Le Docteur Nora Zekhnini est médecin généraliste à Bruxelles. Dans une cette Tribune elle fait part de ses critiques à Sciensano dans un acrostiche écrit à l’acide…
S comme… Scientifique ?
Sciensano affirme depuis le 26/02: « Le virus ne reste pas en suspension dans l’air ». Pourtant, en plus de la transmission par des surfaces contaminées et par des gouttelettes, la COVID-19 se transmet aussi par aérosol, simplement en respirant ou en parlant. Les données de la littérature scientifique permettent de démontrer que la transmission par microgouttelettes suspendues dans l’air en aérosol est le mode dominant de transmission de COVID-19.
Références:
La durée de vie dans l'air des microgouttelettes issues de la parole et leur importance potentielle dans la transmission de SARS-CoV-2 https://www.pnas.org/content/early/2020/05/12/2006874117,
Transmission aérosol du SARS-CoV-2: le monde devrait faire face à la réalité https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S016041202031254X,
Gouttelettes et aérosols dans la transmission du SARS-CoV-2 https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2009324.
C comme… Certain ?
Sciensano: « Contrairement aux autres virus des voies respiratoires, il semblerait que le virus du SARS-CoV-2 ne soit pas facilement transmis par les enfants. Les données scientifiques actuelles montrent que c’est par les adultes et pas par les enfants du même ménage que l’on risque le plus d’être contaminé. » Seulement, la charge virale n’est pas statistiquement différente selon l’âge des patients infectés. Et bien que le flux respiratoire d’un enfant est moindre que celui d’un adulte, la concentration moyenne de virus infectieux dans l’air expiré par un enfant contagieux est la même que celle dans l’air expiré d’un adulte contagieux. Les virus respiratoires se transmettent très aisément via les enfants et dans les collectivités, et il n’y a pas de preuve que les enfants transmettent la COVID-19 de manière négligeable.
Références:
Une analyse de la charge virale du SARS-CoV-2 selon l’âge du patient https://zoonosen.charite.de/fileadmin/user_upload/microsites/m_cc05/virologie-ccm/dateien_upload/Weitere_Dateien/analysis-of-SARS-CoV-2-viral-load-by-patient-age.pdf,
Epidémiologie et transmission du COVID-19 à Shenzhen en Chine: analyse de 391 cas et 1286 de leurs contacts étroits https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30287-5/fulltext,
Excrétion du SARS-CoV-2 infectieux chez les nouveau-nés, les enfants et les adolescents symptomatiques https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.27.20076778v1.
I comme… Intelligent ?
Sciensano: « Les femmes enceintes et les enfants de moins de 6 mois ne sont plus considérés comme groupes à risque de développer une forme sévère de COVID-19. » Or, nous savons que les femmes enceintes, en général, sont plus vulnérables aux infections respiratoires, en raison de la modification de la physiologie et des fonctions immunitaires. Des études ont déjà montré qu’en cas de COVID-19 chez les femmes enceintes, il y a un risque plus élevé de césariennes, de naissances prématurées, de pneumonies grave et d’admission aux soins intensifs.
Références:
Morbidité et mortalité maternelles graves associées au COVID-19: le risque ne doit pas être minimisé https://obgyn.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/aogs.13900,
Covid-19: Il est maintenant temps de protéger toutes les travailleuses de première ligne enceintes https://blogs.bmj.com/bmj/2020/04/28/covid-19-the-time-to-shield-all-pregnant-frontline-workers-is-now/,
Résultats de grossesse, complications néonatales et transmission materno-fœtale du SARS-CoV-2 chez les femmes atteintes de COVID-19: revue systématique de 441 cas https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.11.20062356v2.
E comme… Epistémologique ?
Sciensano: « Exemples de contacts à faible risque: Une personne qui se trouvait dans la même pièce/environnement fermé avec un patient COVID-19 pendant moins de 15 minutes à une distance <1,5 m, ou bien un professionnel de santé qui se trouvait dans la même pièce qu’un patient COVID-19 sans l’utilisation de l’équipement de protection individuelle, mais jamais à moins de 1,5 m de distance. » Pourtant, 15 secondes et 50 secondes ont suffit pour que deux personnes infectées en contaminent chacune une autre en Chine au mois de février: https://www.globaltimes.cn/content/1178740.shtml. Et le seuil de distance de 1,5m (dans un espace fermé, en plus!) n’a aucun sens eu égard de la transmission aérosol du virus qui implique de plus grandes distances.
Références:
Transmission aérosol du COVID-19: Pourquoi 2 mètres de distance entre personnes ne peuvent pas suffire https://www.mdpi.com/1660-4601/17/8/2932,
Potentiel de transmission du SARS-CoV-2 dans l'excrétion virale observé au centre médical de l'Université du Nebraska https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.23.20039446v2,
Estimation des émissions virales aéroportées: taux d'émission du SARS-CoV-2 pour l'évaluation des risques d'infection https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.12.20062828v1.
N comme… Non-contagieux ?
Sciensano: « L’isolement n’est pas nécessaire pour les contacts asymptomatiques à faible risque. » Or, un principe essentiel pour COVID-19 est sa transmission, dans près de 80% des cas, à partir de personnes contagieuses asymptomatiques qui donc, par définition, n’ont ni rhume, ni toux, ni éternuement. Ce qui confirme par ailleurs la transmission aérosol par la simple respiration et la parole.
Références:
Une quantité importante d’infections non documentées facilite la dissémination rapide du nouveau coronavirus (SARS-CoV-2) https://science.sciencemag.org/content/368/6490/489, La transmission asymptomatique; le talon d'Achille des stratégies actuelles de contrôle de Covid-19 https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMe2009758,
Estimation des émissions de SARS-CoV-2 par des cas non symptomatiques https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.27.20081398v1.
S comme… Sensé ?
Sciensano: « Durée d’isolement à domicile de 7 jours pour les cas COVID-19 confirmés, 14 jours pour les cohabitants » et « Les enfants avec COVID-19 confirmé ou possible ayant été hospitalisés peuvent retourner à l'école/crèche en concertation avec leur médecin traitant et au moins 7 jours à compter du début des symptômes. » Seulement, le temps moyen de portage et d’excrétion du virus est de 20 jours, voire jusqu’à plus de 30 jours! De plus en plus de données scientifiques démontrent que l'excrétion du virus peut se poursuivre même après la résolution clinique des symptômes et la séroconversion, et ce jusqu’à 63 jours. Même remarque pour les cohabitants, d’autant plus que la charge virale des patients asymptomatiques semble similaire à celle des autres patients symptomatiques dans des milieux familiaux.
Références:
Excrétion prolongée d'ARN du SARS-CoV-2: Ce n'est pas un phénomène rare https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/32347980,
Excrétion prolongée du virus même après séroconversion chez un patient atteint de COVID-19 https://www.journalofinfection.com/article/S0163-4453(20)30190-0/pdf,
Charge virale du SARS-CoV-2 dans les échantillons des voies respiratoires supérieures des patients infectés https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2001737.
A comme… Acceptable ?
Sciensano: « Mesures de protection du médecin généraliste lors d’un examen clinique en cas de suspicion de maladie COVID-19: portez un masque chirurgical. » Toutefois, les masques FFP2/FFP3 sont au moins 11,5 à 15,9 fois plus protecteurs que les masques chirurgicaux. Les masques chirurgicaux ne peuvent pas remplacer les masques N95 (FFP2/FFP3) en cas de pathogène qui se transmet par voie aérosol. En effet, le masque chirurgical n’offre qu’une très faible protection contre les aérosols infectieux et est avant tout conçu pour protéger les personnes environnantes de celui qui le porte, alors que le masque N95 protège celui qui le porte de son environnement.
Références:
Évaluation de la protection selon la taille des particules par des masques FFP et des masques chirurgicaux aux normes européennes contre des particules testées sur des sujets humains https://www.hindawi.com/journals/jhe/2016/8572493/,
Les N95 offrent-ils un niveau de protection de 95% contre les virus aéroportés, et dans quelle mesure les masques chirurgicaux sont-ils adéquats? https://www.ajicjournal.org/article/S0196-6553(05)00911-9/fulltext,
Aérosol et gouttelettes: Précautions pour le personnel soignant traitant le coronavirus 2019 https://academic.oup.com/jid/advance-article/doi/10.1093/infdis/jiaa189/5820886.
N comme… Normal ?
Sciensano: « Il est recommandé que le médecin généraliste porte un masque buccal pour chaque examen clinique des patients ne présentant pas de symptômes de COVID. Il s’agit de préférence d’un masque chirurgical, mais ceci peut être remplacé par un masque en tissu si aucun masque chirurgical n’est disponible. » Pareil ici: Les masques chirurgicaux, plus efficaces que les masques en tissu, protègent contre les postillons mais ils ne sont pas suffisants pour protéger contre la transmission aérosol: seuls les masques FFP2/FFP3 type N95 le sont. Le masque chirurgical ne suffit pas, donc encore moins un masque en tissu. D’autant plus si on prend en compte la transmission asymptomatique!
Références:
L'utilisation de masques faciaux par la population générale pour prévenir la transmission de l'infection Covid 19: une revue systématique https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.05.01.20087064v1,
Estimation de la transmission présymptomatique de COVID19 en utilisant des données de période d'incubation et d'intervalle en série https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.02.20051318v1,
Infections présymptomatiques de SARS-CoV-2 et transmission dans un établissement de soins infirmiers qualifié https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2008457.
O comme… Optimal ?
Sciensano: « Compte tenu de la rareté actuelle, les masques FFP2 (N95) doivent être réservés aux prestataires de soin exposés à des traitements médicaux générant des aérosols chez les patients COVID-19. » Cependant, le COVID-19 ne nécessite pas de tels actes pour se transmettre par voie aérosol: la simple respiration suffit. Aucun des 42.000 soignants envoyés en renfort à Wuhan et qui portaient des N95 n’a été infecté, ce qui ne fut pas le cas des soignants précédents qui portaient des masques chirurgicaux https://covid-19.chinadaily.com.cn/a/202004/02/WS5e85853ca310128217283efa.html. Tous les prestataires de soins sont exposés à la transmission aérosol du virus et tous nécessitent donc de disposer de masques FFP2/3 (N95) qui protègent efficacement contre cette transmission aérosol, à porter face à tout patient suspect ou non de COVID-19.
Références:
Examen de la transmission aérosol du COVID-19 et santé publique https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/risa.13500,
Nuages de gaz turbulents et émissions de pathogènes respiratoires - Implications potentielles pour réduire la transmission de COVID-19 https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2763852,
Détection de la contamination de l'air et des surfaces par SARS-CoV-2 dans les chambres d'hôpital de patients infectés https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.29.20046557v2.
> Retrouvez l'interview du Dr Zekhnini dans MedFlix #13
Derniers commentaires
Sophie Zaczek
21 mai 2020Je me tue a dire dans mon hopital que je suis kiné pédiatrique avec des petits sans masque et on refuse de me
Donner des ffp2!! Je suis contre mes
Patients ( ils
Sont
Parfois dans les
Bras !!!
Yvette BOTSON
21 mai 2020Ce sont des réflexions que la plupart des médecins se sont faits, et cela a comme conséquence: une distanciation scientifique et une suspicion certaines vis à vis de cet organisme.