de chaque patiente.
Aujourd’hui, en plus de me sentir complice d'un système de santé qui meurt, je suis épuisée et je m’évertue à éviter le pire à défaut de pouvoir faire le mieux.
Aujourd’hui, je passe mon temps à m’excuser de ne jamais avoir pu revenir.
Aujourd’hui, j’ai appris à prier très fort pour qu’on ne me pense pas maltraitante, simplement parce que je n'ai plus le temps.
Aujourd’hui, je refuse de devenir une soignante qu'on m’impose d’être faute de moyens. Aujourd’hui, je n’y crois plus, tout simplement. »
Ce témoignage reçu par le Collectif Santé en danger pourrait être transposé et écrit par n’importe quel soignant de notre pays aujourd’hui.
Le système de santé s’effondre. Dix millions de nos concitoyens peinent à trouver un médecin de famille. Les délais de rendez-vous chez un médecin (généraliste ou spécialiste) s'allongent partout en France. Des nourrissons sont transférés à des centaines de kilomètres de leur famille. Régulièrement, des molécules de base, telles que le Paracétamol sont introuvables en officine. Des enfants nécessitant des soins sont hospitalisés et isolés en service de psychiatrie adulte. Des personnes invalides ou handicapées ne trouvent pas d’aides à domicile, afin de pouvoir vivre correctement. Des malades meurent sur des brancards aux Urgences et dans les services à cause de reports successifs.
Les soignants de ce pays sont déçus et découragés de ne pas se sentir entendus par leurs tutelles, souffrent de ne pouvoir offrir les meilleurs soins aux patients et sont las de devoir se battre à chaque niveau des prises en charge qui leur incombent. Les médecins parlent de déplaquer ou de se déconventionner. Les internes sont en grève et désespérés, les étudiants abandonnent en cours de formation. Les paramédicaux fuient les établissements de santé, se reconvertissent ou s’expatrient. La souffrance au travail, pour ceux qui restent, est à son paroxysme. Trois professionnels de la santé se suicident tous les deux jours. Les faits divers et de violences se multiplient.
Le constat est connu. Les causes sont multiples et identifiées.
Aujourd’hui, l’urgence est absolue. Nous sommes arrivés au point de rupture. Ceux qui restent s’épuisent. Alors que devons-nous faire ?
Le chantier est immense…
Monsieur le ministre de la Santé et de la Prévention, nous savons que vous connaissez la situation et qu’il est inutile de vous convaincre mais le temps est venu d’agir, de renverser la table et de tout remettre à plat. Nous sommes conscients que la situation ne pourra pas se régler d’un claquement de doigt mais, ni les mesures prises dans l’urgence, ni les annonces de milliards de primes pour pallier les manques sans vision à long terme ne sont rassurantes.
Par contre, soyez assuré que, si vous ouvrez réellement ce grand chantier, si vous décidez de tout simplifier, si vous apaisez… Les soignants vous suivront, et nous continuons à croire que la population aussi. Quel bien est plus précieux que la Santé ?
L’attractivité passera sans conteste par une revalorisation de toutes les professions du soin à hauteur de leurs compétences. Pour garder et fidéliser ceux qui restent, faire revenir ceux qui sont partis et trouver de nouveaux soignants.
Si vous souhaitez réellement améliorer la situation, si vous voulez, comme nous, préserver l’accès aux soins de tous, si vous souhaitez stopper l’hémorragie et rendre ses lettres de noblesse au système de santé des Français, des mesures novatrices, fortes et concrètes doivent être prises maintenant. En voici quelques-unes applicables immédiatement.
Dans les établissements de santé
Supprimer les primes diverses et variées qui augmentent les divisions et les intégrer dans le salaire de base. Faire établir des grilles salariales claires, justes et équitables. L’État devra permettre à toutes les structures de faire face à ces hausses salariales. Récompenser l’ancienneté, l’expertise, l’investissement dans le tutorat et la formation continue.
Repenser le management, et établir une gouvernance équilibrée. Permettre et appliquer durablement une gouvernance administrative conjointe avec les personnels de santé médicaux et paramédicaux.
Supprimer les charges administratives, qui pèsent tant sur nos soignants. Développer des outils numériques plus performants.
Mettre en place des nouveaux métiers : logisticiens, méthodologistes et responsables santé environnementale.
Établir d’urgence des ratios raisonnables et obligatoires en EHPAD, et à moyen terme dans tous les autres services. Réviser les décrets de périnatalité, qui datent de 1998.
Faciliter la vie des soignants et axer la politique sur le bien-être au travail. Il y a tant à faire : mise en place de conciergeries, faciliter l’accès au logement et à la garde d’enfant, développer les politiques de santé environnementale.
Pour la médecine de ville
Revaloriser les consultations avec des tarifs adaptés à la profession et au temps passé, et en rapport avec l’expertise de nos professionnels sur la base minimale de la moyenne européenne.
Inciter les ordres et les syndicats nationaux à revoir et à simplifier drastiquement les nomenclatures. Payer réellement les actes effectués et supprimer définitivement l’absurde “1er acte payé à 100%, le 2e à 50% et le 3e gratuit”. Revaloriser tous les actes paramédicaux. Revaloriser les aidants à domicile et leur permettre de vivre dignement de leur métier.
Supprimer les inégalités en établissant un forfait unique de remboursement de frais kilométriques, quelle que soit la profession concernée. Le prix des carburants est le même pour tous.
Dégager du temps médical, en supprimant les charges salariales pour l’embauche d’assistants médicaux et secrétaires.
Mesures générales
Laisser nos jeunes faire les études qu’ils souhaitent et leur en faciliter l’accès. Accepter de rectifier les imperfections évidentes de la réforme PASS L.AS et Parcoursup et rétablir un entretien individuel pour l’entrée en institut de formation en soins infirmiers (IFSI) et institut de formation d’aides-soignants (IFAS).
Investir dans la Prévention, l’Éducation à la Santé et la protection de l’Enfance.
Reconnaître la pénibilité et intégrer la matinée du samedi dans la permanence des soins pour tous les soignants et praticiens. Valoriser à sa juste pénibilité et bonifier la permanence des soins pour les retraites.
Renforcer le lien ville/hôpital/médico-social de manière concrète. Partage d’un dossier médical patient avec des niveaux d’accès multiples. Développer un outil simple de communication pour pouvoir échanger de façon sécurisée entre professionnels sur un dossier, une situation.
En finir avec la gabegie financière lorsqu’il existe une compétition inutile entre établissements de santé proposant les mêmes services, là où une coopération inter établissements permettrait de redistribuer les effectifs humains plutôt que les diviser.
Apaiser les situations conflictuelles. Permettre aux soignants suspendus de se reconvertir dignement en négociant par exemple une rupture conventionnelle de leur contrat de travail ou même si c’est un peu tard, en leur permettant de céder leur patientèle.
Et enfin, de manière globale, oublier les mesures de coercition à l’égard des professionnels de santé et plutôt préférer rencontrer tous les acteurs et cosignataires de cette lettre ouverte, afin de travailler ensemble à des solutions émanant du terrain.
Toute l’offre de soins est à transformer. Il faut aller plus loin, plus vite et plus fort avec des mesures concrètes adaptées à la gravité de la situation, qui prennent en compte notre système de santé dans sa globalité. Nos destins de soignants sont tous liés les uns aux autres et nous avons tous en commun cette exigence de vouloir soigner correctement nos patients, exigence sur laquelle nous ne transigerons jamais !
Redonnez nous confiance et envie de continuer à exercer notre métier ! Restaurez un cercle sanitaire vertueux, qui permettrait à tous les praticiens et personnels de santé de poursuivre leur travail avec passion et conviction. Inventez une nouvelle économie de santé dépositaire d’investissements en santé et en prévention, tournée vers l’intérêt général, et de tous les Français. Le chantier est immense et il faut repartir sur de nouvelles bases solides, fondations d’un nouveau système de Santé pour nos concitoyens sur l’ensemble du territoire mais également pour le bien-être des soignants et des praticiens de ville, du médico-social et de l’hôpital.
Nous comptons sur vous tous !
Monsieur le ministre de la Santé et de la Prévention, pour simplifier, apaiser, redonner confiance aux soignants et refaire briller leurs yeux et battre leur cœur.
Monsieur le président de la République et Madame la Première ministre pour soutenir et encourager cette refonte du système de santé nécessaire et urgente.
Dans ce cas, soyez assurés que nous sommes prêts à être à vos côtés, tous unis pour la Santé.
Les signataires de cette lettre ouverte sont :
BACLE Véronique, Secrétaire générale adjointe, SNPST (Syndicat des professionnels de la Santé au travail)
BOURABAA Hamama, Présidente, Association Rendre le soin aux soignants
BRONNY Florence, Présidente, SNUP (Syndicat national d'union des Psychomotriciens)
Dr CHICHE Arnaud, Président, Association C Santé en danger, fondateur du Collectif Santé en danger
Dr CIBIEN Jean-François, Président, APH (Action Praticien Hôpital)
COMBARNOUS Dominique, Présidente, ANCIM (Association nationale des Cadres de santé)
COURILLEAU Pierrick, Président, Association Handicap
DIGOY Rachid, Président et membre fondateur, CIB (Collectif inter-bloc)
DUMORTIER Camille, Présidente, ONSSF (Organisation nationale syndicale des Sages-femmes
ESCAMES Véronique, Co-secrétaire général, SNPPE (Syndicat national des professionnel.le.s de la Petite enfance
FAEDI MOHORIC Camille, Co-fondateur, Collectif Manifestepsy
Dr GEFFROY-WERNET, Administrateur, SNPHARE (Syndicat national des Praticiens hospitaliers Anesthésistes-
réanimateur)
GODFROY Cyrille, Co-secrétaire général, SNPPE (Syndicat national des professionnel.le.s de la Petite enfance
LAUSEIG Anne, Présidente, Collectif La force invisible des Aides à domicile
Dr LE BIHAN Éric, Président, SNPHARE (Syndicat national des Praticiens hospitaliers Anesthésistes-réanimateur)
Dr LOEB Emmanuel, Président, Jeunes Médecins
Dr MARTY Jérôme, Président, UFML (Union française pour une Médecine libre)
Pr MÉGARBANE Bruno, Chef du service de Réanimation, Hôpital Lariboisière, Paris
Dr NOIZET Marc, Président, SudF (Association SAMU-Urgences de France)
RANDAZZO François, Président, Syndicat Alizé Kiné
Dr RÉBUFAT, Administrateur, SNPHARE (Syndicat national des Praticiens hospitaliers Anesthésistes-réanimateur)
REYNOLDS Katia, Présidente, ANDPP, (Alliance nationale des Pédicures-podologues)
ROBERT Lucie, Co-secrétaire général, SNPPE (Syndicat national des professionnel.le.s de la Petite enfance
SABY Katia, Présidente, CJSIP (Collectif Je suis Infirmière puéricultrice)
Dr SOUVERT Pierre, Président (ASEF (Association Santé Environnement France)
STERDYNIAK Jean-Michel, Secrétaire général, SNPST (Syndicat des professionnels de la Santé au travail)
Pr TEBOUL Jean-Louis, Chef de service Médecine intensive et Réanimation, Hôpital Bicêtre, Kremlin-Bicêtre
TORDO Frédéric, Co-fondateur, Collectif Manifestepsy
TRANCHIDA Antoinette, Présidente, ONSIL (Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux)
ZERBIT Jérémie, Président, Syndicat Avenir Jeunes Pharmaciens hospitaliers
Derniers commentaires
Paul JONCKHEERE
20 décembre 2022Pourqoi maintenir un numerus clausus si on manque de medecins.pourqoi maintenir un bac puisque les candidats infirmieres doivent aller etudier en belgique et y restent par apres.