Paul De Munck: «Il est temps d’écrire un document fondateur pour définir quel sera notre métier de demain»

Une page se tourne, mais l’engagement reste. Au GBO, le Dr Paul De Munck, président historique du syndicat, a cédé la place. Que va-t-il faire à présent ? La réponse fuse : « Je vais travailler jusqu’au 31 décembre 2024. Ensuite, je resterai à la disposition de l’équipe jusqu’à mon dernier souffle pour un avis, si elle le souhaite. Je n’occuperai plus de fonction visible et officielle. »

Au cours de ces derniers mois, les syndicats médicaux ont été secoués par le ministre de la Santé, au point que certains se sont posé la question : le syndicat médical a-t-il encore une légitimité ? « On est à un tournant. Nous manquons de moyens financiers alors que nous devons continuer à nous investir dans la concertation avec des effectifs suffisants. Je rappelle qu’une bonne concertation médicale, avec un syndicalisme intelligent, améliore le système de santé. Cela permet à l’État de dépenser moins et d’investir chaque euro de manière plus judicieuse. Il est évidemment nécessaire que les syndicats agissent sans une vision purement et uniquement corporatiste. »

Des valeurs claires

Le Dr De Munck veut le rappeler sans détour : « Une des valeurs du GBO est la défense professionnelle avec en ligne de mire la qualité des soins pour le patient. Nous œuvrons pour une bonne organisation des soins qui permet aux généralistes de jouer pleinement leur rôle dans le système et auprès du patient, notamment en matière de prévention. »

Il estime que deux problèmes rongent le syndicalisme : un financement insuffisant et le manque de reconnaissance en tant qu’interlocuteur dans la concertation régionale, même en dehors de la plateforme Proxisanté. « Nous revendiquons une place dans la concertation, comme nous l’avons eue au SPF Santé et à l’Inami. »

Les cercles et les syndicats

Parfois, les syndicats sont bousculés par les autorités, qui se posent la question de leur réelle utilité. « Il est essentiel que les autorités comprennent bien la différence entre les cercles de médecine générale et les syndicats médicaux. Elles ont besoin d’une représentativité médicale sur une base démocratique, et seuls les syndicats peuvent la revendiquer grâce aux élections. »

Heureusement, un souffle nouveau existe : « Les dernières élections syndicales ont renforcé le mouvement syndical avec une augmentation du taux de participation. Les médecins ont pris conscience qu’il ne fallait pas donner l’occasion aux responsables politiques de se passer des syndicats. D’ailleurs, les généralistes ont toujours voté en nombre important lors des élections. Cette fois, il y a eu un sursaut des spécialistes francophones. Maintenant qu’ils ont davantage voté, ils doivent aussi cotiser davantage. »

Un lien renouvelé entre généralistes et spécialistes

Justement, la nouvelle génération de médecins semble retisser des liens entre généralistes et spécialistes. « Nous devrions travailler plus ensemble et co-agir. Il faut aussi faire en sorte que certaines organisations arrêtent de nous opposer. Il existe une opportunité, à présent, de réduire cette division entre certains spécialistes et généralistes. »

Actuellement, le GBO est perçu comme une organisation centrée sur la défense de la médecine générale. « Peut-être que demain, nous devrions montrer l’image d’une aile francophone du Cartel (généralistes et spécialistes de l’ASGB et du MoDeS). Nous devrions y travailler dans les cinq prochaines années. »

Faire les bons choix

En cette période si particulière, les syndicats doivent bien choisir leurs combats : « Nous devons clairement définir notre cœur de métier. Nous devons, par exemple, être ouverts à la question du partage des tâches, surtout que les médecins se disent complètement surchargés. Il est donc nécessaire de défendre la profession pour que les médecins puissent se concentrer sur leur tâche principale. Nous devons également ouvrir des débats et des discussions qui déboucheront sur un document fondateur pour définir notre métier de demain. Il ne faut pas le définir par défaut. Être contre le partage des tâches est un combat perdu d’avance et d’arrière-garde. »

Dans les 10-15 ans, il n’y aura pas de pléthore de médecins. « Il faut un travail réflexif et collégial, et c’est le rôle du Collège de Médecine générale, ainsi que de la SSMG, du GBO… Je ne dis pas que le généraliste de demain ne doit plus vacciner, mais il ne doit peut-être plus être le seul à vacciner. »

La relation entre les médecins

Dans ces débats, il ne faut pas oublier que la relation du généraliste avec l’hôpital va évoluer. « Il faudrait créer dans une région donnée les meilleures conditions de travail entre les généralistes, la première ligne et la seconde ligne, les spécialistes et les hôpitaux : dialogue, échange d’informations… Il existe des expériences, mais ce n’est pas suffisant. Il faut créer un cadre structurel et un financement régional. »

Par rapport aux Flamands, les francophones ont cette tendance à avancer séparément. « Il faut plus de cohésion entre les cercles francophones… et que le Collège soit renforcé. Il doit aussi être mieux financé. »

Sur le terrain, faut-il réellement toutes ces structures : SSMG, Cercle, Syndicat… ? « Chacune doit bien rester dans son rôle. Doit-on aller jusqu’au “melting pot” de Domus Medica au niveau francophone ? Pas pour l’instant, mais à plus long terme, c’est à envisager dans le cadre d’une évolution du Collège de MG. »

L’implication des jeunes médecins

Évidemment, rien ne pourra se faire sans l’implication à terme des jeunes médecins. « Trop peu s’investissent encore à ce stade. Ils ne veulent plus entendre parler d’apostolat, de vocation ou de bénévolat. Je pense qu’il faut travailler sur le concept de responsabilité sociétale. Il faut redonner du sens à l’exercice du métier à travers ce concept. Il faut aussi redonner du temps à la pratique. La pénurie entraîne une réduction du temps de consultation, et le manque de médecins pour les administrations, les OA, la médecine du travail… »

Dans cette période complexe, le moment est venu aussi pour les responsables politiques de travailler sur le long terme : « C’est le grand défi de cette législature, avec un plan à 20-30 ans qui tienne évidemment compte des évolutions technologiques… sans être remis en question ou oublié à chaque changement de ministre. Il faut aussi l’appliquer une fois décidé. »

Au moment de clore l’entretien, le Dr De Munck revient sur les dossiers emblématiques de son mandat. « Nous avons été à la manœuvre de la commission de planification communautaire, sans oublier la plate-forme de la première ligne wallonne et Proxisanté. Actuellement, nous poursuivons sans relâche le travail sur la gestion des gardes, même si, à ce niveau, ce n’est pas encore terminé… »

Pour l’ancien président, le défi sera aussi de poursuivre l’évolution de l’image du GBO et sa professionnalisation : « Nous avons dû le faire sans financement supplémentaire. À terme, il faudra des moyens adaptés. »

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