L’article de Medi-Sphère intitulé « Une application en pharmacie pour le coaching et le suivi du patient diabétique » démontre que les mises en garde de l’ABSyM au sujet de la stratégie mise en œuvre par l’APB (le syndicat des pharmaciens belges ) sont fondées. En effet, grâce à cette application, les pharmaciens pourraient accéder à des compétences jusqu’ici légalement réservées au médecin.
Si les pharmaciens d’officines ne se montrent pas vraiment enthousiastes à cet égard, la société Multipharma fait le premier pas avec « une étude visant à démontrer les bénéfices d’un coaching de patients diabétiques de type II par le pharmacien ».
Exit le médecin généraliste qui sera simplement « informé à l’inclusion du patient dans l’étude » et purement et simplement remplacé par une « unité de pratique intégrée » composée d’un endocrinologue et d’un pharmacien.
Menée auprès d’une cohorte de cent patients, cette étude de six mois se limite au suivi à distance des glycémies capillaires et de la compliance au traitement. Son évaluation scientifique se résume à la mesure du taux d’hémoglobine glycosylée au début et à la fin de l’expérience.
Donner l’illusion au patient que le suivi de son diabète est de la sorte pris en charge dans sa globalité par un pharmacien représente un dangereux abus de la confiance du patient et peut-être source de complications.
Prendre en charge le suivi d’un patient diabétique de type 2 dans sa globalité ne s’improvise pas. C’est même l’une des missions les plus complexes du médecin généraliste. Le patient diabétique souffre le plus souvent de comorbidités intriquées qu’il est capital de dépister, de soigner et de suivre sans délai. Le sentiment de sécurité que lui inspirera le suivi de son diabète par un pharmacien éloignera le patient de l’expertise de son médecin généraliste au risque de laisser apparaître et s’aggraver des problèmes dont la prise en charge par le médecin généraliste sera au mieux retardée et au pire éliminée.
Une lourde crise économique touche les pharmaciens dont le chiffre d’affaires s’est effondré depuis que les pharmacies en ligne distribuent les produits de parapharmacie à vil prix. La tentation est grande pour leur syndicat de tenter de renflouer les revenus des pharmaciens, en revendiquant la reconnaissance légale de leur accès à des compétences jusqu’ici exclusivement réservées au médecin.
La littérature grouille de publications rédigées par des pharmaciens qui tentent de démontrer l’intérêt d'attribuer aux pharmaciens, des compétences telles que :
- la vaccination
- le dépistage des maladies chroniques
- la surveillance des indicateurs biologiques en lien avec les médications
- la surveillance de l’apparition de problèmes de santé résultant des médications
- l’adaptation de la posologie de médications à l’évolution clinique et biologique
- le renouvellement sans prescription de médications chroniques
- l’interruption de médications chroniques sans avis médical
- le traitement de problèmes de santé réputés « bénins » sur base de l’anamnèse
- la délivrance libre de médications actuellement soumises à prescription médicale
- le statut d’« avant-première ligne » qui juge si un patient doit ou non consulter un médecin
Les représentants des pharmaciens déploient une énergie folle pour convaincre les représentants de notre profession d’accepter cette OPA sur la médecine générale. Et le moins qu’on puisse dire est qu’ils y parviennent. Au sein de la plate-forme de première ligne wallonne où s’échafaude l’avenir de la multidisciplinarité, le GBO place en première place de ses priorités le fait de «faire évoluer les réflexions vers plus de partage des tâches (principe de subsidiarité) au sein de la première ligne». Dans tous les lieux de décision, ce syndicat soutient fermement la revendication des pharmaciens d’accéder à un nombre croissant de données de nos dossiers médicaux.
Il est important de noter que l’accord de gouvernement du 30 septembre 2020 annonce cette révolution : «Il convient de continuer à les soutenir dans leur rôle de gardiens et de coaches de notre système. Cela vaut aussi pour les pharmaciens avec qui le gouvernement poursuit sa réflexion sur le futur rôle de cette profession»
Gageons que ce premier pas franchi par la société Multipharma ouvrira les yeux des médecins généralistes sur le risque insensé que lui font courir les représentants de la profession qui soutiennent cette conquête des compétences du médecin par le pharmacien. L’ABSyM quant à elle fera tout pour lui faire obstacle.
Lire aussi: Une application en pharmacie pour le coaching et le suivi du patient diabétique
Derniers commentaires
Philippe TASSART
13 mai 2021N'étant pas syndiqué mais ayant un a priori favorable au GBO ("le syndicat des généralistes"), je suis cependant consterné par la fonction que ce dernier désire attribuer aux pharmaciens dans les futurs soins de santé. Par contre, l'ABSyM s'est prononcée clairement en faveur du "chacun dans le rôle pour lequel il a été formé". La médecine générale vit des moments difficiles, elle est convoitée de toutes parts. Certains généralistes exposent ouvertement leur désarroi face à cette situation et émettent des messages très pessimistes à destination de nos futurs jeunes confrères/soeurs. Il est rassurant de savoir qu'un syndicat est prêt à nous défendre sans compromission, avec une indépendance d'esprit évidente et sans inféodation au pouvoir. Il est également rassurant de voir monter une nouvelle génération de généralistes, intelligents, engagés et volontaires. Je conseille à tous mes confrères généralistes en mal de motivation et qui prédisent la mort de notre métier de s'associer avec l'un d'entre eux. Ce sera du gagnant gagnant, une préretraite tranquille et programmée d'un côté, une aide importante de l'autre pour démarrer dans la vie professionnelle.
Iwan WILLEM
07 mai 2021Puisque les pharmaciens souhaitent effectuer les tâches qui nous incombent, qu'on nous permette alors de gagner notre vie en vendant des pampers, petits pots pour bébés et tous les produits de parapharmacie avec lesquels ils se font des c*** en or !!
Dr I. Willem (Verviers)
Serge DELVILLE
06 mai 2021bravo pour cet article
soulager les tâches administratives du généraliste ne veut pas dire confier sa mission à d'autres ...
Marie-Louise ALLEN
06 mai 2021La médecine sans médecin: un rêve de nos états? déjà subodoré lors de la grippe H1N1…
Entre numerus clausus, paperasseries, même si informatisées, inutiles et burnout et départs anticipés à la retraite…
La médecine se meurt, à l'époque où les médecins se voient interdire d'examiner leurs patients et de prescrire selon leur art....
Arnaud DEL BIGO
06 mai 2021Bravo pour cet article!
J'ajouterai qu'ils n'ont pas attendu notre avis pour mettre en place des choses illégales et contraires au RGPD.
En effet, j'ai appris hier par une assistante en pharmacie que, depuis la dernière mise à jour de leur logiciel, les pharmaciens voient apparaître le statut vaccinal covid des patients et que, s'ils ne sont pas encore vaccinés, un questionnaire apparait à l'écran pour stimuler le patient à la vaccination.
Quoi que l'on pense de cette vaccination, peut-on accepter qu'elle serve de prétexte à braver toutes les règles de confidentialité et le secret médical ?
Charles KARIGER
06 mai 2021En tout client d'une officine gît un patient, c'est bien connu.
Mais les bien-portants, ces "malades qui s'ignorent" ne seraient-ils pas mieux suivis, soignés, etc par une "happ'"?
Celle-ci ne pourrait-elle pas prescrire ce qu'il faut et confier à un Über quelconque la délivrance directe depuis le grossiste sans passer NI par une doctoresse NI par une pharmacienne?
Quelle simplicité, quelle rapidité, quelle économie!
Jean-Louis MARY
06 mai 2021Excellent article , je suis stupéfait!
On est bien loin du concept du trajet de soins mis en place en 2009 pour rendre une place au généraliste dans la prise en charge du diabétique de type 2.
Comment les syndicats peuvent-ils réagir ?
Comme souligné plus haut , tout est mis en place pour remplacer le généraliste de la première ligne de soins par des paramédicaux et /ou les pharmaciens .
C’est clair que si j’étais jeune diplômé aujourd’hui je ne ferai pas la médecine générale !
Simone ULRIX
06 mai 2021Dans l'article « Une application en pharmacie pour le coaching et le suivi du patient diabétique", on semble oublier que l'entretien d’accompagnement de bon usage des médicaments (BUM) pré-trajet diabète ne peut se faire que sur prescription médicale ( 4 séances/an, à répartir, selon la prescription du médecin, entre séances collectives ou individuelles, à prester par infirmiers, kinés, diététiciens, éducateurs en diabétologie ou pharmacien). En ce qui concerne les séances individuelles, elles doivent durer 30 minutes obligatoirement: pas certaine que le pharmacien aie envie de passer 30 minutes pour 21,72 euros! A moins de rogner frauduleusement sur la durée?
Alexis JANCEN
06 mai 2021Peut-on de nos jours envisager un avenir épanouissant pour un jeune qui voudrait entreprendre une formation médicale pour exercer une médecine de première ligne? Tout semble se mettre en place pour éjecter cette première ligne. Le plus triste de l'affaire est que des patients, de plus en plus nombreux, revendiquent un accès immédiat et gratuit à la seconde ligne hospitalière laissant le soin à Dr. Google et à la publicité pharmaceutique guider leur pas.
Le comble est que cette gratuité est volontiers concédé par les politiques, par le biais des CPAS, aux nouveaux arrivants (ad vitam) et, qui très vite, se sont organisés pour occuper les créneaux politiques nécessaires, ayant la bénédiction des bonzes des partis. Je suis à 100% d'accord avec ce qui est exprimé par l'auteur de cet article
Alexandre SARAFIDIS
06 mai 2021Que dirait on si Les médecins travaillant en groupe pourraient aussi délivrer les médicaments ? Cela ferait un circuit plus court ? Et rendrait service au patient qui ne devrait pas courir chez le pharmacien .
Reflexion a faire du on rebat les cartes .
Le mieux c’est probablement que chacun remplisse correctement son rôle ...
Duy Tri TRAN
06 mai 2021Le confrère David Simon a tout à fait raison de réagir ; en effet nous constatons que les pharmaciens font de plus en plus souvent de la "médecine derrière la boutique " , prise de PA , donner des conseils de traitements , avancent des médicaments sans prévenir le médecin (ça nous met parfois dans l'embarras lorsque nous constatons qu'il faut changer de thérapeutique ...) signe du temps : la société semble évoluer vers un fonctionnement sans règles ,,,!
Dr TRAN
Yvette BOTSON
04 mai 2021La compétence liée à chaque profession est un gage de sécurité pour le patient. Les raboter, les mélanger sera source d’erreurs et au final c’est le patient qui en fera les frais.
Si l’on continue à mettre en priorité le gain financier, on va droit dans le n’importe quoi! A quand le retour d’un but qui serait l’excellence de la pratique de notre profession et idem pour les pharmaciens !