Hier, le tribunal correctionnel de Gand a condamné un MG flamand à 6 mois de prison ferme pour n’avoir pas renvoyé vers un spécialiste un patient souffrant d'un cancer de la prostate. Medi-Sphère a recueilli quelques considérations du Pr Deneyer, vice-président néerlandophone de l’Ordre des médecins.
Le cancer de la prostate du patient n'a été correctement diagnostiqué qu'après 11 ans, et ce, en dépit de tests sanguins montrant, depuis tout ce temps, qu'il était susceptible d’en être atteint. Son médecin de famille ne l’a jamais adressé à un spécialiste. Il a fini par en consulter un de sa propre initiative et le diagnostic est tombé immédiatement. Aux yeux de juge, le MG a « manifestement négligé des signaux alarmants et l’a privé de chances de guérison et de survie » (détails dans Six mois de prison ferme pour un MG qui n'a pas renvoyé un patient vers un spécialiste).
Michel Deneyer, vice-président de l’Ordre, ne souhaite pas épiloguer sur cette affaire spécifique. Il fournit quelques éclaircissements généraux sur le rôle de l’Ordre, ses rapports à la justice. « L’infraction retenue ici par le juge est celle de coups et blessures involontaires. En cas de condamnation pénale, le procureur du Roi de l’arrondissement concerné peut désormais transmettre le dossier au conseil provincial d'appel. C'est la règle générale. L’Ordre peut donc être saisi d’une affaire si elle est liée à l'exercice de la profession et, plus généralement, s’il y a atteinte à l'honneur et la dignité de celle-ci. Si le dossier gantois nous est transmis, nous l'examinerons. »
Un médecin peut-il être doublement sanctionné, une fois sur le plan pénal et une fois sur le plan disciplinaire ? « Oui, certainement. Vous pouvez même aller à l'encontre du principe classique de droit ‘non bis in idem’ (d’après lequel on ne peut être poursuivi et puni deux fois en raison des mêmes faits), bien que dans cette affaire ce ne serait pas le cas. Peut-être le généraliste a-t-il simplement suivi les valeurs PSA qui donnent une indication du risque de cancer de la prostate. Aujourd'hui, l’augmentation du taux de PSA n'est plus considérée automatiquement comme une indication à opérer ce cancer. Encore une fois, tout dépend du cas individuel, par exemple de l'âge du patient. »
Avec ce jugement, le tribunal ne viole-t-il pas la liberté thérapeutique ? « La liberté thérapeutique n'est pas absolue. Je préfère qu’on parle de ‘responsabilité thérapeutique’. Il s'agit ici d'une prise en charge multidisciplinaire. Dans le Code, nous faisons souvent référence aux problèmes de toxicomanie et de sevrage, ou de maltraitance d’enfant. Parce que le médecin est fort impuissant, isolément, pour gérer pareils dossiers. »
L’actualité n’amène-t-elle pas davantage d’affaires où des médecins sont discrédités ? (*) Ou est-ce une coïncidence ? « Cela tient beaucoup à la judiciarisation croissante, sans qu’on arrive pour autant à la situation des USA. Regardez également ce procès euthanasie à venir (**) et dont on parle déjà énormément dans les journaux. Il s'agit avant tout d'une question touchant le(s) médecin(s) concerné(s), cela ne doit pas être mené en public. »
(*) l’accusation du Dr Gyselbrecht dans le feuilleton du Kasteelmoord, la condamnation de l’urologue Bo Coolsaet pour viol d’une patiente mineure, les récents propos sexistes du chirurgien plasticien Jeff Hoeyberghs...
(**) trois médecins flamands, suspectés de ne pas avoir respecté les conditions légales d’une euthanasie, ont été renvoyés devant les assises
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