Le problème n’est pas nouveau: le taux d’autopsies est faible dans notre pays et un certain nombre d’homicides plus ou moins adroitement maquillés passent ainsi entre les mailles du filet. Les généralistes ou urgentistes de service se bornent aussi régulièrement à hasarder une hypothèse quant à la cause du décès. Autant dire que le système actuel n’est ni pratique ni franchement satisfaisant, observe le Pr Wim Van de Voorde (médecine légale, KU Leuven).
«Les décès sont régulièrement investigués par des généralistes de garde ou des urgentistes qui ne connaissent pas le patient et doivent établir la cause du décès un peu à l’instinct, explique l’expert. Ils sont nombreux à se sentir mal à l’aise et mal préparés à cette tâche – non qu’il faudrait former les médecins uniquement à évaluer les décès, évidemment. Ils sont là en première instance pour s’occuper des vivants, mais un système permettant de vérifier la cause du décès en cas de doute est également une nécessité.»
Obstacles
Le système actuel est semé d’obstacles. Les médecins ne sont par exemple même pas informés des résultats de l’autopsie, qui sont couverts par le secret de l’instruction… et ils sont donc de plus en plus déconnectés de cette problématique. Les généralistes amenés à constater la mort d’un patient le font en outre souvent dans un cadre familial, où il est très délicat pour eux de confronter les proches à la police en cas de décès dit «inhabituel». «Il nous arrive malgré tout de temps en temps d’identifier un homicide camouflé – ainsi récemment encore, lorsqu’une pendaison supposée s’est avéré être une strangulation. Si le médecin avait simplement l’obligation de délivrer une déclaration de décès (inhabituel) et de notifier celui-ci, il ne serait plus question de cette pression sociale contre l’enquête de police, puisqu’il pourrait se retrancher derrière le fait que la loi l’exige.»
Découvertes fortuites
S’agissant de notifier et d’investiguer les décès, le système juridique belge est extrêmement faible. Dans son aire d’activité géographique (Limbourg et Brabant flamand), le Pr Van de Voorde est ainsi régulièrement confronté à des découvertes complètement fortuites. Dans la province du Limbourg, une directive impose depuis 1 an ou 2 de signaler tout décès inhabituel à la police comme étant suspect et de le faire investiguer par un médecin légiste expérimenté, un collaborateur d’un laboratoire forensique et un membre d’une unité tactique d’enquête criminelle. «Sur ces 2 années, environ la moitié des homicides ont été découverts par hasard grâce à cette vigilance accrue», précise le spécialiste. La directive permet donc déjà d’identifier davantage de cas, même en l’absence d’une loi efficace.
Wim Van de Voorde voit dans la législation sur la mort subite du nourrisson une source d’inspiration intéressante. Tout décès inexpliqué d’un enfant de moins d’un an et demi doit en effet obligatoirement être signalé par le médecin à un centre d’expertise de la mort subite et donnera lieu à un examen externe et à une autopsie par l’anatomopathologiste du centre. «En réalité, tout décès inopiné devrait automatiquement donner lieu à une enquête, comme aux États-Unis.» Dans notre pays, les propositions de loi en ce sens ont toutefois systématiquement fait long feu.
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