Avoir terminé sa formation n’est pas une carte blanche pour malmener la génération suivante – un cercle vicieux auquel le Dr Roggen appelle à mettre enfin un terme !
« Lorsque j’ai commencé à travailler comme assistante (aux urgences), il y a quatorze ans, nous étions complètement livrés à nous-mêmes. Nos condisciples des années au-dessus avaient surtout envie d’avoir la paix pendant les gardes, un appel aux superviseurs en cours de journée était systématiquement accueilli par un profond soupir et un appel au cours de la nuit, il ne fallait tout simplement pas y penser.
Je me souviens encore du savon que m’a passé un assistant plus âgé le jour où, complètement dépassée par l’afflux des patients, j’ai osé téléphoner à un membre de l’équipe médicale des urgences (lorsqu’un superviseur s’est décidé à venir me donner un coup de main, quelques heures plus tard, la déferlante s’était déjà apaisée).
À la fin de ma première journée en salle, quelques mois plus tard, un membre de l’équipe médicale a passé tous les patients en revue avec nous. J’en étais presque euphorique et l’idée que mes bourdes seraient interceptées à temps m’a donné un énorme sentiment de sécurité. Malheureusement, durant toutes ces années, cette expérience ne s’est jamais répétée.
Au cours de notre formation, le mot d’ordre était d’apprendre à se débrouiller… et à encaisser en cas de problème, car il n’y avait personne pour nous couvrir. »
Élargir la supervision
« C’est pour cela que je me suis juré que, plus tard, je ferais tout pour éviter cette expérience à mes propres assistants. L’une de mes grandes victoires dans mon service actuel (les urgences de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF)) a été d’élargir la supervision de 8 à 23h… mais, malgré nos efforts pour être accessibles et disponibles, j’ai remarqué que cette réticence persiste encore et toujours chez les assistants.
Et malheureusement, quand on entend ce qu’ils vivent dans des hôpitaux plus petits, on se rend compte que les choses n’ont pas beaucoup changé. Des assistants de première année livrés à eux-mêmes, qui n’ont pas le droit d’appeler leur superviseur et qui nous téléphonent en désespoir de cause pour un conseil. Qui doivent travailler tous les weekends et jours fériés. Qui sont à peine encadrés, à peine soutenus et qui, à leur retour, n’ont pour ainsi dire rien appris (si ce n’est à remplir des lits et à poser des perfusions, puisque c’est la seule chose qui rapporte en pédiatrie).
En tant que médecin, lorsque vous vous engagez à former des jeunes, soyez présent à leurs côtés ! Les assistants ne sont PAS UNE MAIN-D’ŒUVRE BON MARCHÉ, mais de futurs collègues. Mieux vaut qu’ils vous appellent dix fois pour rien que de ne pas le faire quand c’est nécessaire. Mieux vaut rentrer chez vous un peu plus tard après une bonne discussion avec un assistant que de le laisser repartir avec des questions et des doutes. En tant que maîtres de stage, nous avons une responsabilité colossale vis-à-vis des prochaines générations. Ne leur infligez pas ce que vous avez-vous-même subi !
Avoir terminé notre formation ne nous donne pas carte blanche pour malmener la génération suivante. Il est temps de mettre un terme à ce cercle vicieux. »