Professionnaliser la garde ? Attention aux aspects éthiques et déontologiques

L’idée de professionnaliser la garde en semaine et en week-end en médecine générale refait régulièrement surface. Elle a ses partisans et ses opposants. Mais ce qui est certain, c'est qu'il faut respecter les exigences éthiques et déontologiques. Dans les conditions actuelles, elles ne sont pas compatibles avec une telle professionnalisation fait remarquer le Pr Christian Mélot, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins,

La pratique médicale, que ce soit en médecine générale ou dans d’autres spécialités, est imprégnée d’un certain nombre de principes fondamentaux. Parmi ceux-ci figure la continuité des soins. Tous les médecins en sont conscients, et ceux qui ont récemment répondu à une enquête menée par le Dr Anne-Charlotte Delhaye pour son travail de fin de spécialisation en médecine générale l’ont souligné dans leurs réponses. « Il faut que le patient se sente pris en charge et puisse être pris en charge à n’importe quelle heure du jour et de la nuit.

C’est ça la continuité des soins », déclare un confrère, dont les propos sont rapportés anonymement par le Dr Delhaye. « De toute manière », précise le Pr Christian Mélot, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, « la continuité des soins doit être assurée, comme le précise l’article 13 du Code de Déontologie Médicale. » Le Pr Mélot insiste également sur l’importance de la transmission des informations : « Le médecin remplaçant doit fournir toutes les informations au médecin traitant après son remplacement ou sa garde ».

Étonnamment, seul un confrère sur les dix médecins avec lesquels Anne-Charlotte Delhaye a eu un entretien plus approfondi en complément de son enquête, aborde la question du passage de relais après la garde : « il y a un souci de la transmission des informations », affirme ce médecin.

Mais même si une garde « professionnelle » permettrait d’assurer la continuité des soins, il est difficile, dans le contexte actuel, d’envisager un tel mode d’organisation. « D’un point de vue déontologique », rappelle le Pr Christian Mélot, « chaque médecin est tenu de participer à la permanence médicale ». Il rappelle également que la loi qualité de 2019 précise dans son article 26 les quatre critères pour demander une dispense au cercle auquel le médecin appartient. Il s’agit de l’état de santé du médecin, de son âge, de sa situation familiale ou de l'exercice effectif de sa profession dans le domaine des soins de santé.

« Dans l'esprit de la loi », explique le Pr Mélot, « il s'agit d'un médecin qui n'aurait plus la compétence, car il n'exerce plus en médecine curative : médecin de l'INAMI ou médecin d'assurance n'ayant pas de patientèle ». La dispense doit être confirmée par l'ordre provincial des médecins. En cas de refus, une procédure d'appel est prévue devant le conseil d'appel. Ces "commissions permanences médicales" fonctionnent depuis 2022-2023.

Dans ses conclusions, le Dr Delhaye souligne que la professionnalisation de la garde « impliquerait d’abord le partage de dossiers médicaux actualisés et complets ». Outre la difficulté pratique liée à la compatibilité des logiciels, il faut rappeler, comme le fait le Pr Mélot, que « le DMG (Dossier Médical Global) est tenu par le médecin traitant choisi par le patient.

Le médecin de garde ne peut pas, en principe, gérer le DMG ». Il ne faut pas oublier non plus que la multiplication des intervenants, impliquée par une garde professionnelle, pourrait engendrer des risques quant à la préservation du secret médical. « Le secret médical doit être assuré non seulement entre les médecins, mais aussi entre toutes les personnes participant à ce rôle de permanence (secrétaires, réceptionnistes, ...). Il s'agit d'un secret médical partagé », conclut le vice-président de l’Ordre.

> Consulter le travail de fin d’études du Dr Delhaye.

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