Télématique: s’y mettre en connaissance de cause

A en croire Maggie De Block, qui aime faire le décompte des Belges à avoir donné leur consentement à l’échange électronique de données médicales, l’e-santé a démarré «comme un TVG». Comment dissiper cette agaçante impression d’être, en tant que médecin, resté peu ou prou sur le quai? Suivre le mouvement sans brader des composantes du métier comme la protection de la vie privée, la responsabilité? 

L’Absym Hainaut/Namur/Brabant wallon a choisi de débattre du sujet de la télématique médicale lors d’un prochain séminaire (*). Si le domaine est en pleine explosion, des zones d’ombre juridiques demeurent. Le décor technique sera planté via la description – tant par des représentants des administrations concernées que par des médecins devenus experts – des outils d’e-santé à disposition (ou qui le seront bientôt). Mais le séminaire s’efforcera également de distinguer où s’arrêtent les intentions politiques et où commencent les réelles obligations des prestataires, et en quoi ils engagent leur responsabilité. Une clarification reconnue comme indispensable, comme en atteste son inscription dans la roadmap 2015-2018: le point d’action n°20 précise qu’il faudra travailler au «soutien juridique à l’e-santé», et entre autres inventorier et coordonner les différentes législations, décrets, AR, AM, règlements, accords en la matière, ou encore «formuler les adaptations nécessaires à la législation en matière de responsabilité dans le cadre du partage de données médicales». On peut en effet se poser la question de qui sera jugé responsable de quoi si, par exemple, une décision prise par – imaginons – un médecin de garde ou un urgentiste en s’appuyant sur les infos d’un sumehr qui n’était pas à jour a des suites négatives pour le patient...

Les règles générales de la responsabilité civile devraient s’appliquer ici, avance Michel Vanden Dorpe, avocat attaché à l’Absym, orateur lors du séminaire. Le juriste s’y penchera sur la base juridique – loi eHealth, loi sur la protection de la vie privée, loi droits des patients, décret de la Région wallonne… – et les obligations des dispensateurs de soins relatives à la télématique. L’usage des applications d’e-santé par les médecins, quoiqu’ouvertement attendu et encouragé par des incitants financiers (on songe au dispositif de prime graduelle inscrit dans l’accord médico-mut 2016 ou au bonus sumehr déjà d’application en 2015) est-il à ce jour formellement soutenu par des textes de loi?

Me Vanden Dorpe pointe les «vieux» garde-fous que constituent, dans le partage électronique de données, le consentement du patient et l’existence d’une relation thérapeutique entre ce dernier et le médecin qui accède à ses données informatisées. La confiance du patient à se confier et du médecin à consigner tout au dossier informatique pourrait être ébranlée par des modalités comme l’accès à distance du patient à tous les documents médicaux le concernant (sous pression de tiers par exemple) et l’ignorance des finalités exactes d’extractions futures de données. Me Vanden Dorpe rappelle les craintes de toujours de l’Absym face à eHealth en matière de finalité et de non-séparation des données sensibles et civiles. Le risque de voir un jour des données puisées dans les dossiers patients à des fins autres que de soigner ceux-ci, n’est pas dissipé par une feuille de route qui, dit-il, mêle le soin à la politique de santé et à la simplification administrative.

 

(*) La télématique: du fédéral à la pratique, samedi 7 mai, 9h-12h30, château de Namur. Détails sur le programme et les inscriptions sur le site du syndicat.

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