Agressions, menaces, comportements déplacés vis-à-vis de son médecin, avec le Covid, une donnée qui existait déjà bien avant n’a fait que prendre de l’ampleur, celle de l’agressivité contre le corps soignant.
Plus personne n’est épargné, les médecins généralistes sont en première ligne, une fois de plus, mais que ce soit à l’hôpital ou aux cabinets des spécialistes, chacun prend sa part. Alors, y a-t-il une explication à ce phénomène grandissant? En Belgique, peu de données existent, alors qu’en France, il existe depuis 2003 un observatoire de la sécurité des médecins. On peut d’ailleurs se poser la question de la raison pour laquelle un tel organe n’existe pas dans notre pays, la violence ne s’arrête pas aux frontières pourtant. Chez nous, l’ordre des médecins a un point de contact via « Médecins en difficulté », qui a recensé en 4 ans 258 signalements venant de médecins. L’analyse de ces données est bien résumée dans cet article du Spécialiste.
Bien sûr, ces chiffres sont évidemment totalement en-dessous de la réalité et ne représentent que le sommet de l’iceberg. La majorité d’entre nous ne rapportons pas les faits de violence que nous pouvons subir de façon parfois quotidienne. On voit dans cet article que l’agressivité est plutôt verbale mais aussi physique, qu’elle vient principalement de patients connus, le motif majeur de conflit tournant autour du refus par le médecin de fournir les attestations ou prescriptions demandées.
C’est comme si le médecin ne pouvait plus refuser d’accéder à une demande d’un patient. Les fameux « Droits du patient » ont été mis en place en 2002 pour protéger le droit au consentement éclairé et établir les base d’une relation de confiance médecin/patient. Mais c’est comme s’il y avait eu un glissement de cet esprit originel de confiance réciproque. Comme si par ces droits, le médecin devenait leur « obligé ». Ce n’est pas le cas, heureusement, le médecin garde son libre arbitre, et son droit à refuser d’accéder à une demande quand celle-ci ne remplit pas les conditions déontologiques minimales de soins par exemple.
De l’autre côté, on entre dans la zone des « Devoirs du médecin », qui sont de plus en plus nombreux et tous azimuts. Il en a vis-à-vis de son patient bien sûr, l’informer complètement et adéquatement, mettre en œuvre tous les moyens pour un soin de qualité. Mais il a aussi dorénavant de plus en plus d’obligations vis-à-vis de l’état et de la société : avalanche administrative, justificatifs à fournir, formation continue, preuves de cette formation continue. C’est logique qu’on ne puisse pas faire n’importe quoi vu nos responsabilités sociétales et vis-à-vis de la santé de nos patients. Néanmoins, un fameux déséquilibre s’est installé entre omniprésence des droits de patients et envahissement d’obligations pour les médecins. Il en résulte ce qu’on voit aujourd’hui, fameusement exacerbé par l’état de tension dans laquelle nous a tous mis cette épidémie de Covid, une flambée de l’agressivité vis-à-vis du médecin, dès qu’il ne répond pas de la place où on veut le caser.
Fini le respect (et je parle juste d’un respect d’humain à humain) ? Fini la possibilité pour le médecin de pouvoir dire « Non, je ne pense pas que cette attestation/ordonnance soit justifiée» ?
Tout le monde est sous tension, médecins comme patients, et cette tension, qui n’a plus d’autre lieu pour s’exprimer, vient se décharger dans le dernier endroit où on peut déposer ses plaintes, le cabinet du médecin. Mais cette décharge se fait maintenant, très (trop?) rapidement par l’agressivité verbale et physique. L’immédiateté règne en maître, l’attente devient intolérable, le refus est inenvisageable « Mais quoi, c’est le médecin, il doit nous écouter, nous comprendre… » et obéir ???
Les droits et les devoirs sont partagés, le médecin a aussi des droits (au respect de son intégrité psychique en physique en premier lieu) et les patients ont également des devoirs, le pacte de non-agression entre autres, la violence étant, aux dernières nouvelles, punie par la loi.
Suggestion : pourquoi ne pas envisager de créer un observatoire belge de la sécurité des médecins, avec une capacité pour le médecin à entrer sa déclaration de façon rapide et par voie électronique ? Redonner également de l’estime à cette profession (ainsi qu’aux autre soignants, pharmaciens, paramédicaux) avec des messages positifs qui soutiennent le respect mutuel. Pourquoi ne pas soulager le médecin de certaines obligations administratives qui ont un caractère astreignant mais aussi parfois humiliant. Accompagner efficacement les médecins agressés, psychologiquement mais aussi juridiquement ?
Bref, les suggestions ne manquent pas… Et vous quelles seraient les vôtres?
> Un webinaire organisé par « Médecins en difficulté » sur ce sujet sera organisé le jeudi 16 décembre 2021 à 20 heures : « Agressions à l’encontre des médecins des soignants » sous la direction du Dr Caroline Depuydt et du Dr Victor Fonzé
Lire aussi:
> Absence des femmes médecins dans le management, sexisme ordinaire ou intériorisé? (Dr C.Depuydt)
Derniers commentaires
Bruno LULLING
27 aout 2021EXCELLENT!
Caroline DEPUYDT
26 aout 2021Vraiment intéressant comme idée , Dr Pevee, en effet cela pourrait diminuer les conflits et éviter des abus de part et d’autre
Paul PEVEE
26 aout 2021Les plus gros conflits sont générés lors de la rédaction des incapacités de travail. La rédaction de ces certificats d'ITT ne devrait plus être réalisée par le médecin traitant... il y a quelque de malsain...le patient attend souvent un avantage, souvent ne nous dit pas la réalité ou exagère ses plaintes...bien difficile pour nous de quantifier une douleur réputée intense.
Dans certains pays, proches de nous, ce sont les patients qui déclarent eux-mêmes leur incapacité de travail à leurs employeurs, et un médecin indépendant vient faire le contrôle. Le médecin traitant n'est plus coincé par ce genre de demande, et ne se consacre plus qu'à la seule prise en charge des pathologies.
C'est bien plus sain, et exit ceux qui vivent d'un commerce d'ITT