Dans une nouvelle lettre ouverte à la Première Ministre et au gouvernement , Marc Wathelet, Docteur en science, spécialiste des coronavirus humains,s’interroge sur la meilleure manière d’éviter une recrudescence de la maladie dans notre pays. “ Nous sommes déjà à un nombre de cas comparable aux chiffres officiels (sous-estimés) de la deuxième semaine du mois de mars.” Pour lui, une des réponses est le port du masque “ pour jouir de la liberté d’aller et venir sans devoir rester confiné ”
Questions légitimes sur l’obligation de porter un masque.
Une partie de la population se pose des questions sur la nécessité sanitaire du port du masque, ce qui n’est pas surprenant étant donné les discours contradictoires sur le sujet émanant du gouvernement et de ses experts depuis le début de cette crise, et la cacophonie générale à propos des masques en Belgique, aussi bien dans les médias traditionnels que sur les médias sociaux.
L’opposition aux masques vient en partie 1) du sentiment de contrainte sur la sensation de respirer librement ; 2) de l’idée qu’il y a un danger pour la santé associé au port du masque ; et 3) de la perception que la pandémie est finie en Belgique parce que le nombre de personnes hospitalisées et le nombre de décès continuent à décroitre quand bien même le nombre de cas semble être en ascendance.
Les coronavirus sont saisonniers.
Les coronavirus sont des virus saisonniers parce que les conditions hivernales favorisent les regroupements prolongés d’individus dans des espaces clos et le temps froid et sec favorise la survie du virus sur les surfaces et dans l’air ; c’est par exemple pourquoi les abattoirs sont des lieux où des épisodes de super-contagion ont été observés en Allemagne, aux États-Unis, au Brésil et en Chine.
La sévérité des maladies causées par les coronavirus est moindre en été, en partie parce que la plus grande instabilité du virus fait que la dose responsable d’une infection est plus petite ; le taux de vitamine D dans la population est aussi plus élevé, et cette molécule joue un rôle dans la réponse immunitaire ; de plus, les personnes qui sont plus à risque de complications semblent plus choisir la prudence que le reste de la population, ce qui contribue à un nombre faible de personnes hospitalisées et de décès pour le moment.
Que nous disent les nombres ? Retour de la phase exponentielle.
C’est l’augmentation du nombre de personnes infectées, un taux de reproduction RE supérieur à 1, qui est le signe de la reprise du caractère exponentiel de la propagation d’une maladie virale, et qui justifie de s’interroger sur la meilleure manière d’éviter une recrudescence de la maladie dans notre pays, sachant qu’en octobre les conditions favoriseront à nouveau la transmission du virus ainsi que des maladies plus sévères, et que nous sommes déjà à un nombre de cas comparable aux chiffres officiels (sous-estimés) de la deuxième semaine du mois de mars.
Le port du masque permet de contrôler la pandémie.
La science est très claire, le port du masque, en complément des mesures de distanciation et d’hygiène, et d’un dépistage-traçage efficace, est la différence entre les pays qui contrôlent ou ne contrôlent pas la pandémie sur leur territoire. Par exemple Taiwan, où le masque est porté par plus de 95% de la population, n’a connu que 7 morts pour une population de 23 millions d’habitants.
Quelques vérités sur les masques.
- Le nouveau coronavirus se transmet principalement par aérosol et par des individus sans symptômes. La distance de 1,5 m et l’hygiène ne suffisent donc pas, et il faut mettre un masque pour nous protéger de ce virus.
- Les masques n’empêche aucunement l’inspiration d’oxygène ou l’expiration de dioxyde de carbone, comme démontré par la saturation d’oxygène dans le sang avec un oxymètre ou par capnographie pour le CO2 ; les masques nécessitent un effort supplémentaire pour inspirer, ce qui donne l’impression d’un manque d’air, mais en absence de condition respiratoire chronique, porter un masque est sans danger et devient rapidement une habitude comme une autre.
- Les masques FFP2 et chirurgicaux captent très efficacement les gouttelettes et les microgouttelettes infectieuses dans l’air qu’ils filtrent ; la raison principale pour laquelle il ne sont pas 100% efficaces c’est qu’une partie de l’air expiré ou inspiré passe sur les côtés et n’est donc pas filtré. Le fait que les particules infectieuses soient captées plutôt que bloquées par le masque fait qu’une personne infectée ne respire pas continuellement les microbes qu’elle expire, comme certains semblent le croire.
- Les masques protègent non seulement les autres au cas où la personne qui porte le masque est infectée, mais les masques protègent aussi ceux qui les portent de deux manières : en diminuant le risque d’infection et en diminuant le risque d’une maladie sévère pour ceux qui sont quand-même infectés, parce qu’il aura réduit la dose infectieuse ; c’est pourquoi les masques moins performants sont malgré tout très utiles.
Est-ce que l’imposition du port du masque est une atteinte à notre liberté ?
L’obligation de porter un masque en public est une contrainte, une perte de liberté, tout comme le port obligatoire de la ceinture de sécurité est une perte de liberté, ou un casque à moto, ou conduire avec un verre de trop dans le nez. Au delà de ces nécessaires règles de santé publique, il y a probablement trop de régulations et d’obligations dans la société moderne, mais en fin de compte nous sommes dans une situation de pandémie. C'est une crise sanitaire qui relève de la santé publique et le caractère inconvénient de devoir porter un masque en public est bien pâle en comparaison à des situations de crise dans tellement de pays à travers le monde.
Le masque est un instrument de liberté.
Le gouvernement parle de la possibilité d’instaurer de nouvelles mesures de confinement, mais plus localisées qu’en mars, pour éviter qu’une deuxième vague ne prenne de l’ampleur dans notre pays. J’imagine que personne ne souhaite être confiné à nouveau, et le masque est justement l’instrument qui nous permet de mener une vie et une activité économique quasi normale. Je porte un masque pour continuer à jouir de la liberté d’interagir avec autrui, et d’aller et venir à ma guise.
La question du rôle moteur des écoles dans la transmission de COVID-19.
Les écoles sont des moteurs notoires pour la transmission des virus respiratoires, comme le savent bien les pédiatres qui voient leurs salles d’attente se remplir une semaine après chaque retour de vacances scolaires. Curieusement, lorsque la reprise des écoles au mois de juin a été considérée, différents experts et la Task Force pédiatrique ont décidé qu’après tout les enfants ne transmettaient pas le virus, que les écoles pouvaient rouvrir et que les enfants de moins de 12 ans ne devaient pas porter de masque.
Devant les protestations, le message a évolué de ‘les enfants ne transmettent absolument pas’ à ‘les enfants transmettent peu’ et enfin à ‘les enfants ne sont pas super-contagieux’ pour être sûr de ne pas s’exposer à la critique, mais le message restait autrement le même, à savoir pas de soucis pour rouvrir les écoles.
Une expérience naturelle en Israël
Israël a très bien géré la première vague de COVID-19 et en se préparant pour la reprise des écoles, a conduit une expérience à petite échelle avec un concept de bulle en place, semblable à nos trois semaines d’école en juin. Contre l’avis de leurs experts, le gouvernement israélien a décidé de rouvrir toutes les écoles sans autre forme de procès le 17 mai, un jour où il y avait seulement 10 nouveaux cas dans l’état. Avec quel résultat ?
Les chiffres semblent assez clairs : de 1.400 nouveau cas détectés en juin dans ce pays de 9 millions d’habitants, on compte 185 transmissions liées à des événements tel mariage, 128 transmissions en hôpital, 113 transmissions au travail, 108 transmissions en restaurants, bars, ou night-clubs, et 116 transmissions en synagogues. Dans les écoles ? On compte 657 transmissions ! C’est le genre de décompte très instructif pour la population et le gouvernement, et il devrait être communiqué par Sciensano chaque semaine.
657 transmissions, à savoir 47 % du total de toutes les transmissions en Israël pour le mois de juin ont eu lieu dans des écoles… Cela a ensuite conduit à 2.026 élèves et personnels scolaires infectés, et 28.147 quarantaines. C’est exactement ce genre d’épisodes qui conduisent à la caractérisation des écoles comme des moteurs de transmission pour les maladies contagieuses.
J’imagine que les experts et les pédiatres qui ont insisté que les enfants ne transmettaient absolument pas, ou peu, ce coronavirus alors que la science disponible à l’époque ne supportait pas du tout leur position, finiront un jour par reconnaître leurs erreurs devant cette évidence incontestable. En attendant, il est impératif que les enfants retournent à l’école dans les conditions les plus sanitaires possibles.
Donc, sauf exception médicale, le port à l’école d’un masque pour tout enfant en âge d’obligation scolaire doit être imposé pour la santé de tous (nos experts pédiatres peuvent toujours essayer de justifier rationnellement leur objection au port du masque par les enfants en primaire, en balance avec la prévention d’une deuxième vague).
Il faut étendre l’obligation du port du masque.
Le gouvernement a décidé d’étendre l’obligation du port du masque le 11 juillet, notamment aux commerces, et je l’en félicite. Outre les écoles, le port du masque devrait être également étendu à tous les lieux de travail. La transmission est une fonction du nombre de personnes présentes, du volume de l’espace, de la diversité des interactions, du nombre et de la durée de ces interactions. Plus l’obligation du port du masque est étendue, plus la transmission du virus sera ralentie.
Il faut inspecter les systèmes de ventilation, climatisation et chauffage.
Ces installations peuvent servir de moteur de propagation du virus, comme le montre la situation des abattoirs évoquée plus haut. Ce sont des lieux qu’il faut garder froid, les climatiseurs tournent à plein régime et il est tentant, pour les gestionnaires, de ne pas renouveler l’air car cela consomme plus d’énergie. La même question se pose pour le chauffage. Il faut donc que l’air qui circule passe par un filtre ou un traitement UV pour éliminer toutes particules infectieuses dans tous les buildings.
Des décès évitables.
En dernière analyse, il n’est pas très important que nous soyons le plus mauvais élève des pays de l’OCDE pour notre gestion de la première vague, ou seulement un dans le groupe des cancres. Une meilleure gestion aurait permis d’éviter de nombreux décès, et aurait aussi permis de raccourcir la durée du confinement et ainsi réduire les coûts économiques. Ne restons pas parmi les cancres pour une fois qu’il est permis de copier sur les bons élèves ! Faisons tout pour ne pas connaître une deuxième vague de décès évitables et les coûts associés : anticipons la recrudescence en portant tous un masque en public.
Et si le gouvernement fédéral ne l’impose pas, les syndicats et les employeurs peuvent se concerter pour réaliser des conditions sanitaires de travail; les bourgmestres ont l’autorité légale de prendre toute mesure nécessaire au contrôle des maladies infectieuses sur le territoire de leur commune ; et en dernière analyse chaque citoyen peut prendre ses responsabilités et choisir de se protéger et de protéger son prochain. Tous ensemble, à nos masques !
Lire aussi : La rentrée scolaire : garantie d’une deuxième vague en l’absence du port du masque ! (Marc Wathelet)
Derniers commentaires
Dominique NARCISSE
31 juillet 2020Quasi tous ceux qui lisent cet article sont d'accord.
Mais les 20-40 ans concernés ne lisent pas ce type de nouvelles ! Les illégaux, ne parlant pas la langue, ou même les nouveaux Belges qui regardent la TV du pays d'origine , ne sont pas informés ! Combien de personnes dans nos villes ont des soucis bien plus prégnants ? Je crois qu'il faut ajouter des affiches claires partout et un couvre-feu, comme à Anvers, empêchant les jeunes de continuer à boire, chanter, crier, danser dans les rues et sur les places, à la sortie des cafés ... Etre visible ... Dr Narcisse
Yvette BOTSON
23 juillet 2020Bon sens, clarté et vérité : ce qu’on espère en vain de nos experts gouvernementaux....